"L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, des frères Lumière – l’effroi suscité chez les spectateurs d’alors – conséquence d’un puissant effet de réalité ? – plutôt celle d’un déchirement de la réalité – d’où surgit l’inconnu – il y a un dépaysement inhérent à l’image cinématographique – ce dépaysement est tout de suite là, dans le premier cadre filmé, quel que soit le degré de familiarité de son contenu – la reproduction technique ne conserve pas – non seulement elle génère une absence des choses reproduites – mais tout se passe comme si la fréquence des vingt-quatre photogrammes, la subtile vibration de leur rythme circadien entraînait l’affleurement d’une ou plusieurs autres dimensions – le réalisme constitutif du cinéma n’est pas documentaire, il ne témoigne ou ne confirme rien des apparences ni de leurs sens ; il est quantique – emprunt ou abus de langage, qu’importe, pour dire ce feuilleté d’états parallèles qui à la faveur de la projection crèvent la surface quotidienne, sans causer trace ni plaie, à la façon d’un stylet vénitien – qui, parce que réel, exclue la métaphysique et la magie au même titre que l’utopie et le rêve – qui soutient, au sens le plus matériel de fondations, ladite surface, tout en la contredisant point par point." (Jacques Sicard)
Commentaires
Ludovic, tu devrais nous faire une traduction simultanée, je ne comprends pas toujours le Sicard dans le texte ...
Le quanta de Planck c'est 1900, l'arrivée du train des frères Lumière, c'est 1895, si je ne m'abuse, mais les artistes ont tous les droits même d'être anachronique !
J'ai revu un peu hier la version célèbre de Dorian Gray en noir et blanc, le thème c'est bien une inversion du temps, les objets deviennent moraux et sont affectés à vitesse V par le vieillissement et les êtres deviennent des cristaux immarcescibles.
On sait, depuis Niels Bohr, que l'observation crée la réalité ; ce qui ne signifie pas pour autant que ce qui se situe hors du champ de l'observation soit dénué d'existence ; avant Planck, le quantum existait, même si son état différait de celui sous lequel il fut observé ; cette instabilité est d'ailleurs au principe de la théorie quantique.
A propos de cadre cinématographique (1895) et de physique quantique (1900), plutôt que d'anachronisme, ne peut-on soutenir qu'il s'agit de phénomènes contemporains, chacun par ses voies propres accédant dans le même temps à la même vérité ?
Dans quelle confusion de la pensée est-il déraisonnable d'essayer de décrire et de comprendre telle chose qui précède par telle autre qui la suit ? Dans quelle vulgarité de l'esprit est-il méprisable d'interpréter, quand nul n'ignore que l'interprétation a pour effet de libérer l'objet considéré de son étroite gangue de sens, de ce qui au fond le piège et le réduit ?
Oui, je vois ...