Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

119

Bien sûr sa bêtise pontifiante, ses emportements immatures, ses goûts déplorables, sa culture étudiée, son aveuglement à lui-même surtout, tout cela ne laisse que peu planer le doute sur sa nature véritable, mais soudain la voilà qui le prend par la main, qui nettoie d'un mot juste ou d'un sourire simple toute cette boue, et le change sous nos yeux, inguérissable et tourmenté, presque beau. Il ne la voit qu'à peine, mais c'est elle pourtant, lorsque son regard embrasse, qui le forme.

Il en est des individus comme des films, lorsqu'on affirme n'être pas prêt à les oublier, c'est toujours par amour ou souci de vengeance ; ce qui finit d'ailleurs souvent par revenir au même.

Indigène d’Eurasie nous parle de drogue, de fric, de putes, de traque, mais le fait sans jamais sacrifier pour cela un puissant échange de regards, une brume matinale ou une route enneigée, le pauvre sourire malheureux d’une femme épuisée. Sharunas Bartas est un cinéaste qui se moque bien de la grammaire irréprochable des cinéastes de qualité, lui qui sert un tout autre équilibre que celui de la syntaxe, un équilibre obtenu par la sincérité avec laquelle il fait se rencontrer entre elles les forces sensorielles qui l’assaillent, celles-là mêmes qui nous assiègent et donnent à nos vies si bien réglées, de l’enthousiasme, de l’impétuosité, de la mélancolie, du désespoir. Il possède ce regard qui sait lier ensemble les lieux sans surprise et les gestes incrédules, l’actualité la plus triviale et le mutisme le plus étranger à ce monde moderne qui parle de tout sans jamais rien écouter. Un regard qui ose prendre le temps de capter les reflets d’un monde désaccordé dans un geste ébauché ou une parole ténue, qui ose prendre ce temps alors même qu’il ne met à jour que des êtres en partance, en fuite ou en perdition.

Lien permanent 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.