Je me souviens de la brièveté du rire de Donna Reed
Je me souviens des vaches blessées de La Horse
Je me souviens des diagonales volontairement instables des travellings des années 70
Je me souviens des éclats de rire connivents lors de la fellation du Diable au corps de Bellochio, projeté au Wepler, et des silences troubles lors de ces mêmes actes incessamment répétés quelques mètres plus loin, dans une petite salle de cinéma permanent du Boulevard de Clichy
Je me souviens du short blanc de Lana Turner et de ce plan américain inversé, la cadrant des hanches aux pieds
Je me souviens des New Wave Hookers
Je me souviens de Mireille Darc en veuve ingénue, et de son bikini sous la voilette
Je me souviens des panoramiques légers, des travellings latéraux discrets, des plans fixes sur la point des pieds, détaillant successivement et avec douceur l’immobilité de chacun des personnages endormis près du Fleuve, jusqu’à celle de l’enfant tué par le serpent
Je me souviens des trois premiers rôles de Sandrine Bonnaire, puis plus rien
Commentaires
(Pardon pour cette exhibition de subjectivité :) J'avais été tellement bouleversé par "Le fleuve" lorsque je l'ai vu il y a une dizaine d'années, que je n'ai jamais osé le revoir, de peur de gâcher cette émotion. Il en a été à peu près de même pour la "Marnie" de Hitchcock : après la deuxième vision, aussi troublante que la première, je n'ai plus jamais tenté d'y remettre les yeux.
Ne vous excusez pas : c'est tout à fait approprié.
Je suis un peu comme vous : un certain nombre de films dorment sur mes étagères car je n'ose à nouveau les regarder.