C'est à partir de blocs de scènes hétérogènes que se monte le cinéma de Paul Vecchiali. Neutralisant ainsi la constitution de l'unité, substance de la réalité.
Pour lui, il l'a dit, ce qui n'est pas dialectique, et une dialectique sans l'apaisement d'une synthèse, est vulgaire. Vulgaire l'unité, vulgaire la réalité, vulgaire le sentiment amoureux, une de leurs formes dominantes. Alors, dans ses films, ce sentiment il l'exalte-l'exècre. Il le casse en deux. Le trait d'union qui lie les termes antithétiques est le seul qu'il s'autorise.
Nul n'a donc ici à trembler d'être heureux.
Pourquoi devrait-on craindre le bonheur ?
Le mortel passant n'a de disposition élective qu'au chant (allez donc voir du côté de la splendeur du quatrain alexandrin qui relate la disgrâce de Giafar de Barcemide rapporté par Voltaire et auquel Vecchiali emprunte son titre). Le passage à l'acte lui est un accident.
Quand il ne peut être empêché, et c'est toujours, le passage à l'acte, qui est passage dans la réalité unitaire, agit tel un couperet mal ajusté qui à la place de la décollation sans bavure entaille la bouche à la façon des Comprachicos - et il y a bien assez d'hommes-qui-rient.
(Jacques Sicard)
Commentaires
Le passage à l'acte exprime la reconnaissance apaisée d'un principe fondateur de nos existences, celui que Paul Diel nomme "légalité de la vie".
Le passage à l'acte est toujours violent. Pour soi ou pour un tiers.
Le passage à l'acte, involontaire sous quelque forme qu'il se présente, est demande de son contraire, de retour à l'état antérieur sur fond de désespoir, demande faite par un sujet qui dans sa nouvelle situation ne peut plus se vivre que comme surnuméraire.
D'une manière générale, le passage à l'acte signe l'entrée dans la réalité et l'unité qui la constitue. Celle-ci se présente sous l'aspect d'ensembles contrastés tels que masculin-féminin, dehors-dedans, haut-bas, droite-gauche, noir-blanc, vie-mort, Terre-Cosmos, etc. On appelle ces relations disjonctives : des oxymores. L'oxymore n'a rien à voir avec la contradiction. La contradiction est étrangère à la réalité.
Pour l'homme, au contraire, dont répétons-le la nature est d'être contre-nature, vie et contradiction sont synonymes. Il n'existe et ne devient que dans le conflit, la tension. Leur forme philosophique est la dialectique. Son siège : la pensée (et nulle autre part ailleurs). Une de ses nombreuses déclinaisons : le chant.
@mu
Le passage à l'acte, toujours involontaire, toujours violent ?
Il en est cependant d'autres, du genre éthique, décidés comme un pari, puis résolus sans véritable violence, par la réalité unitaire.
Oui, toujours, et Pascal pour vous le rappeler : "Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre."
"Acte-éthique-sans violence-réalité unitaire" : vous me faites penser au mouvement des "Indignés", ces éjaculateurs précoces, du moins en Occident, poussant si loin la confusion entre acte et morale que les voici lèvres toutes souillées de slogans, et puis le menton, et puis la chemise, ils n'ont pas pu se retenir et pourtant rien n'a eu lieu - la réalité non-dialectique a fait litière de leurs gesticulations.
"vous me faites penser ... "
Si je vous fait penser, c'est déjà un résultat.
Ce "penser" là, et c'est cruel pour vous que vous n'y pensiez pas, n'a rien à voir avec une formalisation intellectuelle mais avec un rappel dont le souvenir est l'essentiel.