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L'ARME A L'OEIL

De Télérama au Nouvel Obs, de Libération aux Cahiers, ils sont venus, ils sont tous là. Cela valait bien la peine de se moquer de l'esthétique des "téléphones blancs", ou de s'offusquer de l'éthique du Joel Schumacher d'A time to kill, si c'était pour finir par accepter ça en toute quiétude.

Le classicisme aussi, est affaire de morale.

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Lien permanent 37 commentaires

Commentaires

  • Ouf! ça fait du bien de se sentir moins seul...
    Merci pour le lien, Ludovic...

  • Pas vu le film, mais est-ce que ce n'est pas justement chez Eastwood le côté républicain réac, manichéen, académique (plutôt que "classique", car classique pour moi = équilibre, beauté, maîtrise des formes...) qui plaît au fond à tous ces critiques bien-pensants ? Il se trouve que j'ai une amie à Télérama, de gauche et tout le tintouin, et bien son chanteur préféré, elle ne l'avoue qu'à ses proches, est Michel Sardou... Où peut se nicher le frisson de l'interdit !

  • Ce film est une insulte à l'intelligence humaine.

    D'ailleurs, le fait que tout le monde l'applaudisse semble confirmer pas mal de choses.

  • Classicisme, en français dans le texte. Je défends complètement le film d'Eastwood, qui est le seul grand film de 2008, avec There will be blood. J'aime beaucoup les critiques à l'encontre de l'œuvre d'Eastwood qui y voient la réaction et le républicanisme de partout et qui montre combien l'analyse est faussée. Dans L'Echange, Clint défend plutôt les libertés individuelles avec un parallèle évident : la dénonciation de l'Amérique de Bush et de la loi Patriot Act. C'est dommage mais W. n'est pas démocrate, il est républicain (ou alors quelque chose m'a échappé). L'Echange est basée sur des faits réels, avérés, et c'est peu de dire que, parfois, la réalité dépasse la fiction. Je ne vais pas refaire le film, mes commentaires sont sur la note de Dr Orlof. Au fait, Ludovic, qu'as-tu pensé, à l'époque de Million Dollar Baby ? Car si tu l'as défendu, comme le Dr Orlof, je comprends d'autant moins la critique, le rejet de L'Echange.

  • Je pense qu'il y a de ça Damien, et c'est pour cela que je fais allusion aux "téléphones blancs" et que j'ai failli intituler cette notule "Néofascisme ?".

    La question du classicisme est d'ailleurs celle qu'il faut se poser, car celui-ci ne se réduit pas, il me semble, à l'équilibre et l'harmonie des formes (car dans ce cas, je serais d'accord avec Julien, ce film a une élégante façon de placer les personnages dans le décor et ses champs/contrechamps très maîtrisés ne me paraissent pas juste fonctionnels), mais aussi à un certain respect des diverses forces en présence, une certaine manière de mettre en scène les relations humaines sans manichéisme définitif, ce qui n'est ici absolument pas le cas.

    Et donc Julien, non je n'ai pas aimé Million Dollar Baby, et non il ne me semble pas que ce film défende quoi que ce soit d'autre, aussi paradoxal que ça vous paraisse, que la loi du plus fort.

  • C'est un point de vue. Qu'entend-on par loi du plus fort ? Est-ce que le plus fort est aussi celui qui, éthiquement, agit justement ? Dans ce cas, je ne vois rien à redire. Sinon, si on parle de la loi du plus fort physiquement, et dans le sens du pouvoir injuste (fasciste), l'analyse est fausse. La dénonciation d'une Amérique toute puissante, qui piétine les libertés individuelles est très claire, limpide pour celui qui a 1. un peu de bon sens 2. quelques notions de grammaire du cinéma (j'en ai très peu). Cette Amérique là, en un sens, est fasciste : l'Amérique de Bush. Clint en appelle à un sursaut citoyen, qui prend sans doute une facette individuelle (la réaction d'une mère), mais qui doit tout à la société civile (même si Clint semble s'en méfier, comme dans la scène où la foule est réunie, compacte, incontrôlable).
    Je veux bien lire des critiques et des chroniques définitives, comme la votre et celle du Dr Orlof, mais encore faut-il les justifier un minimum. Au moins, de votre côté, vous faites preuve de constance : vous n'aimez peut-être pas le cinéma d'Eastwood (et c'est compréhensible, certains cinéphiles ont une aversion particulière pour de grands réalisateurs, le côté subjectif du cinéma, sans doute, qui l'emportera toujours sur son aspect objectif).

  • C'est vrai que je n'ai jamais partagé l'engouement cinéphile pour Eastwood, y compris pour ses films les plus recommandés comme Mystic River, cinéaste que je trouve bien souvent académique et dont je vous mets au défi d'identifier la patte ; cet Echange, il me semble, aurait pu être signé Ron Howard ou Curtis Hanson sans que cela change quoi que ce soit. La mise en scène est fluide, les éclairages recherchés, la reconstitution élégante, le découpage homogène, le rythme correct, mais cela ne m'a pas suffit. Quant à la manière dont le personnage principal et ses très nombreux soutiens sont filmés, celle-ci m'a mis mal à l'aise, et il fallait voir certains spectateurs frétiller d'aise quand le révérend fait irruption à l'asile et cloue le bec de la très laide surveillante, ou quand l'avocat ridiculise le policier qui n'a aucune circonstance atténuante. Nous sommes chez Guignol, et l'on hue, et l'on applaudit, mais je ne crois pas que cela aille plus loin.

