C'était il y a presque trente ans, et cela aurait pu être écrit hier : Jean-Patrick Manchette dans sa chronique de Charlie-Hebdo évoque un livre d'entretiens de Jean-Luc Douin, Comédiennes aujourd'hui :
"...Nous avons maintenant des antivedettes de poche et des considérations sur le regard de la caméra et celui des autres, et sur la recherche de l'identité, et le cinéma considéré comme une psychanalyse, et la réalisation de soi, et l'insertion de soi dans les luttes. Fascinant, décidément.
Raymond Lefèvre, dans le numéro de juin de Cinéma 80, trouve que Marilyn Monroe a l'air d'une ravissante bêtasse dodue, et s'interroge : "Avec le recul, on se demande comment elle a pu parvenir à se constituer un tel mythe". Il ne voit pas que Monroe s'est trouvée précisément à l'endroit (au moment) où le cinéma se cassait. Après la chute de la dernière star, l'angoisse, dont le grand spectacle avait si bien marché cette fois-là, a été rapidement démocratisée (au sens Prisunic du mot). Chez les interviewées de Douin comme dans les films modernes, le spectateur ne trouve plus à acheter que son propre malaise et ses propres bavardages sur la question. C'est du recyclage (version écolo). C'est vraiment lugubre."
En trente ans, des épopées en toc de John Milius jusqu'au lyrisme en sucre de François Ozon, des transports d'américana à la réserve compassée de l'Auteur, du spasme géopolitique de l'adolescent fana-mili à la parodie de compassion du citoyen concerné, l'angoisse-Prisunic s'est en effet insinuée et recyclée partout.