Oeuvrant exclusivement dans le giallo ou le film fantastique, Dario Argento a su donner à ces récits balisés, un écrin formel alliant métaphores chromatiques, onirisme digressif et montage lyrique. La beauté suffocante de Suspiria, l’atmosphère anxiogène de Quatre mouches de velours gris, les danses macabres d’Opéra, composent ce cinéma maniériste qui n’a qu’une seule intention : faire naître la peur. Et c'est ainsi qu'il ne cesse de nous montrer des victimes en leur inutile fuite éperdue, des morts en sursis reclus au fond de leur cachette-tombeau, des enquêteurs en cours d'exploration minutieuse d'un espace où s'inscrit déjà leur chute.
Ce pessimisme esthétique, à la charnière des années 60 et 70, paraît autant moral que politique : il n'y a pas de libération à attendre des échappées psychédéliques ou des ruptures subversives qui invariablement tournent en impasse ; il n'existe plus de valeurs sûres ou de principes intangibles derrière lesquels se réfugier ; il ne reste qu'à saluer le règne délétère de la fascination, emprise formelle emprisonnant le regard.
« Peur », son autobiographie, alterne comme la plupart de ses films, souvenirs et rêves, les reliant à la littérature et au cinéma qui l’ont marqué, subjugué même, Edgar Poe et Fritz Lang en tête. On y découvre des sources d’inspiration et des secrets de fabrication, mais aussi quelques énigmes ayant su donné à son cinéma cette saveur particulière, loin des académies raisonnables. « Dans la vie, écrit-il, beaucoup de choses qui nous arrivent restent incompréhensibles, et il est bon qu'il en soit ainsi. »
Dario Argento, Peur, Editions Rouge profond, 2018