En vrac, quelques perles :
Le cinéma tourne en rond mais sa vitesse malgré l'habitude nous grise encore, c'est dire où nous sommes tombés, engainés d'absences de toutes sortes.
La Présence pourtant, c'est à deux pas, sans complications ni affèteries inutiles, encore faut-il oser s'y confronter.
Il y a des évidences qui à chaque fois qu'elles sont énoncées, émeuvent par le scandale qu'elles recouvrent sans bruit, qu'elles étouffent de banalité ; des évidences qui à bien y regarder pourraient tout aussi bien s'avérer fausses et nous plonger alors dans la perplexité la plus inopérante.
Car au fond, rien n'est vrai puisque chacun a ses raisons et qu'aucun Bien ne ressort de la floraison des motifs.
Le brûlant strip-tease de la Femme Fatale n'existe pas plus que le velléitaire Magicien d'Oz : nous dormons.
Commentaires
Le cinéma est mort, vous n'êtes pas au courant ? Ce n'est pas le désastreux palmarès du festival de Cannes qui va démentir ce certificat de décès. En 1952, on avait encore de l'humour, fût-il noir.
Bonjour,
j'avoue ne pas très bien comprendre en quoi ce strip-tease n'existe pas (ou en quoi ce serait une découverte qu'il n'existe pas).
Cordialement !
Oui, Sébastien, aujourd'hui l'ironie remplace avantageusement l'humour.
Le strip-tease, tout comme le pays d'Oz sont le fruit du rêve de l'héroïne principale. La vie à côté c'est l'environnement liquide (le bain ; la tempête), la matrice utérine évidemment, qui nous condamne aux répétitions. Non ?
Ach, d'une part je n'ai jamais vu "Le magicien d'Oz", d'autre part j'oublie à chaque fois qu'il y a un rêve dans "Femme fatale". Je comprends maintenant mieux, merci.
Ceci dit, provoquer des effets est un signe d'existence, quitte à ce que ne soit pas le même degré d'existence que ce que l'on entend habituellement (à tort ?) par ce terme : les fantômes existent parce qu'ils font peur aux enfants, Dieu parce qu'il provoque des actions, le strip-tease de "Femme fatale" parce qu'il vous donne la trique. C'est mieux que rien !
Ne vous en déplaise, Ludovic, et n’en déplaise à Eisangélie, il (ou elle) a tout faux.
Des militants anti-OGM désormais soumis à une peine de prison au moindre fauchage (alors que les marins-pêcheurs et les routiers, plutôt droitiers, peuvent bloquer les routes et piller les supermarchés sans en subir les conséquences) aux activistes anti-biométrie condamnés lourdement pour avoir cassé deux bornes à la cantine du lycée de Gif-sur-Yvette, de Badiou accusé d’antisémitisme pour avoir osé dire qu’un certain nombre de philosophes juifs sont devenus, sous prétexte de défense inconditionnelle d’Israël, pire que droitiers, à la revue « Mordicus » interdite à la fin des années 90 pour son inventaire des crimes de la police française, de la forcenée propagande anti-Chavez dans les journaux et sur toutes les chaînes de télé et de radio aux malheurs de l’historienne Annie Lacroix-Riz dont la presse censure tous les droits de réponse quand la clique à Courtois la traite de négationniste à longueur de pages parce qu’elle a prouvé (archives aidant) que la famine ukrainienne des années 30 n’a, d’une part, rien à voir la Shoah et que d’autre part le nombre de morts a été manifestement gonflé pour raisons de propagande anticommuniste, des anti-pubs condamnés à payer des millions d’euros parce qu’ils expriment en actes le refus de se faire bourrer le crâne de slogans consuméristes aux ex-militants des Brigades Rouges expulsés vers l’Italie alors que promesse leur avait été faite par l’Etat français de les laisser vieillir ici en paix, sans oublier les membres d’Action directe dont tout le monde connaît le destin tragique, j’ai bien au contraire d’excellentes raisons de penser que c’est l’extrême-gauche qui est la plus visée par l’Etat et ses valets les intellectuels français – si bien sûr nous parlons bien de l’extrême-gauche hétérodoxe, c’est-à-dire des vrais marxistes et anarchistes, et non des mitterrandistes de la LCR ou d’Attac, bien utiles à la droite qui peut prétendre « laisser toutes les opinions s’exprimer » pour mieux voir le Parti socialiste s’affaiblir.
