Une femme, dans un chalet de montagne, se voit soudain coupée du monde en raison d'un mur invisible, qui l'empêche de rejoindre le village proche ou les autres habitations. Un territoire immense s'offre néanmoins à elle : la forêt, les alpages, son propre esprit. Avec son chien, son chat et sa vache, l'héroïne réfléchit à la condition humaine, aux obligations et aux libertés que celle-ci nous procure, mais également à la notion de "moi", de "soi" et de "nous", à ce qui est contingent comme à ce qui fonde.
Comment faire du cinéma avec les innombrables questions existentielles que pose ce récit adapté du roman autrichien de Marlen Haushofer ? Comment éviter la simple illustration ? Le cinéaste ne ne nous le dira pas, limitant trop souvent les affres traversées par son personnage à un visage plein cadre, regard caméra qui jamais ne cille tandis que des pans entiers du roman sont récités en voix-off, accumulant minutieusement les images tirées à quatre épingles d'une montagne belle en toute saison, réduisant la solitude à la composition du Scope et le passage du temps à un changement de coupe de cheveux.
La force du film réside cependant dans son jeu permanent entre le hors-champ menaçant et l'ellipse anxiogène, deux figures de style qui peinent à faire ressentir le travail de survie, psychique comme matérielle, de l'héroïne, mais qui donnent à toutes les séquences ayant trait à la mort, et que nous ne dévoilerons pas, une force peu commune. Reliant avant tout le mal à la violence de son irruption illogique plutôt qu'au spectacle de ses effets, elles le dévoilent et le définissent ainsi comme déséquilibre, asymétrie, incomplétude. C'est alors d'autant plus dommage que la mise en scène n'ait pas trouvé d'autre manière de représenter la maturation, la résignation, l'abandon, tous ces états d'âme et ces passages qui nécessitent à l'inverse l'épiphanie du plan et et la rigueur de l'enchaînement, ici sacrifiées.
(dvd disponible chez Bodega Films)