Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

LA RECREATION DU MONDE

Le lien du vendredi, c'est ce très beau texte sur le dernier film de Claude Chabrol, texte qui notamment rappelle que "si l’homme peut tout nommer de ce qui existe sur terre, si tout ce qui existe sur terre a en commun le langage de l’homme, alors un film peut donner une idée de la « réalité », mais à condition de se constituer monde, c’est-à-dire de faire de la mise en scène, c’est-à-dire de relier toutes choses entre elles."

Lien permanent 13 commentaires

Commentaires

  • Oui, j'ai beaucoup aimé ce texte et il me fait regretter que l'ami Griffe soit devenu si rare...

  • Relier toutes les choses entre elles

    un avion relie une terre au ciel
    des mots relient des choses
    la mémoire relie les humains
    et le cinéma dans tout ça
    il empreinte la pellicule comme un miroir

    et je lui tendis la main

  • Merci beaucoup, Ludovic. Cela venant de vous m'a fait très plaisir. Qu’avez-vous pensé de « Bellamy » ? (Je me souviens que vous n’aviez pas beaucoup aimé « La fille coupée en deux ».)

    Et merci à vous aussi, Doc.

  • Merci laurence.

    Oui, Griffe, je l'ai trouvé remarquable et je suis en train de changer à la vitesse grand v dans ma compréhension de l'oeuvre de Chabrol, que j'aimais mais que je voulais aimer davantage, ou plutôt mieux, et c'est ce qui se passe, notamment grâce à quelques passeurs dont vous êtes.

  • Si tout ce qui existe sur terre a en commun le langage de l'homme, dans ce cas l'éternité silencieuse n'existe pas.
    C'est au contraire parce que la cinématique tend à faire gober ce mensonge que tout ce qui existe sur terre a en commun le langage de l'homme (théorie de l'abbé Berkeley), ce qu'aucun artiste véritable n'a jamais cru, je veux parler de Shakespeare ou de Botticelli, de Dante ou d'Homère, c'est pour cette raison qu'un catholique est porté à voir dans le cinéma un stratagème luciférien.

    "(...) Et il lui fut donné d'animer l'image de la bête, de façon à la faire parler et à faire tuer tous ceux qui n'adoreraient pas l'image de la bête (...)" Ap. Chap. XIII, 15

    L'artiste combattant Karl Marx a prophétisé l'aggravation des attentats perpétrés par le capitalisme totalitaire contre la réalité. La totalité dont il est question dans le totalitarisme, seuls certains artifices comme le cinéma peuvent l'atteindre.

  • Attention Lapinos, vous êtes en train de commenter chez un...cinéphile, catégorie honnie entre toutes, si j'ai bien compris votre système de pensée (mais ça me fait bien plaisir de vous voir ici, car ne vous en déplaise nous avons beaucoup d'ennemis communs, des ados verbeux d'Ilys jusqu'au totalitarisme libéral justement).

    Mais Eisenstein est-il un traître au marxisme ? Le cinéma ne peut-il avoir, même s'il est l'art moderne par excellence, une capacité à résister, à être antimoderne en somme, notamment lorsqu'il permet le "sublime" ?

  • C'est surtout lorsqu'il se dit chrétien que je considère le cinéphile comme un possédé particulièrement nuisible (Votre confrère F. Hadjadj du "Figaro", par exemple, dont les palinodies insanes, l'éloge de la "bonne mort", dérivent de la cinéphilie et non du "Nouveau Testament", que cet oiseau de malheur a dû lire en diagonale.)
    Je n'en veux pas trop à Céline, par exemple, d'avoir rendu hommage au cinéma, à sa "vitesse moderne" ; d'autant plus que c'est sans doute dans une saute d'humeur et que sa propre littérature "enfonce" tout le cinéma.
    Et puis Céline a dit tellement de mal par ailleurs des calotins que ça compense largement sa cinéphilie.
    Un chrétien ou un communiste est mieux placé que quiconque en principe pour comprendre que le cinéma participe du vieil iconoclasme boche (il y a des traces de cinéma, déjà, dans la peinture grotesque et rétrograde de Rembrandt), d'une manière plus perverse que la musique encore, dont le cinéma n'est qu'un dérivé (le "mouvement" que Céline croit discerner dans le cinéma est "musical") ; or au béotien le cinéma apparaît comme étant une "image animée".

    Sinon moi je ne veux pas dire du mal de Staline, comme un baveux dira du mal de Hitler pour recouvrir sa propre petite entreprise crapuleuse d'une couche de chaux ; mais il est assez évident que Staline a suscité l'enthousiasme femelle des poètes et des philosophes d'abord : Eluard, Sartre, Aragon.