  • Toujours pas vu le film, mais Julien, il y a un problème dans votre analyse : en tant que citoyen, Eatwood a toujours soutenu les républicains, Bush hier et McCain récemment, alors l'appel au sursaut contre cette Amérique-là paraît douteux, et contradictoire avec ses autres films, si on se réfère au "Maître de guerre", à "Mémoires de nos pères", et autres "Space Cow-boys."

  • J'allais faire le même commentaire que Damien : Eastwood est résolument républicain et ne l'a jamais caché (c'était un pote de Reagan): je le vois moins défendre les libertés individuelles que les majorités silencieuses qui aimeraient se faire justice elles-mêmes.
    Et puisqu'on fait allusion au fait que j'ai défendu "million dollar baby", je veux bien répondre : il me semble que dans ce film, Eastwood parvenait plutôt bien à s'inscrire dans une tradition (pour le coup, "classique") du cinéma de genre. J'aimais, en particulier, tout le début du film : l'aspect "success story", le thème de la filiation, les codes du mélodrames... En revanche, j'avais déjà signalé quelques procédés manipulateurs qui me gênaient énormément (la fin du film).
    Mais même d'un point de vue cinématographique (la belle photo très sombre de MDB), le film me paraissait moins académique...

  • Ludovic, votre remarque est intéressante : existe-t-il une touche Eastwood ? Pour ma part, je pense que oui. Eastwood, il ne faut pas l'oublier, à fait ses armes dans le western, il s'est fait connaitre par ce genre cinématographique particulier, apanage proprement américain du cinéma. Quelle est la particularité de ce genre ? Dépeindre l'Amérique, ses mythes fondateurs, sa violence constitutive. Eastwood, le soi-disant réactionnaire qui réalise des plaidoyers anti-peine de mort (Jugé Coupable, une scène dans L'Echange), pour l'euthanasie (MDB), contre les préjugés homophobes (Minuit...), qui montre le point de vue de l'ennemi (Iwo Jima), poursuit cette tradition : interroger les fantasmes américains, ses mythes, ses démons. Sa patte est difficile à cerner car il touche à tous les genres, emprunte aux plus grands les codes cinématographiques de la narration, ce qui a fait dire de lui qu'il était le plus grand réalisateur classique encore vivant. La constance d'Eastwood se trouve dans le fond de ses films, moins que dans la forme (encore que je ne peux m'empêcher de trouver une même coloration à des films comme Honkytonk Man, Sur la route de Madison, Minuit dans le jardin du bien et du mal, Million Dollar Baby, L'Echange...). Eastwood est méfiant à l'égard des institutions, il place sa confiance dans les contre-pouvoirs (ce n'est pas un point de vue réactionnaire, au contraire) et les individus. La plupart de ses personnages ont un idéal qui est mis à mal par un environnement hostile, corrompu. Il y a de la nostalgie dans les films d'Eastwood, et c'est sans doute là où on peut y voir de la réaction : Eastwood a certainement été imprégné par ses rôles virils au cinéma, et il donne le sentiment d'un monde en perdition, qui n'a plus rien de très digne...

    Bref, je vais pas épilogue 107 ans, je ne suis pas spécialiste de son cinéma et d'autres en parlent mieux que moi. Je suis heureux de voir qu'Eastwood n'est pas consensuel et que son cinéma provoque toujours beaucoup de vagues et de remous. C'est selon moi une autre preuve de son talent.

    Pour le Dr Orlof : désolé pour la pique ! Tu sais que je défends aussi MDB, donc je suis raccord avec tes remarques. Sauf celles qui concerne Eastwood, la personne. Oui, il est républicain, il ne l'a jamais caché. Quel est son prosélytisme au cinéma ? Il est proche de zéro, c'est pas de bol hein ? Clint pratique même l'art du contrepied, et tenter de le définir politiquement par ses oeuvres, c'est pêcher par excès de mauvaise foi car seul ce que l'on connait du personnage publique, justement, permet de dire ces énormités. Si je me fie à ses films, j'ai du mal à reconnaître le républicain. J'y vois un démocrate, viril, d'un monde idéal passé (celui des Bogart et autres Gable), mais certainement pas le vilain réactionnaire dégueulasse que vous voulez nous faire avaler.

    Je comprends qu'on puisse ne pas adhérer à son cinéma, notamment parce que la critique l'encense (à juste titre à mon avis : The Outlaw Josey Wales, Honkytonk Man, Pale Rider, Bird, Unforgiven, Perfect World, Madison, Minuit, Mystic River, MDB, L'Echange, c'est pas rien), mais de là à sortir des contre-vérités (je l'ai beaucoup exprimé sur la note du Dr Orlof, toute son analyse me semble fausse) ou des caricatures (le réactionnaire qui aime les armes, que chacun puisse se faire sa propre justice, etc.), je trouve que c'est injuste et ça me donne envie de le défendre, de montrer que son cinéma ne l'a pas placé à ce niveau de critiques pour rien, par snobisme ou paresse.

