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jeunesse aux coeurs ardents

  • JEUNESSE AUX COEURS ARDENTS, DE CHEYENNE CARRON

    cheyenne carron ,jeunesse aux coeurs ardents

       

        « Filmer les visages comme des paysages et les paysages comme des visages »… La critique a son lot de lieux communs, mais celui-ci demeure particulièrement prisé, sans doute parce qu’il ne veut aujourd’hui plus rien dire. L'idée même de contemplation n’est plus vraiment à l’ordre du jour, quand tant de films considèrent le paysage comme un décor modulable à vue, et les personnages comme de simples artéfacts animés. Les êtres et les lieux n’ont pas à être interrogés, et encore moins célébrés, lorsqu’il s’agit avant tout de respecter la norme accréditée et les canons en vigueur. Un visage, un paysage, un cul, un arbre, un livre, sont désormais filmés à l’identique, platement objectivés : le systématisme utilitaire a remplacé l’alchimie des présences.

    Il ne s’agit là cependant que de la vulgate cinématographique ; aujourd’hui comme hier, des œuvres remarquables sortent du lot. Ainsi, ce qui demeure admirable dans Jeunesse aux cœurs ardents de Cheyenne Carron, ce sont justement ces visages qu’elle filme avec patience et minutie (c'est-à-dire respect), lors de marches solitaires ou de conversations enfiévrées, tandis qu’ils s’animent ou s’absentent. Il y a ce que les comédiens jouent, mais aussi tout ce qu’expriment au-delà de la composition, un authentique capitaine de la Légion et un jeune acteur de cinéma. L’un, s'il semble en avoir trop vu, a gardé intacte une certaine bienveillance ; l’autre, plutôt velléitaire, hésite souvent à diriger son regard. Et ce dialogue silencieux entre leurs traits se révèle d’autant plus bouleversant qu’il recoupe justement le propos du film. « La caméra peut filmer mon visage, disait Al Pacino, mais jusqu'à ce qu'elle capture mon âme, vous n'avez pas de film ».

    Il y a deux sortes de films chez Cheyenne Carron, ceux dont on ignore ce qui peut arriver aux personnages, puisque leur destinée semble faite d’accélérations subites comme d’arrêts imprévus (La Fille publique, Patries, La Chute des hommes) ; ceux plus didactiques, où le parcours paraît tracé d’avance, lisible dès les premières séquences (L’Apôtre, La Morsure des dieux, ce dernier opus). Ce n’est plus alors l’intrigue qui importe, ni le message qu'elle véhicule, mais la façon qu’a la cinéaste de prendre à bras le corps, la mise en scène de son écrasant sujet. Dans Jeunesse aux cœurs ardents, elle rend justice à ce que portent les visages des uns et des autres, c’est-à-dire à l’ineffable qu’ils recèlent. En écho à la phrase de Pacino, nous pouvons alors affirmer qu’ici, à n’en pas douter, il y a bien un film !

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