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Michael Powell

  • UN PLAN DU NARCISSE NOIR

     

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    "Le masochisme est une expérience mystique." (André Pieyre de Mandiargues, Le Troisième Belvédère)

     

    Au troisième plan, la toile peinte somptueuse, paysage idéal, en horizon inatteignable. L'artifice et pourtant l'attirance, la fausseté qui se fait aguicheuse. Dans la profondeur de champ, le regard se perd, l'exploration rime avec consolation. Le troisième plan est toujours utopique. Il y a comme ici des paysages monumentaux, qui vous aident à divaguer, loin du scénario, un monde clos et pourtant sans limites, un rêve d'arpenteur. Mais ce peut être aussi une ville infiniment ramifiée, dont le dédale captive, une foule dont chaque individu serait une fiction à lui seul, une route qui s'enroule, s'élève et emporte, une silhouette qui parce qu'elle s'esquive, laisse pantois dans son sillage.

     

    Au deuxième plan, un homme et une femme. Ils sont côte à côte mais ne se regardent pas. Dans le film, il y a entre eux comme une sorte de lien forcé, du désir sans doute et pas mal de malentendus. Mais ici, écrasés par le paysage, soumis au terrible premier plan, ils ne sont guère qu'un banal couple de cinéma, auquel s'identifier n'est qu'une perte de temps. Hiératiques, allégoriques, les voilà trop signifiants pour être honnêtes. Le deuxième plan est le plus souvent un récit convenu qui pris isolément, ne peut émouvoir tant il est codifié. Une sorte de drame de circonstance, aspiré par l'horizon phénoménal. "La passion sans témoin a courte vie, dit Malcolm de Chazal dans Sens plastique, Roméo et Juliette, dans une île déserte, s'établiraient bien vite en ménage bourgeois".

     

    Le premier plan est justement ce qui vient ici subvertir le confort bourgeois. Aiguiser la fiction, la tordre et l'exhausser. Cette religieuse qui ne perd rien de la scène, les mains crispées sur la rambarde, souffre mille morts de voir celui qu'elle aime ainsi compromis avec une rivale. Le spectateur est cette femme de dos. Comme extérieur à la scène et pourtant tout entier pris dans son vertige. La pulsion de tout voir, et dans l'attente, d'imaginer le pire ; le rôle extravagant de celui qui parce qu'il regarde, veut à toutes forces croire qu'il influe, modifie, crée. Alors que jamais vraiment il ne participe. La souffrance du voyeur devenu témoin, incapable de s'identifier pleinement aux héros qui se succèdent, de suivre les récits qui se diluent, d'habiter enfin le trompe l'œil.

     

    Le masochisme, c'est bien cette illusion : faire de sa mise à l'écart, la garantie d'être enfin démiurge.

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  • AU SEUL NOM D'UNE DEESSE PHENICIENNE

     

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    Un livre de Luc-Olivier d’Algange combine toujours avec bonheur d’indispensables contrefeux poétiques à la laideur du monde moderne. A l’abri des projecteurs qui effacent les nuances comme des cavernes où se forge le ressentiment, il se situe très exactement « entre la lumière d’Homère et l’ombre de Dante », pour reprendre un vers du Luas Vita de D’Annunzio, servant d’ailleurs de titre à l’un des chapitres. Le génie du paganisme, la littérature initiatique de Novalis et de Pessoa, de Dominique de Roux et de Raymond Abellio, la confrontation entre Jünger et Evola, forment les six autres parties de ce brillant essai qui nous enseigne l’art et la manière d’être présent au monde, tout en sachant « se désencombrer de soi-même ».