  • Vous le défendez bien Julien, en tentant de lui donner une personnalité, mais je ne suis pas convaincu. En revanche je suis certain de l'hypocrisie ou pire de l'aveuglement de ceux qui crachaient et cracheraient encore sur Dirty Harry, mais qui se réjouissent de MDB ou de cet Echange, car à chaque film, le spectateur est manipulé pour accepter comme une évidence le combat du héros sans qu'il y ait lieu de se soucier des nuances. Pour moi, Clint Eastwood est un Michael Moore "de droite".

  • Merci d'avoir supprimé les doublons.
    Vous l'attaquez bien aussi, pas de doutes. Je comprends vos remarques. Mais il y a tellement de contrepieds dans l'œuvre d'Eastwood, que je ne suis pas certain qu'il soit si facile que ça de cerner le personnage. Vous parlez de manipulation, et je pense que ce n'est pas faux. Je ne suis pas très gêné par les processus de manipulation (sans aller jusqu'à sortir la phrase de Godard), ce qui m'intéresse c'est le cinéma, la mise en scène, l'œuvre.
    J'ai l'impression, néanmoins, que vos critiques se basent beaucoup sur les derniers opus du cinéaste. Je recommande à celui qui ne connait pas encore Eastwood (difficilement probable) de commencer par tous ses westerns en tant que réalisateur, puis de faire un tour du côté de Madison, Minuit, Honkytonk Man (mon préféré) et Mystic River.

  • Je ne voulais pas intervenir dans ce débat, moi qui déteste cordialement les films d’Eastwood, qui les trouve systématiquement manipulateurs et démagogiques, ses personnages caricaturaux, sans parler de son égocentrisme qui lui fait toujours se donner le beau rôle, celui de chien battu par les événements (et la fin de Million Dollar Baby est à cet égard édifiante), bref, je ne voulais pas faire de commentaire sans avoir vu L’Echange. C’est chose faite.
    Il faut d’abord souligner combien les plans de L’Echange sont tous hideux, en particulier les gros plans, surtout quand il s’agit de désigner à la vindicte (et le public qui applaudit l’accusation au tribunal est évidemment une sorte de modèle à suivre pour le public du film), de lui désigner le méchant : le docteur, les infirmières (la blonde qui s’occupe de tourner le bouton des électrochocs est impossible), le capitaine Machin, le tueur en série…
    Pour Eastwood, le « Mal » a un visage. Son soutien indéfectible à la droite américaine trouve peut-être là son point d’ancrage. Il fait mine d’être ému par la mort et la cruauté mais au fond il ne s’intéresse qu’à ça, et semble proprement jouir dès qu’il peut s’attarder un moment sur le visage d’un faussaire, d’un hypocrite ou d’un salaud.
    Alors, bien entendu, la morale et les conventions du mélodrame veulent que l’innocente, la mère malheureuse, ait le dernier mot, ou plutôt le dernier regard, puisque Jolie ne sait à peu près rien répéter d’autre que « My son ! » pendant deux heures et demie de film, mais il ne faut pas se fier à cette couche narrative superficielle, qui s’en prend à la police pour réclamer qu’elle soit moins corrompue, c’est-à-dire plus pure…
    A propos des flics ripoux, une remarque : le seul qui sorte du lot est le même de qui s’échappe la seule ligne politique du film. C’est apparemment une expression toute faite, mais soulignons que ce n’est pas le méchant flic qui l’emploie : « Il fait un temps de démocrate » jette l’unique policier qui semble se soucier du sort du petit disparu (les sous-titreurs français ont traduit drôlement, quant à eux, « democrat » par « socialo »).
    La psychologie selon Eastwood se résume à distribuer d’un côté de la cruauté et de l’autre de la pureté. A peine aperçoit-on quelques timides lueurs de mauvaise conscience dans le regard du mauvais flic. Manichéisme désespérant, surtout quand la prétendue « obstination » de l’héroïne se révèle n’être au bout du compte qu’un immobilisme publicitaire, la poupée Jolie étant incapable de faire autre chose que de poser devant la caméra. Pour être franc, elle a bien quelques crises de nerfs, d’ailleurs surjouées (quand on lui apprend que son enfant est retrouvé, quand elle crie que ce n’est pas lui, quand elle s’en prend à l’assassin) qui déclenchent la curiosité malsaine d’Eastwood dont la caméra, à ces moments précis, filme le plus longuement possible le visage plein de larmes de la victime.
    Comment ne pas trouver ce film aussi laid que désagréable ? La complaisance d’Eastwood est certes relativement effacée par sa « mise en scène » soignée (fruit d’une longue habitude), mais ces gros plans, mais l’irritante inaction de son personnage principal, mais l’unanimisme enfin de ces grandes scènes où « justice est rendue » et où tout le monde peut se retrouver du bon côté du manche constituent de sérieux indices prouvant qu’on a affaire, non au grand film que nous vendent les critiques, mais au nanar boursouflé d’un sale type qui n’a jamais cherché à clarifier ce qu’il avait à dire et qui porte sur chaque chose et chaque personne un regard qu’il faut bien qualifier de sordide.

