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CORRESPONDANCES (10)

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    S’il y a bien un point commun à l’ensemble des « productions Thomas Langmann », qui dans leur quasi-totalité sont de sombres navets, c’est bien leur souci d’accumulation. Il leur faut à tout prix, et toujours davantage, empiler les séquences, multiplier les comédiens, ajouter des décors et des accessoires, afin d’éviter le risque de non-reconnaissance visuelle. Comme si celle-ci pouvait, en favorisant une dangereuse distanciation, amener le spectateur à émettre ne serait-ce qu'une ébauche de jugement. L’Instinct de mort (Jean-François Richet, 2008) ne déroge pas à cette règle. Ainsi n’y est-il jamais question de s’appesantir sur ce qui gène le pas de charge, sur ce qui entrave le virevoltant : baisers rapides ou coïts urgents, courtes pauses filiales ou bref focus-paysage, il n'y a là que de sommaires ponctuations, elles-mêmes vivement interrompues par le mot d’auteur définitif, la brusque sortie du cadre, le coup de feu inopiné. Les paradoxes d’un individu comme Mesrine ne peuvent alors être abordés autrement que par la juxtaposition de saynètes ostensiblement contradictoires ; pas de complexité interne aux plans ou aux séquences, au découpage ou au montage, ceux-ci se devant de rester le plus basique possible. Comment dès lors, dans cette cavalcade à gros sabots, faire apparaître rapidement le positionnement de chacun des protagonistes ? Les jeux d’acteurs se devant d’être parfaitement reconnaissables, bien acclimatés et sans heurts, la mise en scène étant incapable de faire varier ses focales et ses angles toujours subordonnés à suivre la gestuelle en cours, enregistrant une rixe, un casse, une partie de poker ou un slow avec le même attention illustrative, il ne reste plus qu’à se servir d’astuces pour faire passer le message. L’accessoire vient alors suppléer à la rigidité de la mise-en-scène et au monolithisme de l’interprétation : la paire de lunettes apporte ainsi la touche psychologique indispensable.

    Mesrine possède une personnalité complexe et insaisissable, comme l'opacité de ses lunettes de soleil, cadrées sous tous les angles dès le générique d'ouverture, le signale dûment. Guido, le caïd en chef, est un homme aux intentions troubles comme ses grosses lunettes en verre fumé l’assurent, ternissant l’éclat de son regard et lui mangeant les traits. Le père de Mesrine est un petit-bourgeois introverti comme l’exige son étroite monture plaquée sur des yeux assurément frileux. Jeanne Schneider (Cécile de France) passe par une phase de séduction et de détermination, avec ses impeccables lunettes à rebords élégamment relevés, joliment cadrées de face ; puis par une période où la peur et les renoncements deviennent le lot d'une vie de cavale, avec des lunettes désormais légèrement tordues, toujours montrées en discrète contre-plongée et de trois quart. Le milliardaire qui emploie Mesrine et sa compagne, avant d’un jour brutalement les renvoyer, regarde tantôt à travers tantôt par-dessus ses lunettes, développant ainsi, à n’en pas douter, un double langage etc…

    Dans ce cinéma expéditif, alternant le sous-entendu sociétal et l'éclat de colère citoyenne, il n’est décidément pas bon de perdre son temps aux nuances. Un cinéma qui pourrait avoir cet absurde slogan en accroche : "dis-moi quelles lunettes tu portes, je te dirai dans quel monde on vit."

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