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wrestler

  • FIXE

    Il suffit parfois d'un plan pour sauver un film, d'un plan également pour en ruiner les prétentions et en dénuder les fils blancs.

    Dans The Wrestler de Darren Aronofsky, la caméra en mouvement incessant prend toujours soin de cadrer Mickey Rourke dans le champ, celui qu'il ouvre par sa démarche empressée ou désabusée, comme par son regard inquiet ou admiratif ; celui qu'il va bientôt fermer, de déception, de rage ou de (rare) quiétude. Il s'agit de filmer les péripéties de ce personnage de la même manière que l'on représente un match, où Rourke se trouve ainsi, avec systématisme, toujours à l'origine d'une relation (avec des objets, des lieux, des individus) ou au contraire la subissant. C'est ainsi son point de vue exclusif qui est donné en permanence au spectateur, nouvelle manière de filmer en caméra subjectif sans renoncer au corps du sujet, ce corps en mouvement perpétuel tout autant commandé par la puissance de sa musculature que par la fébrilité de son regard.

    Mais sous l'apparence d'un enregistrement neutre, s'en remettant aux émotions et aux gestes du personnage pour inquiéter, attrister, enthousiasmer, il s'agit bien d'une manipulation parmi d'autres, visant à figer le héros sous le flux de scènes qui caracolent, à le déterminer une fois pour toutes. Ce ne sont pas tant les deux séquences où il n'apparaît pas qui posent problème (le retour en bus de sa fille ; la dernière exhibition de la strip-teaseuse) car elles sont toutes deux interrompues d'une manière qui laissent penser que ces deux personnages féminins n'avaient que le catcheur en tête, qu'elles n'étaient donc agies que par la volonté et les affects de celui-ci (la jeune fille n'est pas plus surprise que cela de le trouver devant sa porte, la strip-teaseuse interrompt son numéro pour aller le rejoindre en catastrophe), mais bien un bref plan fixe injustifié par la méthode de narration que nous venons de résumer.

    Lors de la seconde rencontre de Rourke avec sa fille, lorsqu'elle accepte de l'accompagner, les deux personnages sont filmés de loin, assis et se regardant, et ce silence comme cette immobilité contemplés ostensiblement, volés en quelque sorte puis jetés en pâture, trahissent bien ce qui se cachait (mal) derrière la frénésie des corps et des sentiments secoués en tous sens, derrière toutes ces images qui ne nous étaient montrées que si et seulement si Rourke nous le permettait : le désir du cinéaste d'emprisonner sa marionnette dans la démonstration (les années 80 sont un refuge mortifère)et de ne jamais l'autoriser, malgré sa précipitation et ses successives velléités, à en sortir.

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