  • Je suis heureux :

    1/ de pouvoir vérifier que je ne suis pas le seul à détester ce film ;

    2/ de retrouver une Griffe qui se fait trop rare ;

    3/ de constater que nous partageons exactement la même analyse.

  • Je suis heureux de lire des critiques aussi peu équilibrées et nuancées : elles disqualifient d'avance leur auteur. C'est marrant qu'on trouve sur ce site une page consacrée à la littérature politiquement incorrecte quand j'imagine que, s'il s'était trouvé à notre époque, beaucoup auraient rejetés en bloc LF Céline et son talent car l'homme était peu recommandable. Ils auraient vu dans ses lignes son inhumanité, décortiqué son regard froid, sa haine de l'humain et n'auraient plus rien vu d'autre. Effectivement Eastwood ne dit pas publiquement qu'il est une ordure républicaine, c'est gênant parce que beaucoup de ceux qui le descendent en flèche aujourd'hui n'attendent que ça pour justifier leurs propos déplacés, d'une analyse tellement fausse, tellement orientée et de mauvaise foi qu'il n'y a qu'un idiot choqué comme moi pour pouvoir réagir.
    Réjouissez-vous : vous êtes tous entièrement d'accord pour condamner le film, vous cinéphiles du web français. Vous êtes clairvoyants et entourés de critiques abrutis, aveugles, qui n'ont pas su voir qu'Eastwood légitimait un discours fasciste, que son cinéma était puant, manichéen (il l'est un peu, parfois, il ne l'a pas toujours été)...
    Ah oui, "comment ne pas trouver ce film aussi laid que désagréable" ?... En enlevant ses œillères idéologiques ? ses a priori ? en analysant le film sur des bases cinématographiques ? En ne rentrant pas dedans en étant quelqu'un "qui déteste cordialement les films d’Eastwood, qui les trouve systématiquement manipulateurs et démagogiques, ses personnages caricaturaux" ?...

  • Julien, vous savez, ici il n'y a que 4 blogueurs-critiques qui n'apprécient pas L'Echange, et pour certains, le cinéma d'Eastwood, alors je suis conscient que dans ces commentaires, vous êtes seul à le défendre, et que cela peut donner l'impression d'un réglement de comptes, mais cela ne représente pas les "cinéphiles du web français", comme un tour d'horizon de la Toile vous le confirmera rapidement...

  • Je ne lis que les blogs cinéma, rien d'autre. Le point de vue de ceux que je lis (car je ne lis pas tous les blogs) est unanime et se rejoint dans les commentaires. Montrez-moi un blog cinéma de qualité qui défende ce film (je serai ravi de le lire), je n'en ai pas vu un seul. Et, honnêtement, à part ce que vous en dites qui me paraît plus inspiré par des considérations cinéphiles, les autres critiques mêlent beaucoup d'attaques personnelles à l'art d'Eastwood, ce qui me semble une connerie monstrueuse. Je reprends l'exemple de Céline : je connais des ami-e-s qui ne le lisent pas parce qu'il était réactionnaire, fasciste. Ils passent à côté de Voyage au bout de la nuit, qui n'a rien de prosélyte.
    Ce qui m'agace aussi, c'est cette attitude qui consiste à se placer au-dessus de la mêlée. Ça m'agace parce qu'elle n'a, ici, rien de justifiée. Vous pensez vraiment que tout le monde se trompe d'analyse ? Et si ceux qui critiquent Eastwood et son cinéma parce qu'ils y voient du républicanisme et de la manipulation de partout se trompaient ? Un peu de nuance ne fait jamais de mal, surtout de la part de personnes qui critiquent fortement le manichéisme d'Eastwood (et qui manifestement ne connaissent pas son cinéma et ont des préjugés définitifs - et je ne parle pas ici du Dr Orlof).
    En bref, je veux bien lire qu'Eastwood est un auteur surfait, que son cinéma s'arrête juste devant la porte des grands réalisateurs dont il s'inspire (il est grand, il n'est pas immense), mais de là à lire ces âneries monumentales qui tentent de réduire son cinéma à la réaction, à la manipulation, à la démagogie (qu'on revoit les films que je cite pour s'en rendre compte), je ne peux pas laisser passer. C'est un procédé qui m'agace, que je trouve injuste, déloyal.

  • Julien, je vous remercie de m'inclure dans ce que vous considérez comme des blogs de qualité, même si cela est bien relatif, et je ne sais si vous trouverez de la qualité à ces trois-là mais il me semble qu'ils sont plutôt tendres avec L'Echange :