  • "sa propre littérature "enfonce" tout le cinéma."

    Mais je suis assez d'accord avec cela, figurez-vous. Mais ils ont un lien en commun, Céline et le cinéma, justement cette musicalité qui parfois veut se suffir à elle-même, qui veut à tout prix faire signe, même quand il n'y a plus iren à dire (ou à montrer).

  • Je n'ai pas été assez clair ; Céline a pu penser à un moment que le cinéma disposait de "moyens", pour employer un terme général, lui permettant de surpasser la littérature, à commencer par la sienne (un poète romantique écrit aussi pour ne pas mourir et le dépérissement de son oeuvre, le simple sentiment du dépérissement, peut provoquer l'angoisse) ; les commentaires de Céline sur le cinéma prouvent qu'il ne dispose pas comme les Grecs d'une science profonde du mouvement (Inutile de préciser que je ne parle pas des Grecs auxquels un néo-païen de la revue "Eléments" pourrait se référer, n'est-ce-pas ? Grecs vis-à-vis desquels un marxiste n'éprouvera très logiquement que le plus profond mépris ; en qui il verra même plutôt des Turcs ou des Phéniciens.)

    Il reste que la vie de Céline couvre un laps suffisant pour qu'il ait pu constater l'impuissance du cinéma à rivaliser avec son propre art. Ne serait-ce qu'entre "Le Voyage" et "Mort à crédit", la mentalité de Céline a sensiblement évolué. Ce que Céline a dit de "Mort à Crédit", dont le titre sonne comme un hommage à Balzac, qu'il est le seul roman communiste du siècle et que les communistes français sont juste trop cons pour le piger, n'est pas une simple provocation de sa part.
    Dire que Céline est "musical" et surtout qu'il a eu l'intention de l'être n'est donc pas faux, étant donné qu'il est marqué comme toute l'époque par une conception musicale et poétique de l'art, conception qu'il a fallu douze cent pages avec ses gros sabots boches à Hegel pour développer, et que Villiers de l'Isle-Adam ou Baudelaire ont exprimée avec plus de brio.

    Mais il est plus juste de dire qu'au vrai Céline détonne dans son époque, et vu qu'elle est totalement musicale (à quelques exceptions près comme Marx et Engels qui n'hésitent pas à molester Racine et Chateaubriand), l'art de Céline s'érige forcément contre la musique et ne suit pas l'"index" de Hegel (évidemment luciférien à mes yeux, comme l'extrême platitude de la philosophie de Hegel ou d'Hannah Arendt le souligne).
    Céline est un nazi qui n'a pas beaucoup de goût pour l'uniforme (sachant que les nazis eux-mêmes sont plus complexes à déchiffrer que leurs cousins yankis).
    Je ne pense pas que vous soyez vous-même dupe de ce qu'on cherche en faisant de Céline un "musicien" ou un "styliste" à nier que sa prose a un sens ? Pas plus que vous n'êtes dupe que ce procédé émane d'une bourgeoisie qui a mis toute son industrie au service de l'Allemagne sans barguigner une minute ?

    Comme on pourrait proposer une dialectique similaire pour décrire l'art de Rubens, je crois que le meilleur terme pour désigner Céline, qu'il revendique d'ailleurs, c'est de dire que c'est un "artisan". C'est le "métier" qui sauve Céline en quelque sorte, comme Rubens.
    Pour un catholique, spécialement prévenu contre le langage et son essence (Matth. XV, 11,18) (et après tout la dialectique matérialiste de Marx emprunte largement à des théologiens catholiques, non pas seulement à Aristote), la musique ne peut pas "faire voir", elle ne peut que démontrer - la perversité particulière du cinéma étant que, bien qu'il n'appartienne pas moins au domaine de la rhétorique, il tend à faire croire qu'il peut aussi "faire voir" et, la médiocrité politique aidant, propage l'hystérie avec encore plus d'efficacité.

    On peut fort bien avoir une intention et s'en écarter sensiblement. Ainsi moi je pourrais vous citer les noms de tas de chrétiens qui foncent vers Satan en croyant foncer vers l'Esprit Saint.