Quant à l’extrême-droite, n’a-t-on pas remarqué que Sarkozy s’emploie depuis cinq ans à en banaliser le discours, c’est-à-dire à pointer comme elle le chômeur, le syndicaliste, l’immigré clandestin comme seuls responsables de leurs malheurs et des malheurs économiques de la France ? Voit-on le même phénomène (banalisation du discours extrémiste) au centre-gauche ? Au contraire, il ne m’a semblé entendre parler au P.S. que des convictions libérales de ses chefs (hormis Fabius, marginalisé) et de refus de tout dialogue avec les trotskistes (pourtant les moins virulents à l’extrême-gauche…)
En réalité, l’extrême-droite triomphe partout en Europe, de la France à la Suisse, de l’Italie à la Russie.
En France, il a fallu pour cela rendre seules inacceptables ce que Sarkozy appelle, chez Le Pen, ses caricatures (discours apocalyptiques, provocations négationnistes). Mais c’était pour entériner le vieux diagnostic : il y a trop d’immigrés, l’identité français se dilue, l’islam est un problème, etc. Le Pen s’est fait battre par Sarkozy sur son propre terrain, car c’est bien trop tard que sa fille s’est essayée à donner une autre image du Front. On a assez dit – et c’est vrai – qu’un Le Pen présentable gouverne désormais la France, acceptable aussi bien par la petite-bourgeoisie commerçante que par les patrons milliardaires, par les ouvriers xénophobes que par la bourgeoisie gaulliste, par les intellectuels républicains conservateurs que par les communautaristes et les propagandistes libéraux. Bref, par tout ce que la France compte d’envieux, de haineux, de vénaux et de frustrés.
Pendant ce temps, les anarchistes et les marxistes se comptent.
Est-ce que le strip-tease de Femme fatale ne relève pas de l’esthétique de la fascination selon Abellio ? Seul le faux fascine parce qu’il prive celui qui regarde de sa liberté, en abolissant toute distance entre la scène et le spectateur. Et le faux n’existe pas sauf dans l’œil de celui qu’il subjugue. C’est pourquoi ce strip-tease n’est pas réel, contrairement aux apparences. Dans le monde réellement renversé, l’érotisme est un moment du faux.
Il n’y a que la distance qui soit en mesure de révéler la présence du Tout-Autre. La distance sépare, donc elle est vraie. Voyez Stalker de Tarkovski et combien les trois hommes sont éloignés de la Chambre tant désirée, où tous leurs vœux seront exaucés.
"si bien sûr nous parlons bien de l’extrême-gauche hétérodoxe, c’est-à-dire des vrais marxistes et anarchistes, et non des mitterrandistes de la LCR ou d’Attac, bien utiles à la droite qui peut prétendre « laisser toutes les opinions s’exprimer » pour mieux voir le Parti socialiste s’affaiblir."
Non justement Hyppogriffe, du moins c'est comme cela que j'ai compris la note d'Eisangelie, c'est bien "l'extrême-gauche de salon" qui est ici visée. Je ne souhaite pas (vraiment pas) défendre les valeurs de la mouvance identitaire bas du front, seulement souligner que jamais l'un de ses représentants ne viendra parler de son enfance sur un canapé face caméra, ni inviter Jean-Pax Méfret à pousser la chansonnette devant un animateur tout sourire. Je suis par ailleurs sensible à tout ce que vous dites sur la "vraie extrême gauche" et partage d'ailleurs votre dégoût de certaines situtations, de Mordicus à Annie Lacroix-Riz en passant par Badiou. Il y a une "extrême-droite", qualifiée comme telle par les actionnaires libéro-nantis, qui est anti-utilitariste et anti-libérale, et qui se reconnaît aussi dans ces combats, bien plus que ne le feront jamais les mitterrandistes que vous stigmatisez à raison, et je crois en faire partie.
Oui, café, c'est mieux que rien, mais c'est aussi le meilleur le moyen de rester avec ses peurs, ses croyances, sa trique, sans réelle relation.
Oui Sébastien, une distance mais sans renier l'émotion, c'est bien là le plus ardu. A propos d'Abellio, l'ensemble du cinéma de De Palma peut être pris comme une illustration sans faille de cette esthétique, alternant hypnose et dévoilement, fascination et complicité.
Je crois pour ma part, Ludovic, qu'il y a plus intéressant que de simplement relever le fait que Besancenot est actuellement plus aimé des médias que Le Pen, pour bien sûr moquer ces "révolutionnaires" qui ne représentent plus grand-chose de dangereux (ce que chacun sait).