    http://lalanterne.canalblog.com/archives/2008/11/20/11442385.html

    http://nightswimming.hautetfort.com/archive/2008/12/03/l-echange.html

    http://www.toujoursraison.com/2008/11/lchange.html

  • Si Griffe se fait rare, il n'a pas perdu le don de perturber les lecteurs avec ses jugements sans nuance. Entre autres choses : Comment reconnaître le caractère soigné de la mise en scène et parler en même temps de plans hideux ? Pourquoi parler d'immobilisme publicitaire pour décrire un certain comportement ? Le personnage devrait-il être dans chaque scène, dans le volontarisme de la mère courage ?
    Je dois ici préciser que j'ai apprécié très modérément L'échange, ayant été notamment gêné par ses ambiguïtés morales. Je me suis bien gardé pourtant de jeter le septagénaire avec l'eau du bain et d'appliquer a posteriori cette grille idéologique à tous les films du cinéaste. Si je vois bien ce que reprochent les détracteurs qui s'expriment ici, je comprends parfaitement l'agacement de Julien.
    Il me semble à moi aussi que les discours les plus virulents à l'encontre d'Eastwood sont tenus sur le web, étant entendu que la critique officielle a, elle, versé dans l'excès inverse par rapport à sa position de rejet qu'elle avait dans les années 70.
    Toute personne écrivant sur le cinéma peut tomber à un moment ou à un autre dans ce travers, mais il me semble effectivement que se positionner aussi radicalement face à une oeuvre, c'est donner l'impression que l'on voit mieux que les autres.

  • Du coup, merci pour la passerelle, Ludovic.

  • Je ne résiste pas à mettre mon grain de sel dans ce débat qui me rappelle effectivement d'autres empoignades sur "Mystic river" et "MDB".
    Ludovic, concernant les critiques officielles et celles du web, ce n'est pas la quantité qui compte que la qualité, et leur virulence. Je me sens plus secoué par les charges du Bon Docteur, de Sébastien ou de Griffe que par l'article élogieux mais planplan du dernier Positif. Ca ne change rien à ma position, et je n'ai toujours pas réussi à trouver le temps d'aller voir ce fichu film. Mais voilà, je me sens autant en porte à faux avec les laudateurs excessifs qu'avec la charge de la brigade légère.
    Je vous trouve un peu dur quand vous nous dites ne pas être convaincu par sa personnalité. Tout le monde en a une. Je vous suis plus quand vous reprochez les changements de cap de certains.
    Je crois aussi que son œuvre est un tout et qu'il y a continuité entre Harry et les derniers films. Je ne crois pas qu'il y ait a relire les anciens à la lumière des récents. Il y a à lire l'ensemble d'un artiste, que l'on peut rejeter en bloc, pourquoi pas, mais qu'on ne peut pas découper selon ses propres affinités ou son bon plaisir. "Madison" serait émouvant, "MDB" serait abject, non, ce n'est pas possible. "Impitoyable" serait une merveille d'ambiguité, "L'échange" un pavé de manichéisme. L'un des deux est mal lu.

  • Je suis d'accord avec votre dernière phrase Vincent, car je n'en apprécie aucun vraiment. Et j'y trouve, sinon un style (car Eastwood filme en bon artisan, rien de plus), du moins une manière toujours identique de concevoir la relation avec le spectateur qui ne me plaît pas.

  • Je ne connaissais pas Edisdead, et je lis parfois Shangols. Dans les weblogs que j'apprécie, je compte le Dr Orlof, Vincent (qui intervient fort à propos d'ailleurs, merci Vincent), Cinématique, Avis sur des films et Matière Focale (dont la longueur des articles et leur côté brouillon me rebutent parfois).
    Je le répète : Eastwood ne fait pas partie de mes réalisateurs (les plus) favoris, ni des plus grands. Il est juste au-dessus du lot actuel (et en deçà de Lynch, de Cronenberg ou de Hartley pour citer les exemples qui me viennent immédiatement à l'esprit et qui n'ont aucun rapport - sinon qu'ils font tous du cinéma) et j'aime beaucoup certains de ses films (Honkytonk Man, Mystic River, MDB, ses westerns). Mes réactions de défenseur sont fonction de la virulence des critiques que je lis sur des weblogs que justement j'apprécie et qui me semblent plus refléter un agacement qu'une réelle analyse de cinéma.
    Ludovic, votre dernière phrase me semble relever d'une analyse fausse : comment dire qu'Eastwood conçoit de la même manière son rapport au spectateur dans Honkytonk Man, Mystic River et l'Echange, expliquez-moi (à mon avis vous allez avoir beaucoup de mal à ne pas faire de raccourcis et de généralités) ?
    Pour le reste, je me suis déjà beaucoup exprimé, je pense que je vais (essayer de) m'arrêter là. Je suis d'accord avec Vincent, avec Edisdead : Eastwood n'est pas le plus grand réalisateur de tous les temps, il ne mérite pourtant pas les contre-critiques excessives que je lis depuis MDB (ni même l'excès inverse, mais il me semble que cet écueil est plus facilement évité).

  • Pour être plus juste, je dirais alors : "dans les films que j'ai vu de lui, le rapport au spectateur chez Eastwood me semble toujours assez semblable", pour éviter de généraliser sur une oeuvre que je n'ai pas vue dans sa totalité, en particulier, je n'ai vu ni Bird ni Honkytonk Man.