     

    Si « l’insignifiance est l’horizon que se donne le Moderne », il va de soi que celui-ci passera à côté de la leçon. A quoi bon lire Abellio, contrepoison ultime aux esthètes pointilleux comme aux écrivants de passage, quand on ne jure plus que par le « romancier du singulier qui ratiocine en exacerbant son recours à l’analyse psychologique ou en se perdant en volutes formalistes ». Comment percevoir l’apport essentiel du romantisme allemand, quand l’époque dans laquelle malgré ses dires on exulte, est justement celle qui « débute avec l’occultation de l’Encyclopédie de Novalis et le triomphe de la volonté rationnelle  hégélienne » ? Comment apprécier la hauteur de vues d’un De Roux ou d’un Pessoa, quand on ne sait plus, entre manifs festives et ultimatums ludiques, que « se plaindre de tout, revendiquer contre tout sans jamais se rebeller contre rien » ?

     

    L’essai de Luc-Olivier d’Algange s’oppose radicalement au totalitarisme libéral, à l’avilissement qu’il engendre comme à l’indistinction qu’il programme. A la suite de l’Anarque jüngerien et de l’homme de la Tradition évolien, il identifie celui-ci à une « idéologie de haine », l’uniformité qu’il ne cesse de promouvoir étant bien « la parodie et l’ennemie de l’unité ». Face à la barbarie des fondamentalismes, l'auteur défend le recours à la Tradition. Contre les ravages de la Transparence infligés par des individus toujours plus massifiés, il ne cesse de chanter « l’âme odysséenne » éprise d’inconnu.

     

    C’est un livre pour promeneurs solitaires et rêveurs indociles, un livre pour ‘happy few’, en ce sens qu'il nous insuffle, et ainsi nous réapprend, la joie de résister.

     

    (Luc-Olivier d’Algange, Au seul nom d’une déesse phénicienne, Alexipharmaque, 2014, 113p, 19 euros)

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  • LIENS

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    Connaître le passé n'est pas forcément la meilleure solution pour aimer le présent, mais cela permet au moins de ne pas idéaliser l'avenir. Ce qui évite bien des désagréments. Rien de tel qu'un zoom arrière pour remettre les idées à l'endroit et les fausses gloires à leur place. La belle équipe officie, le tout orchestré par Edouard de Nightswimming.

    Un très joli texte sur un très joli film, Adieu Berthe de Bruno Podalydès, ainsi qu'un autre sur Laura de Preminger, entre lesquels on pourra déceler, et savourer, quelque liens.

    Enfin quelques très aimables recensions des Images secondent sur Insifree, le Journal cinéma du Dr Orlof et Parutions.com.

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  • CRAINTE

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    "Que les qualités de ce qu'on aime nourrissent des chagrins, on l'ignore presque toujours. On ne veut pas le voir. On le pressent cependant, dans la crainte qui s'attache aux choses vraiment belles, on tourne autour, on se garde d'ouvrir la porte, sachant ce qui se cache derrière, avec sa face atroce. Vivre n'est possible que si la porte demeure fermée."

    (Pierre Jourde, Pays perdu)

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  • D'UN ECUEIL L'AUTRE

    Au sein du mouvement surréaliste, le débat sur les pois sauteurs, apparemment anodin, est essentiel. Devant ces graines agitées de soubresauts inattendus, alors que Roger Caillois plaidait pour qu'on les coupe en deux afin de résoudre l'énigme, André Breton s'écria "surtout pas !", préférant en conserver le mystère.

    C'est là sans doute une illustration du conflit entre la mystique et la gnose, entre l'émerveillement de l'enfance et la rationalité de l'adulte, la magie et la technique, le romantisme et le positivisme : face au monde, à ses sortilèges et à ses stratagèmes, doit-on se laisser captiver, se laisser ravir, s'en remettre à l'extase ou au contraire se ressaisir, ne cultiver que l'enstase (selon le néologisme de Mircea Eliade). Faut-il laisser le Moi se fondre avec exaltation dans le Tout ou bien reconstruire le monde en soi ?

