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OMBRES FRIABLES

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   La Taupe de Tomas Alfredson ne vaut que pour son atmosphère poussiéreuse que sécrètent les personnages qui la respirent. Personnages tels que des sculptures de sombres grains lentement érodées par un dur rayonnement intérieur. Et dont l’univers est la condensation éphémère de leur effritement.

   Le film exploite la belle idée de la Génèse : que l’homme est poussière et que la poussière retourne à la terre, selon ce qu’elle était. Celui-ci ne se décompose pas, il se délite comme du vieux papier ; ne pourrit pas, mais se désagrège comme des piments mis à sécher. Au lisier des écoulements, se substitue la pelle qui recueille les miettes.

   Il tombe en poussière de son vivant et chaque instant, indépendamment de son contenu, en est l’urne. Même l’économie protectionniste de la pensée dépose après elle ses invisibles poussiers. Dépôts, dont la tonalité générale oscille entre le bistre et la pomme blette, qui inaugurent le règne du particulaire. Le vent les soulève en nébuleuse de débris et les modèle en objets de monde. Une nature et une culture mirageuses qu’éclaire une espèce de rayonnement fossile. Un fond de lumière diffuse où se découpent et s’agitent, tantôt cherchant la fée de leur jeunesse, tantôt piquant où pique le Diable, avant le coup de balai final, les ombres friables des pauvres diables.  

(Jacques Sicard)

 

Lien permanent 7 commentaires

Commentaires

  • Belle critique. Je n'ai pas vu le film, j'aurai l'occasion de le voir plus tard. J'en profite pour dire que votre critique du livre d'Alexandre Mathis était très bien aussi. Je connaissais l'histoire de ce bourgeois assassin grâce au livre d'Alphonse Boudard. Entre les fantômes de M. Bill et les ombres pulvérulentes de la Taupe, mon coeur balance.

  • Encore un très beau texte poétique de Jacques Sicard !

  • Merci Sébastien, il y a d'ailleurs sans doute quelques liens entre les "pauvres diables" qu'évoquent joliment Jacques Sicard et Mr Bill..

  • Sous les rideaux damassés des années 70, les visions prenaient des airs de patriotismes... mais en fait qu'avaient ils de si différents ces deux mondes; ils pensaient avoir l'intuition de l'instant ils n'étaient que le reflet d'une paresse de l'imaginaire et cela continue...jolie critique d'un film qui interroge sur l'incertitude de l'évolution créatrice.

  • Oui, deux mondes mêlés dans la même affliction paresseuse et qui se regardaient placidement mourir.

  • Bonjour, je suis en train de lire le roman de Le Carré: ce n'est pas très facile: le style, les flash-backs, et il y a beaucoup de personnages avec des surnoms, etc. Heureusement que j'ai vu le film d'Alfredson qui m'a passionnée. J'ai aimé l'atmosphère rétro poussiéreuse et les acteurs. Bonne fin d'après-midi.

  • Merci de votre passage, dasola.

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