    Mais dans ceux que j'ai vus, j'y ai à chaque fois trouvé une manipulation de base (sans même parler de ce besoin de se présenter en corps souffrant avant d'être un corps glorieux), qui ne me semble pas mise à distance comme chez de Palma ou même Coppola, une manipulation qui permet de cacher puis de révéler soudain, tout en conservant une impression de rigueur narrative, qui est à mon sens falsifiée. Les nombreux hors-champs de MR sont ainsi pour moi de même nature que les contrechamps sur les laids ennemis de Miss Jolie dans l'Echange : empêcher de se faire sa propre idée sur les mécanismes du drame, n'en avaliser qu'une version partiale pour ménager le suspense des révélations ou éviter qu'on puisse critiquer celui qui est chargé d'assurer le Bien. Dans ces films manipulateurs, la palme revient pour moi à Jugé coupable ou Créance de sang.

    Tout cela est bien banal dans le cinéma hollywoodien, mais la quantité de "choses vues" qui parsèment ces films (des pécisions documentaires jusqu'à la rigueur des reconstituons), l'absence de figures de style facilement fascinatrices pour mieux faire passer un message (le maniérisme parvient souvent à faire passer en douce des caricatures de situations par l'excès formel), tout ce qui en somme le font appeler "classique", ne me font que davantage regretter ces simplifications de fond.

  • A Sébastien :

    Merci, mais je ne suis pas si rare!

    A Julien :

    Je ne rentre jamais dans un cinéma avec des œillères, soyez-en sûr, et je ne dis pas légèrement « détester cordialement les films d’Eastwood » : je les ai tous vus, et pour la plupart vus deux fois, voire trois (« Impitoyable », par ex.). Il y en a certains qu’à l’époque j’ai beaucoup aimé, et je garde un bon souvenir d’ « Un monde parfait » (mais c’est le seul).
    C’est à force de les revoir que j’ai compris pourquoi ces films finissaient par me dégoûter. C’était tout simplement à cause du point de vue de leur auteur sur ce qu’il montre, point de vue que Dr Orlof, Sébastien, Ludovic et moi-même avons tenté de décrire et définir ici ou là.
    Ce point de vue ne se résume pas à ses positions politiques, fussent-elles publiques, c’est l’évidence. Vous nous fabriquez là une obsession. Le manichéisme d’Eastwood, on le trouve avant tout dans la distribution des rôles et dans la direction de ses acteurs, et nous en avons donné plusieurs exemples.
    Et c’est bien parce que vous pouvez trouver dans nos textes un certain nombre d’exemples précis avec leur commentaire que je ne comprends pas votre accusation de « mauvaise foi » ; je la trouve, cette accusation, plutôt de mauvaise foi, puisque vous-même vous ne défendez Eastwood qu’au nom de ses « grands films » passés, vous vous contentez de citer des titres, mais vous ne répondez rien à nos critiques, imparfaites sans doute mais tout de même un minimum étayées.

    A Edisdead :

    Je parlerais de mise en scène trop soignée pour être honnête, si vous voyez ce que je veux dire.
    Après quarante ans de réalisation de films, il est certain qu’Eastwood sait rendre son filmage transparent, sait faire fabriquer des décors, une lumière, sait rendre ses travellings aériens. Lui et ses collaborateurs ont du savoir-faire, c’est indéniable. Disons que nous n’avons pas affaire à des amateurs.
    Ce que je trouve hideux dans L’Echange, c’est la demi-obscurité quasi-permanente, qui dévorait déjà Million Dollar Baby, et qui est pure afféterie en vue de mythifier les personnages, hideux aussi les gros plans de visages, comme si Eastwood n’était capable de s’intéresser qu’à la laideur et à la petitesse des gens, hideux les plans de foule (manifs, tribunal, Temple), plus staliniens que du Eisenstein, sans rien qui vit, qui dépasse, qui scintille, masse inerte, manipulable, méprisable.
    Concernant « l’immobilisme publicitaire », je parlais de la manière dont Eastwood dirige Jolie. On sait et on voit qu’il voulait en faire la figure de « l’obstination », et il fallait l’inventer, cette figure, en se servant de tout ce que l’actrice pouvait donner. Or, Jolie ne sait offrir qu’une moue, qu’un regard, qu’une pose qu’on lui a vu faire sur trois cents couvertures de magazines people (la faute au cinéaste ou à l’actrice ? 50/50, sans doute, comme dirait Fritz Lang).

  • La mauvaise foi, c'est de dire d'abord : "je déteste cordialement les films d'Eastwood, je les trouve systématiquement démagogiques et manipulateurs", puis de finir par : "comment ne pas trouver ce film aussi laid que désagréable ?".

    Si vous trouvez que je n'argumente pas, vous êtes probablement le seul (merci Ludovic d'avoir dit que je "défendais bien le film" avec mes maigres moyens). Vous pouvez vous référer, à tout hasard, à la conversation que nous avons eu avec Dr Orlof (qu'il n'a pas semblé trouver peu argumentée bizarrement). J'imagine que je n'ai rien à vous prouver. Je n'aime pas votre ton péremptoire et vos jugements à l'emporte-pièce dans un contexte où, déjà, je suis agacé d'avoir lu une note assassine de la part d'un de mes blogueurs cinéma favori...