    Dans le regard que nous portons sur l'autre sexe ou sur une oeuvre d'art, la fascination crée la fois la souffrance de la sujétion et l'engouement poétique : nous dépendons de la femme ou du film dont nous refusons d'analyser les pouvoirs, mais dans le même temps nous jouissons de leur aura. A l'inverse, la distanciation s'oppose à la dépossession de soi mais également à l'émotion : les films disséqués comme les femmes comprises ne nous contraignent plus mais dans le même temps nous quittent irrémédiablement, le bonheur de leur rencontre est à jamais perdu.

    Il n'existe pas de juste milieu : dans le plaisir de l'emportement et le ravissement des sens, la contrainte est à son comble ; dans la joie de la maîtrise et la quête analytique, la solitude est définitive.

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  • QUESTIONNAIRE

    C'est chez Vincent que j'ai trouvé cet astucieux questionnaire auquel je m'empresse de donner suite !

    1)Quel est votre second film favori de Stanley Kubrick ?

    Lolita (La perversité mélancolique de Shelley Winters, l’affolement progressif de James Mason, l’effrayant bien que prévisible final)

    2)Quelle est l'innovation la plus significative / importante / intéressante dans le cinéma de la dernière décade (pour le meilleur ou pour le pire) ?

    Les plan-séquences métaphysiques de Bela Tarr.

    3)Bronco Billy (Clint Eastwood) ou Buffalo Bill Cody (Paul Newman)?

    Une courte préférence pour Paul Newman, sans raison valable

    4)Meilleur film de 1949.

    Le sang des bêtes, de Georges Franju, pour sa modernité glaçante.

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    5)Joseph Tura (Jack Benny) ou Oscar Jaffe (John Barrymore)?

    Le premier d’entre eux, pour l’humour définitivement obsolète qu’il incarne.

    6)Le style de mise en scène caméra au poing et cadre tremblé est-il devenu un cliché visuel ?

    Uniquement lorsqu’il est utilisé pour mettre en scène des clichés narratifs.

    7)Quel est le premier film en langue étrangère que vous ayez vu ?

    Mad Max 2, en 1982, qui m’était interdit en raison d’une décapitation. Le devoir de désobéissance de l’adolescence entraîne un certain nombre de déconvenues esthétiques.

    8)Charlie Chan (Warner Oland) ou Mr. Moto (Peter Lorre)?

    Peter Lorre, par principe.

    9)Citez votre film traitant de la seconde guerre mondiale préféré (période 1950-1970).

    Les douze salopards, de Robert Aldrich (le film symboliste le plus trivial qui soit, et réciproquement)

    10)Citez votre animal préféré dans un film.

    Le Bull-Terrier Baxter m’avait bien plu à l’époque (1989), dans l’intelligent film de Jérôme Boivin qui semble avoir disparu. 

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    11)Qui ou quelqu'en soit le fautif, citez un moment irresponsable dans le cinéma.

    Le cinéma ne doit surtout pas être responsable.

    12)Meilleur film de 1969.

    La horde sauvage, de Sam Peckinpah, pour son antimodernité grinçante.

    13)Dernier film vu en salles, et en DVD ou Blu-ray.

    La saison 2 des Soprano (dvd)

    14)Quel est votre second film favori de Robert Altman ?

    Streamers (1984) (Le plus grand film américain sur le Vietnam ?)

    15)Quelle est votre source indépendante et favorite pour lire sur le cinéma, imprimé ou en ligne ?

    Les liens ci-contre, le dictionnaire de Jacques Lourcelles, la plume oubliée de critiques d’un autre âge (chez les bouquinistes)

    16)Qui gagne ? Angela Mao ou Meiko Kaji ?

    Absolument aucune idéé

    17) Mona Lisa Vito (Marisa Tomei) ou Olive Neal (Jennifer Tilly)?

    Le choix ne s’impose pas. Actrices très secondaires.

    18)Citez votre film favori incluant une scène ou un décor de fête foraine.

