"L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, des frères Lumière – l’effroi suscité chez les spectateurs d’alors – conséquence d’un puissant effet de réalité ? – plutôt celle d’un déchirement de la réalité – d’où surgit l’inconnu – il y a un dépaysement inhérent à l’image cinématographique – ce dépaysement est tout de suite là, dans le premier cadre filmé, quel que soit le degré de familiarité de son contenu – la reproduction technique ne conserve pas – non seulement elle génère une absence des choses reproduites – mais tout se passe comme si la fréquence des vingt-quatre photogrammes, la subtile vibration de leur rythme circadien entraînait l’affleurement d’une ou plusieurs autres dimensions – le réalisme constitutif du cinéma n’est pas documentaire, il ne témoigne ou ne confirme rien des apparences ni de leurs sens ; il est quantique – emprunt ou abus de langage, qu’importe, pour dire ce feuilleté d’états parallèles qui à la faveur de la projection crèvent la surface quotidienne, sans causer trace ni plaie, à la façon d’un stylet vénitien – qui, parce que réel, exclue la métaphysique et la magie au même titre que l’utopie et le rêve – qui soutient, au sens le plus matériel de fondations, ladite surface, tout en la contredisant point par point." (Jacques Sicard)
Yang
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LE RÉEL DÉCHIRÉ