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CELLES QU'ON N'A PAS EUES (8/8)

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C'était, comme ces jours-ci, une veille d'élections. La pluie était de gauche et le soleil de droite, ou bien l'inverse je ne sais plus ; ma mémoire me joue des tours. Avec de grands airs, les partisans faisaient de grandes phrases, certains même, à n'en pas douter les plus à plaindre, croyaient dur comme fer à ce qu'ils assénaient. Les éditorialistes distribuaient les bons points en reniant du tout au tout ce qu'ils professaient la veille, les animateurs faisaient des gorges chaudes, beaucoup de militants hurlaient. B. était là au milieu, un peu décontenancée, vaguement amusée, égerie locale d'un petit parti humaniste qui n'existe plus.

Le regard rêveur et les gestes lents de Delphine Seyrig mais au service d'une volonté de puissance implacable. Les cheveux si blonds et le sourire si doux, malgré les calculs et les ruses. Entre deux réunions, elle avait comme c'est l'usage, besoin de "se ressourcer" et "d'aller au contact des vrais gens". Elle m'écoutait alors lui parler de sitelles, de bouvreuils et d'engoulevents, car elle tenait de son père (et je le savais) une grande passion, sans doute en partie jouée, pour toutes sortes d'oiseaux. Sa main frôlant la mienne, elle faisait mine de s'abandonner. Je n'y croyais pas un instant, mais j'aimais cette façon désarmante qu'ele avait de mentir en poussant des  "ah !" étouffés, et ce faux regret qu'elle savait si bien mettre dans ses "à très bientôt...".

A la différence de beaucoup de ses courtisans et de ses obligés, je savais qu'elle m'utilisait, mais c'était cela, justement, que je goûtais chez elle : cette propension naturelle, et tellement séduisante, à faire le mal, c'est-à-dire à ne jamais rien donner mais le singer toujours. Lorsqu'elle me raya de sa liste et ne souhaita plus me rencontrer, je n'en conçus pas d'amertume : après tout, nous ne nous connaissions pas.

Lien permanent 6 commentaires

Commentaires

  • "Les femmes sont elles plus morales que les hommes? c'est la question posée ce mois ci par "Philosophia". J'ai pensé tout à coup que votre billet en était l'exemple parfait...et ma misogynie primaire m'a fait sourire... heureusement que vous êtes un contre poids efficace...

  • Ah la question de Philosophia fait également sourire... La morale est pour ceux qui n'ont pas de passion, disait... ? (ma mémoire me joue des tours)

  • « volonté de puissance implacable […] les calculs et les ruses […] une grande passion, sans doute en partie jouée […].
    Chose étrange, il me semble qu'il y a un peu de vrai dans ce portrait de la grande apparition blonde. Pourtant, cela ne lui nuit pas, elle n'en est pas affectée. Il en va de Seyrig comme de India song, de Margot Duras : on est agacé, mais, rapidement, on est (enfin, je suis) subjugué, le philtre opère, et l'on se dit qu'avec rien, dans la banlieue parisienne, Marguerite a reconstitué la moiteur d'un climat de mousson, les jardins d'une ambassade, une passion efficace (comme la grâce du même nom). Enfin, c'est du cinéma, quoi ! On peut moquer le ton, ironiser, il reste que, cinématographiquement, c'est concluant.
    Très jolie plume de portraitiste amusé, jeune homme !

  • Merci Patrick !
    Delphine Seyrig fascine autant en bonne fée chez Demy qu'en femme seule à pleurer chez Akerman, mais là où je la trouve en symbiose exacte avec l'impression qu'elle m'a toujours donné, c'est-à-dire en dehors même de ses rôles, c'est quand elle est lasse, détachée et pourtant facilement éprise, chez Bunuel.

  • La voix et son intonation presque infidèle à l'idée qu'on se fait d'un timbre... cette légère flexion du bras sur l'épaule opposée... l'intelligence attentive du regard...j'aime cette actrice doucement élégante...

  • Vous la décivez très bien...

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