    Difficile d’oublier la séquence de Ministry of Fear de Lang, tournée en mémoire de M

    19)Quel est à aujourd'hui la meilleure utilisation de la video haute-definition sur grand écran ?

    L’Anglaise et le Duc, d’Eric Rohmer

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    20)Citez votre film favori qui soit à la fois un film de genre et une déconstruction ou un hommage à ce même genre.

    Blood simple (Joel et Ethan Coen, 1984).

    21)Meilleur film de 1979.

    All that jazz, de Bob Fosse (son plus grand film et la plus belle prévision de la débandade de toute la décennie suivante)

    22)Quelle est la plus réaliste / Sincère description de la vie d'une petite ville dans un film ?

    Raining stones, 1993 (C’est la banlieue de Manchester, mais c'est bien une petite ville devant la caméra communautaire du très grand Ken Loach).

    23)Citez la meilleure créature dans un film d'horreur (à l'exception de monstres géants).

    L’orang-outang sans trucage de Link (Richard Franklin, 1986)

    24)Quel est votre second film favori de Francis Ford Coppola ?

    Peggy Sue got married, 1987 (son immense nostalgie contenue)

    25)Citez un film qui aurait pu engendrer une franchise dont vous auriez eu envie de voir les épisodes.

    Judex, de Georges Franju.

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    26)Votre séquence favorite d'un film de Brian De Palma.

    Le plan-séquence inaugural de The Bonfire of vanities, résumé définitif de la vacuité esthétique et morale de la fin du XXème siècle.

    27)Citez votre moment préféré en Technicolor.

    Pratiquement tous les plans du Narcisse noir, de Michael Powell (1947)

    28)Votre film signé Alan Smithee préféré.

    Jamais vu aucun.

    29)Crash Davis (Kevin Costner) ou Morris Buttermaker (Walter Matthau)?

    Films non vus. Kevin Costner sans raison valable.

    30)Quel film post-Crimes et délits de Woody Allen préférez vous ?

    Le suivant, Alice (1990), tendre hommage à Mia Farrow.

    31)Meilleur film de 1999.

    Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick (sans doute le film le plus anti-américain qui soit)

    32)Réplique préférée.

    «J’ai vu arriver cet insecte et c’était une balle » (Denis Lavant dans Mauvais sang de Léos Carax)

    33)Western de série B préféré.

    L’homme de l’Arizona, de Budd Boetticher (un souvenir imprécis mais tenace, le silence et le vide et puis soudain les déflagrations)

    34)Quel est selon vous l'auteur le mieux servi par l'adaptation de son oeuvre au cinéma?

    Maurice G. Dantec (sa tendance à la fois prétentieuse, schématique et brouillonne, notamment, est admirablement rendue)

    35)Susan Vance (Katharine Hepburn) ou Irene Bullock (Carole Lombard)?

    « Irene Bullock », sans la moindre hésitation

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    36)Quel est votre numéro musical préféré dans un film non musical ?

    L’envol d’Anna Karina dans Vivre sa vie, de Jean-Luc Godard.

    37)Bruno (Le personnage si vous n'avez pas vu le film, ou le film si vous l'avez vu) : une satire subversive ou un stéréotype ?

    Pas de choix ici entre deux termes strictement équivalents. Toute subversion aujourd hui est un maniement roublard de stéréotypes.

    38)Citez cinq personnes du cinéma, mortes ou vivantes, que vous auriez aimé rencontrer.

    Léos Carax, Jean-Pierre Melville, Peter Greenaway, Jacques Tati, Juliette Binoche (pour parler poésie, politique, et puis ne plus parler)

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  • LE ROUGE EST MIS

    "J'ai mis le signal rouge" prévient incidemment Mark Lewis dans Peeping Tom, qui ferme alors le plateau d'enregistrement aux importuns par cette lumière indiquant qu'un tournage est en cours. Il y a en effet donné rendez-vous à une jeune danseuse qu'il souhaite filmer, c'est-à-dire tuer, puisque sa caméra est sa seule arme.

