La profusion de ces plans d'individus saisis par ce qui les surplombe en contrechamp n'est pas seulement le reflet d'une Amérique hantée par le fantasme de la punition divine ou l'anxiogène souvenir de tours effondrées.
Quels qu'en soient les thèmes et les motifs, cette récurrente figure de style assigne aux personnages comme aux spectateurs leur place : en deçà.
En deçà du récit qui les dispose comme des pions, de la fiction qui les ordonne comme des faits, de la technique mirobolante dont ils sont les faire-valoir ; en deçà de tout ce qui les assujetit pour leur bien, c'est-à-dire pour empêcher leur corps d'exulter à contre-temps ou leur esprit de prendre une distance qui soit autre que circonstancielle.
Définitivement sous le joug chatoyant des formes sidérantes, la seule place qui leur soit, et qui nous soit, réservée.
(Une manoeuvre malencontreuse et non une envie subite de table rase a fait disparaître les notes de l'année 2008)
Commentaires
Très bien vu, monsieur Maubreuil !
On pourra rapprocher cette figure de celle inversée de Welles et Cotten, souriants dans un plan en plongée, fiers sur leurs piles de journaux, dans Citizen Kane. A l'époque, il y avait encore de l'honneur, de la fierté et de la matière humaine pour faire tourner le cinéma.
L'acte manqué est l'équivalent dans l'agir du lapsus.
Ratés du comportement dévoilant un conflit inconscient.
Comportement émis contre la volonté ou la conscience et qui révèle l'existence d'un conflit intrapsychique.
Ils s'agit de ratés du comportement dévoilant un conflit inconscient et susceptible de révéler involontairement l'intention d'un individu. L'acte manqué est une émergence, de fuite de conduite, de pulsion inconsciente, de désir anormalement refoulé....
J'ai fait la même chose pour mon blog: un nettoyage de printemps en quelque sorte.
Cela fait un drôle d'effet n'est-ce pas ?
clic... pffff... en fumée...
Tout passe!
Merci Frédéric.
Je pensais également Georges, dans le registre inverse à ces américains tétanisés, à ce plan que je n'ai malheureusement pu retrouver, où l'héroïne de "Flandres" de Bruno Dumont, est filmée en plongée, tendue vers le ciel, le visage en crispation extatique.
Vous avez bien sûr raison, Isabelle, voulant effacer une note, j'en supprime quinze, alors que puisque "tout passe", il ne sert à rien de vouloir de son propre chef faire place nette.
C'est celui-là, le plan de "Flandres" (le photogramme du haut, mais pas celui de l'affiche, après Gabriel, l'ange de la bataille of course) ? :
http://www.dvdrama.com/fiche.php?8041
Sinon, tu as écrit sur Dumont ? Curieux de savoir ce que tu en penses. Je sentirais comme un voisinage entre le forgé de ta plume et celui de ses plans.
Non Joachim, je ne pensais pas à ce plan-là, celui grosso modo de l'affiche, mais du plan où l'héroïne est debout, filmée en plongée, le visage tendu vers l'objectif.
Je te remercie de ta dernière remarque. Sur Dumont, il ya cela : http://stalker.hautetfort.com/archive/2007/02/10/antimodernite-de-bruno-dumont-par-ludovic-maubreuil-infreque.html