    (Je n'ai rien de spécial contre la bande d'"Ilys" ; ces types-là m'ont laissé dire ce que j'avais à dire et je ne crois pas qu'on puisse les prendre très au sérieux en tant que chrétiens, si tant est qu'ils le revendiquent. Le christianisme n'est plus désormais qu'une question de "label", et ils ne le possèdent pas plus que moi.
    Je reconnais mes ennemis et ils me reconnaissent généralement en me censurant immédiatement. Pour les cibler franchement, ce sont les démocrates-chrétiens qui gravitent autour du "Figaro" et de "Famille chrétienne", et se font un devoir d'émasculer systématiquement les quelques rares chrétiens qui ont pu faire preuve de résistance à l'esprit du monde au cours du siècle dernier : Bernanos, Simone Weil, Léon Bloy, pour mieux faire place nette à leur capharnaüm, qui implique la judéomanie comme il fallait pour faire carrière sous l'Occupation, par principe être antisémite.)

  • Je comprends bien ce que vous me dites, et si je ne mets pas du tout Céline sur le même plan que Valéry par exemple, il n'en demeure pas moins que ces deux écrivains, parfois, pour privilégier une image (un signe), sont prêts à sacrifier le sens, à jouer la fascination, en ce sens, ils sont aussi "cinématographiques" au mauvais sens du terme.

    (A propos d'Ilys, j'ai longtemps cru que n'importe quel démocrate-chrétien était pire (moralement et politiquement) qu'un extrêmiste revendiqué, mais aujourd'hui je ne le crois plus et il me semble que les esprits faibles mais forts en gueule qui sévissent sur des sites se voulant subversifs quand ils ne cessent de servir la soupe aux vainqueurs, vainqueurs qu'ils sont (poètes en chambre, théoriciens vaseux, identitaires libéraux), sont l'une des courroies de transmission du système, bien plus hypocrites que les besogneux droitsdelhommistes.)

  • Et l'image vient du ciel, tandis que le signe vient de la mer ou de la terre. Villiers-de-l'Isle-Adam propose une analogie entre le cygne et le poète, et Shakespeare entre le cygne et le prêtre. Mais quand Villiers veut plutôt sauver le cygne, Shakespeare cherche à estourbir cet oiseau à long cou.

    ("Extrémiste", comme vous y allez ! Pour moi les mecs d'Ilys ne sont pas plus extrémistes que Nicolas Dupont-Aignan. Ils cultivent le genre "bobo de droite" lecteur de Muray qui cherche à détrôner le "bobo de gauche". Ils disent ne pas aimer Sarkozy, mais en réalité ils lui doivent tout. Et, encore une fois, ils n'ont pas le pouvoir de bénir et d'accrocher un chapelet aux fusils de pauvres crétins qui vont se faire buter en Afghanistan pour le compte de Total, ou, pire, pour y buter des innocents, comme on envoie un type en enfer en lui faisant croire que c'est le paradis ; tout ça parce que ces braves gens craignent de pas pouvoir honorer leurs crédits à la consommation si la manne du sous-sol venait à manquer ; et tous les discours sur les vilains nazis et les vilains communistes pour se donner bonne conscience ; sérieusement, je pense que si vous étiez chrétien comme je le suis, ça vous donnerait tout autant envie de dégueuler que moi, depuis que j'ai seize ans et que je suis en guerre contre cette clique ; ça n'a rien à voir avec le "droit-de-l'hommisme", puisque je vous mets au défi de trouver une critique plus radicale que celle de Marx du "droit-de-l'hommisme", lui qui a parfaitement décrit dans quelles conditions le passage de la morale chrétienne aux "valeurs laïques" s'est fait au XIXe.)

  • (Va pour les bobos de droite. Quand je dis "extrémiste", c'est surtout dans la posture : vanter Pinochet, sortir des chiffres de QI pour légitimer Tsahal etc... ; car en fait il n'y a plus libéral-libertaire que ces apprentis).

  • Pinochet ou Franco me paraissent nettement plus respectables que de Gaulle, de toutes ces badernes la plus grotesque et dont le culte est pourtant répandu en France alors même qu'il est le symbole de la lâcheté française et de l'ineptie économique.

    Je vous suggère à propos de "libéralisme libertaire" comme on peut suggérer à Cohn-Bendit pour d'autres raisons de lire le "Journal" de Drieu. Lui qui espérait que les beaux soldats allemands blonds marchant au pas de l'oie préserveraient l'Europe du mercantilisme anglo-saxon abject, il a très vite déchanté ; dès qu'il a vu les Boches en vrai, il a reconnu en eux le même mobile petit-bourgeois sous l'unif. et les bottes. Romantisme et militarisme partent du même principe femelle.
    La seule différence que je vois, moi, entre un officier de la SS d'hier et un officier français démocrate-chrétien d'aujourd'hui, c'est que j'imagine mal ce dernier s'intéresser à Picasso, Céline, au théâtre de Sartre, comme le premier.

Les commentaires sont fermés.