Le cinéma ne se contente pas de flatter en toutes occasions l'hyper-Moi et sa mémoire réticulaire, il assure aussi sa reproduction indéfinie. Pantin tressaillant sous les affects, le spectateur-marionnette va au film comme au lit ou au bureau : dans la pleine démesure de sa singularité dévoyée, c'est son narcissisme même qui lui permet de toujours plus s'enrégimenter, et avec le sourire.
"Je vois, continue l'observateur d'un monde en voie de désenchantement, une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance." (Tocqueville, La démocratie en Amérique)