    Cette remarque en apparence anodine est en fait un signal pour tout spectateur habitué aux drames de l'oeuvre passé de Michael Powell, où la couleur rouge s'avérait régulièrement annonciatrice de mort. Dans ce même film, la jupe de la prostituée assassinée en plein générique d'ouverture est d'ailleurs rouge, tout comme l'estrade où la danseuse peut maintenant, face au voyeur, débuter son numéro. Cette danseuse jouée par Moira Shearer, la Victoria Page des Chaussons rouges, condamnée comme l'héroïne du conte, par le simple fait de porter ces chaussons-là, à mourir en les gardant aux pieds.
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    Toutefois, cet insistant symbolisme se déchaîne surtout dans la dernière partie du Narcisse Noir, quand soeur Ruth, peu à peu gagné par la folie, se maquille outrageusement, lentement, lascivement, d'un rouge à lèvre incisif. Sa brève rencontre énamourée avec le colon Dean s'était d'ailleurs déjà terminée par son évanouissement, représenté par un fondu au rouge avant le vacillement. Plus tard ce seront ses yeux comme bordés de sang qui apparaîtront en gros plan, juste avant qu'elle ne quitte son habit de religieuse pour revêtir une robe de la même couleur violente, annonçant l'issue du drame, sa vertigineuse chute dans le vide. A l'instar de la jeune sauvageonne Hazel Woodus de Gone to earth, habillée de manière identique lors de la chasse à courre finale, elle aussi terminée par une chute mortelle.

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    C'est par le rouge que Powell exprime le mieux son érotisme morbide, par ses objets et ses accessoires de séduction utilisés juste avant les derniers instants (le miroir de poche de soeur Ruth est également rouge), lui qui ne propose jamais (sauf in extremis dans A matter of life and death) d'histoires d'amour qui finissent bien, lui qui ne sait jamais séparer la contemplation de sa brutale interruption, et qui fort logiquement finit un jour par conter l'histoire tragique d'un meurtrier utilisant une caméra-épée, dont le miroir retourné permet à la victime de se regarder mourir.

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  • TROMPE L'OEIL

    Le lecteur peut se demander quelle distinction je fais entre la féminité vraie et la mascarade. En fait, je ne prétends pas qu’une telle différence existe. Que la féminité soit fondamentale ou superficielle, elle est toujours la même chose. (Joan rivière, La féminité en tant que mascarade, 1929, cité ici)

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    Une femme qui a un amant est un ange, une femme qui a deux amants est un monstre, une femme qui a trois amants est une femme. (Victor Hugo)

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  • ABSENCE

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    Ce n'est pas ce que l'on attend (une voile inespérée, un butin à piller, un corps enfin donné) qui peut nous empêcher d'être seul, c'est l'attente.
    Cet instant suspendu où les possibles se pressent, où l'indistinct se rapproche, où une brume se lève, nous assure sans mal que nous sommes en train de partager, avec tant d'autres coeurs en attente, une façon d'espérer.
    Puis la voile, le butin ou le corps s'installent, et nous voilà, dans leur minutieuse exploration, à nouveau sans allié.

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  • IN MEMORIAM

    Tantôt le visage immobile et le regard doux, réprimant d'un frémissement du cou l'élan qui l'aurait fait rougir, tantôt gamine facétieuse, garçon manqué clignant de l'oeil mais trahi par de trop longs cils, elle était comme Moira Shearer de ces rousses tout ensemble réservées et ardentes.
    Bousculés sans cesse par des sentiments contradictoires, jamais déraisonnables et pourtant passionnés, ses personnages savaient mieux que personne donner à voir le tumulte du coeur et du temps trop vite passé.
    Si je ne devais retenir qu'ne chose de Deborah Kerr, ce serait ce geste de la main, presque identique des Innocents au Narcisse noir, si pudique malgré l'horreur, si élégamment féminin en plein coeur de l'effroi.

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