    C'est extraordinaire, mais ce que vous avez vu dans le film d'Eastwood, avec Orlof et Ludovic, vous êtes les seuls à l'avoir vu. Vous avez un don, bravo ! Pour des critiques qui dénoncent l'autorité de la "démonstration" eastwoodienne, je m'attends à un minimum de nuances et d'interrogations. Sans quoi vous passez pour ce que vous ne voulez sans doute pas être : des critiques arrogants qui pensez tout savoir mieux que tout le monde et qui assénez des vérités indiscutables.

    Vous pensez, à un seul moment, pouvoir vous tromper d'analyse ou ça vous semble parfaitement exclu ? Car je suis désolé de citer des vieux films, mais il n'y a rien de ce que vous dénoncez dans Honkytonk Man et Breezy, par exemple, que vous avez vu au moins une fois chacun...

    Enfin bref, ce débat commence à me lasser. Je crois que tout a été dit. Mais la vérité, certainement, ne me semble pas pouvoir être contenue dans les accusations et les interprétations excessives que vous en faites avec le Dr Orlof (que j'apprécie énormément, il le sait, et c'est la première fois que je suis aussi totalement en désaccord avec lui, et aussi choqué par ses propos).

  • "vous passez pour ce que vous ne voulez sans doute pas être : des critiques arrogants qui pensez tout savoir mieux que tout le monde et qui assénez des vérités indiscutables."

    Tant pis.

  • Griffe, vous me l'accorderez je l'espère : le caractère "trop soigné" d'une mise en scène est un argument aussi flou que disons la frontière qui se fait dans l'esprit de chacun entre l'académisme et le classicisme (idem pour votre énervement face aux très beaux jeux d'ombre).
    Mais je m'arrête-là pour ma part, chacun, à mon sens, commençant à tourner en rond dans son argumentation...

  • Je vous donne à tous rendez-vous ici-même pour le prochain Coen ? En tous cas, merci pour la qualité de vos défenses et de vos attaques, cela change des forums cinéma que j'ai pu parcourir...

  • j'arrive après la bataille. C'est curieux, je n'aimais pas beaucoup "Million Dollar Baby" (ainsi que ses autres films récents) et celui-ci m'a plu. Je l'ai vu un peu comme si je regardais "Le lys brisé" de Griffith (qui en matière de manichéisme n'a rien à envier au Eastwood), comme une sorte de mélodrame naïf. je me demande si le fond du problème n'est pas notre incapacité à accepter ce type de naïveté aujourd'hui, même si Eastwood est sans doute plus "malin" que Griffith, plus conscient aussi. J'y vois d'ailleurs moins une découpe entre bons et méchants, qu'entre un individu et une véritable machine de guerre institutionnelle. Eastwood soutient peut-être les républicain, mais il m'est toujours apparu davantage comme un anar de droite, porté par une méfiance naturelle de l'Etat et des rapport de domination que celui ci impose à ses concitoyens (il n'y a qu'à voir l'insubordination de l'inspecteur Harry Callaghan pour s'en convaincre, ou encore plus proche de nous "Absolute Power").

    Le film m'a semblé assez passionnant, même si en effet un peu insistant sur la méchanceté de certains protagonistes, dans sa manière de redistribuer l'idée de justice à la faveur de ce qui est sans doute le premier vrai personnage féminin leader de son œuvre. Pas une violence qui provoque l'effroi et ne réconcilie pas la communauté (ça c'est "Impitoyable" - un peu difficile à regarder aujourd'hui d'ailleurs - ou plus généralement les hommes de tous ses films), mais une lutte calme et déterminée (celle de l'héroïne), logique, mue non par des pulsions irrépressible mais plutôt par une sorte de bon sens. Les femmes chez Eastwood ont toujours été les porteuses de bon sens (jusqu'au symbolique : la statue de "Minuit dans le jardin du bien et du mal" et sa façon de porter les deux plateau comme une figure de la justice, équitable, pesant le pour et le contre; jusqu'au mélodrame : l'héroïne de "Madison" qui à un moment pèse le pour et le contre là où l'homme veut simplement poursuivre son "destin").

    Par ailleurs c'est pour toute la communauté que l'héroïne lutte : comme Julien il me paraît aberrant de ne pas y voir un pamphlet contre l'administration Bush (c'est pourtant limpide) et la façon dont elle a méprisé le peuple, jusqu'à être bien plus caricaturale que n'importe quel personnage du film. Le reconnaissance de l'enfant comme son propre enfant, on peut le voir symboliquement (désolé si je vais un peu loin) comme l'obligation qui était faite aux citoyen américains de voir des armes de destruction massive en Irak là ou il n'y avait rien (et pourtant ils y ont tous cru, rien d'extraordinaire là dedans). Tout ce qui a trait à l'enfant est d'ailleurs assez finement amené dans le film, l'enfant et la mère constituant une sorte de cellule minimale du vivre ensemble, de la société toute entière. Il est symptomatique qu'à la fin du film, quand l'héroïne sourit en pensant à son fils disparu (alors qu'elle devrait être effondrée) qui a peut-être contribué à sauver l'enfant des autres parents, c'est qu'une malédiction s'est défaite, la preuve que son éducation a abouti à quelque chose qui ressemble à de l'entraide, pas à un rapport égoïste au monde comme le préconisent les personnages incarnant l'Etat et les Institutions.

