Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

88

La compassion est en général le dernier pas vers l'autre, juste avant la fuite.

Deux renards en quelques jours : le premier tôt le matin, éclatant de rousseur sur la neige, ne prenant même pas la peine d'accélérer sa course ou de me jeter le moindre regard, le second un soir pluvieux, rampant derrière les poubelles, craintif et crotté ; le même sans doute.

Ce qui ne fonctionne pas dans Black Swan, c'est le décalage entre des scènes-chocs, violentes ou sexuelles, et un montage adoucissant, désérotisé, qui les replace immédiatement au sein d'un récit roulant sans heurt, c'est une héroïne dissociée cependant filmée à l'identique de sa normalité à ses déviances, de sa sobriété à son ivresse, de ses répétitions à son ultime représentation, c'est en somme l'incapacité à traduire l'évolution d'une trajectoire, puisque les ruptures successives sont inconséquentes et la mutation finale, parodique.

Lien permanent 8 commentaires

Commentaires

  • Merci pour la finesse de votre analyse, c'est un plaisir de la lire et de trouver simplement les mots et alors le regard qui nous manquaient. Passer ainsi de l'image, du cinéma et d'une forme de rêve intérieur aux mots permet de traverser nos limbes personnels.

  • compassion, j'ai horreur de ce mot il porte en lui toute l'hypocrisie...

  • Bonjour, sur "Black Swan", vous formulez clairement et sous un autre angle ce que j'essayais de dire à mon comptoir : Aronofsky ayant choisi de ne pas choisir dans quel genre cinématographique situer son film (alors qu'il aurait pu faire un choix préalable, puis faire basculer son film dans un autre genre à partir d'un certain moment), il se retrouve plus ou moins condamné à un rythme monocorde. Vrai film fantastique, "Carrie" alterne moments de crise et moments plus calmes (avec des guillemets...), jusqu'au paroxysme final. Des thrillers psychologiques, comme on dit, reposent sur une ambiance tendue de bout en bout (évidemment, aucun exemple ne me revient à l'esprit dans l'instant). Aronofsky, en maintenant longtemps l'ambiguïté sur le statut de la psychologie de son héroïne comme sur le genre auquel appartient son film, souhaiterait avoir à la fois ces moments de crise qui marquent les esprits et une ambiance qui use en permanence les nerfs. C'était très difficile - d'autant que le personnage de N. Portman vampirise tout : par son trouble constitutif, elle condamne à l'ambiguïté (et donc, finalement, à la pâleur) les autres personnages ; là encore, "Carrie" a la partie belle en comparaison, avec ses caractères clairement dessinés -, et ce n'est à l'arrivée pas vraiment réussi. Et j'avoue osciller entre une déception indulgente et un côté donneur de leçons, genre sportif-sur-canapé-devant-sa-télé : fallait y penser avant !

  • Sans doute Marie-Hélène, mettre des mots sur les formes nous en libère-t-il sans nous en détacher.

    J'en ai également horreur, laurence.

    C'est exactement ça, cher café, le problème réside bien dans cette indécision quant au genre, cette ambivalence se voulant ambiguë, cet entre-deux qu'évitait de bout en bout le cinéma d'un de Palma ou d'un Romero il y a 30 ans

  • Allez, petite défense de Black swan, fort bien accepté de mon côté (comme on "accepte" les défauts de quelqu'un)...
    J'ai vu, dans ces passages d'un registre à l'autre, plus de heurts que vous, l'un jouant des inserts, des flashs, du rapproché, l'autre étirant un peu plus les durées, balayant plus large et j'ai plutôt apprécié cette alternance de pics et de pauses (mais, de votre côté, cette alternance est sans doute l'une des raisons qui vous fait parler de "ruptures inconséquentes"). Quant à l'évolution du récit, elle doit effectivement peu au travail autour du personnage lui-même, mais beaucoup aux canons (et au plaisir) du genre.
    Et puis, on pourrait vous répondre avec un brin (voire beaucoup) de mauvaise foi, concernant ce supposé défaut, que tout est joué dès le départ. Le film débute par un rêve, et de là à ce que tout le reste...

  • Cher Edouard, j'avais lu votre critique, et celle du Doc, plutôt conciliantes voire enthousiastes, et celle de Vincent, impitoyable. Je me situerais sans doute plus près de la sienne, même si je serais moins sévère. Oui, c'est bien la régularité de l'aternance pics/pauses qui me pose problème, ce côté programmatique où même la plus dérangeante des images est prise dans le flux du montage-son, dans la fatigante énergie de la caméra, et perd ainsi sa capacité de rupture (à l'inverse de Clean Shaven, par exemple, pour choisir un film où les doigts blessés sont à l'honneur). En fait, c'est un peu ce que je ressens avec Haneke (je viens de revoir la Pianiste qui fonctionne un peu ainsi également, avec d'ailleurs pas mal de corrélations possibles ne serait-ce que la relation mère-fille) : un choc un apaisement un choc un apaisement sans réelle transformation de celui qui les endure ou de la mise en scène qui les enchaîne.

  • Je suis aussi impitoyable... Ce n'est pas un film c'est un mauvais roman photo...aucune finesse dans le propos, une caméra atone qui se pose toujours là... ou on l'attend... sans rythme. Une danse mal filmée, mal dansée, grossière... merci Monsieur Millepied, qui lui est danseur mais piètre prince... je comprend que Neumeier est réagi... Avoir somme toute de bons comédiens et ne faire qu'une course aux sacs à patates... c'est très ennuyeux...
    Quant à la maladie mentale elle est vue sous un angle tellement primaire que cela en est délirant...
    Conclusion: Monsieur Aronofsky se prend trop au sérieux...

  • Je suis content de recueillir votre avis laurence, et justement cet avis-là, concernant un film se piquant de traiter "la danse" (on l'a comparé aux Chaussons rouges quand même !!) comme sujet parmi d'autres ... Que la danse y est mal filmée en effet.

Les commentaires sont fermés.