Mieux vaut se demander pourquoi le pouvoir politico-médiatique un coup invite les communistes, un coup les diabolise, un coup invite Le Pen à l'Elysée, un coup lui en interdit l'accès... Bref : à quoi et à qui servent les extrêmes dans ce pays.
Quant à votre "extrême-droite", c'est bien effectivement la seule qui m'intéresse et que je respecte, car elle me semble aussi éloignée de la bêtise revancharde lepéniste que de l'ignominie des marchands de soupe au cochon identitaires.
"Présenter les acquis structurels comme à peine émergents et les voix dominantes comme véritablement séditieuses, en tout cas en conflit avec des archaïsmes résistant de toutes parts, est une tactique qui a désormais fait ses preuves, selon la règle qui veut que les slogans les plus diffusés ne se raniment jamais mieux qu’en se prétendant étouffés." (Ludovic Maubreuil, Le Cinéma ne se rend pas)
L’extrême droite ne manque pas de sagacité.
Vous avez raison Hyppogriffe, il y a un jeu (que l'on pourrait qualifier d'orwellien) des médiatico-parlementaires avec les extrêmes, assez comparable du reste avec leur attitude vis-à-vis des diverses explosions de violence, sociale ou pas, une sorte d'impérialisme culturel et politique qui s'empresse de désavouer ou de ringardiser tout ce qui ne "progresse" pas.
Meric de m'avoir lu Sébastien.
Je vous ai lu un peu, Ludovic, et j’aime bien votre point de vue sur le cinéma. Un point de vue antimoderne, pour résumer, puisque c’est cette qualité que vous revendiquez.
J’ai l’impression que certains cinéastes vous laissent froid car vous ne les citez jamais (Tarkovski, Dreyer). Pourtant cette distance qui ne renie pas l'émotion, quels cinéastes l’ont mieux illustrée que ceux-là ? Ils s’affichent clairement chrétiens, c’est peut-être cela qui vous perturbe.
Pensez-vous qu’on puisse comprendre les films de Bresson (qui fait partie de vos artistes préférés) en faisant abstraction de son christianisme ? Vous l’écrivez en passant p. 27-28 de votre livre. J’avoue que j’ai souri à la lecture de cette phrase. C’est comme si on commentait Sous le soleil de Satan de Pialat en éludant son contexte chrétien. Pensez-vous que cela soit possible ?
Vous touchez un point important, Sébastien. Je ne suis pas un antichrétien primaire, fervent lecteur au contraire de Maître Eckart, de Saint Bonaventure et de quelques autres, "plus christique que chrétien" comme se qualifiait Abellio. Maintenant je reste persuadé que l'oeuvre de Bresson peut s'appréhender autrement qu'à travers le prisme chrétien, tout particulièrement Mouchette, Au hasard Balthasar, Lancelot du Lac etc..., mais qu'il faut pour cela une vraie analyse, autre chose qu'une simple phrase "en passant", vous avez bien raison, et je tenterai de m'y atteler un jour !
Justement, j'apprécie baucoup Dreyer de par son christianisme, de par la souffrance et l'intensité qu'il met dans ce rapport au monde-là ; son absence dans ce recueil de textes étant du même ordre que celle concernant Carax, Greenaway, Wenders ou Risi : tous ces textes sont à écrire !
J'apprends la mort de Risi. "Ames perdues" reste pour moi un très grand film d'apprentissage.
Ludovic, votre aiguille et votre tissu à motifs, puis le fil que vos commentateurs ont glissé dans le chas à votre suite, m'ont remis à la découpe et à la couture. Reste à voir si je saurai ne pas m'empêtrer dans mon filet de mailles ou me perdre dans leurs vides (déjà que... m'enfin).
Quoi qu'il en soit, molto grazie à chacun (les "chacune" semblant se faire plutôt rares ici... pas plus qu'ailleurs, peut-être - remarque superfétatoire, I'd say but I can't help it, as everyone knows).
La vidéo à laquelle vous renvoyiez n'est malheureusement plus disponible.
Parlant de découpe et de couture, je ne parlais pas de notes de blog (je spécifie, au cas où). Je dirais en fait que ce fil m'a permis de trouver le lieu où tenir une parole [spécifique à un projet] qui souffrait d'être coincée dans un dilemme entre la plate relation d'un journal dont j'aurais été le centre (ô horreur, ouache !!!!) et une autre qui se sentait obligée à une transposition à haut risque d'échouage. Entékâ. Ou l'on voit* que la fréquentation d'intellos spécialisés n'est pas totalement vaine...
Hé hé.
* i.e. qu'on "verra" ...peut-être (qu'est-ce que je me marre).