    Bon, je ne suis pas sûr d'être clair, mais le film ne m'a pas semblé si dégoutant. De toute façon, dès qu'on s'attaque à l'Etat, aux Institutions, on prend toujours le risque du manichéisme, précisément parce que ce qu'il y a à démontrer n'a plus grand chose à voir avec un rapport entre individus, mais bien entre un individu et une machine de guerre. C'est sans doute la raison pour laquelle les gros plans que vous stigmatisés sont moins là pour attaquer les individus que la machine qu'ils incarnent. C'est j'en conviens la limite du film, encore que le flic auquel l'héroïne s'oppose ne me semble en rien une caricature. Disons que le film a, par certains côtés, un aspect de "film engagé" un peu balourd, une colère contre tout ce qui incarne l'administration qui ne fait pas toujours dans la dentelle. Mais en même temps je ne voit pas trop comment filmer une machinerie en marche autrement (alors que le côté désagréable de "Million Dollar Baby", ses grosses ficelles, venait de ce qu'il n'y avait pas de machinerie, les coups du sort apparaissant alors comme des faits que nous étions, nous spectateurs, sommés d'accepter)...

  • et désolé pour les fautes, il est tard...

  • Merci beaucoup jean-sébastien.
    Ceci dit, vous remettez une pièce dans la machine...
    Quels que soient les allusions à l'administration Bush (sincèrement je pense que vous extrapolez, et ne pas lisant de critiques anglo-saxonnes, je ne sais si c'est un travers français, auquel je succombe aussi très souvent, que de coire déceler une allégeance ou un réquisitoire politique conscient de lui-même, derrière toute reconstituion historique ; combien de fois ai-je pu lire que tel ou tel film reflétait, en filigranne, le syndrome post 11/09, par exemple), il n'en demeure pas moins que moi, je vois au contraire nettement dans l'Echange "une découpe entre bons et méchants":
    La seule question que le spectateur est amené à se poser à chaque rencontre avec un nouveau personnage (le pédiatre qui vient à la maison, le dentiste, la maîtresse d'école, le flic auquel l'enfant meurtrier se confie, l'avocat etc...) est justement : est-ce que ça va être un bon ou un méchant ? Ca ne va jamais plus loin, et pour rapidement faire en sorte que le spectateur soit fixé, on y va vite sur la balourdise des mimiques et l'odieux signifiant physique.

    Je suis d'accord avec vous cependant quand vous le comparez à Griffith, et effectivement ma vision du film est peut-être abusivement dessillée parce que j'y vois d'emblée une fausse naïveté. Et je me souviens d'une critique du film de Houellebecq qui brodait autour de cette problématique, se demandant si l'écrivain-cinéaste se moquait de nous (et allait en faire des gorges chaudes dans un prochain roman) ou s'il avait vraiment cette naïveté et cette candeur, que de faire un film aussi peu dans l'air du temps, aussi peu cynique, aussi peu carré, et qui du coup ne savait s'il fallait l'aimer. Et bien ce fut justement la raison pour laquelle je l'ai aimé, alors que ce film d'Eastwood me semble sans équivoque plaider lourdement, et si besoin très violemment, pour plus de pureté, sans échappatoire possible.

  • Ludovic, je trouve amusant que vous ne vous rendiez pas compte, finalement, des débats que provoque le film et du fait qu'il ne peut, à mon avis, être aussi réducteur que vous le prétendez. Enfin, dernière remarque et je fais court, il n'y a aucune extrapolation dans l'analyse (juste) que nous sommes une majorité de critiques ou d'amoureux du cinéma, à faire : il y a dans l'Echange une très nette condamnation de l'Amérique de Bush, et des effets de la loi Patriot Act sur les libertés. De plus ce n'est pas un hasard : c'est l'intention même du cinéaste de démontrer que, quelles que soient les époques, chacun doit être vigilant à l'égard des libertés individuelles, que l'Etat ou n'importe quelle puissance publique peut rapidement vous reprendre. Suis-je condescendant si je vous renvois à l'analyse de Tocqueville, De la démocratie en Amérique ?
    Bref, si Eastwood était aussi caricatural que certains le laissent penser, si manipulateur et nauséabond, je ne pense pas que nous aurions de telles conversations. Nous tomberions facilement d'accord. L'ambiguïté rajoute à mon avis une dimension supplémentaire au personnage (que je considère effectivement plus comme un anar de droite).
    Et, conclusion finale, il reste un réalisateur intéressant, qui a des choses à nous dire, mais qui n'élèvera sans doute jamais son art au niveau des plus grands et de ceux dont il s'inspire.
    Rendez-vous l'année prochaine pour son (je l'espère) nouveau film. Eastwood est un des rares à provoquer encore la controverse et, à notre époque, c'est déjà tellement appréciable !

  • oui, je vois bien en quoi voir du 11 septembre partout est une vieille antienne un peu frelatée, mais là vraiment, sans avoir rien lu sur le film, ça m'est apparu évident...peut-être Eastwood n'en a pas complètement conscience d'ailleurs, mais ça n'a aucune importance, j'ai toujours cru que les films avaient un inconscient, il y a trop d'éléments convergents pour que ce soit le fruit de mon imagination il me semble, mais bon, sur ce point nous ne serons pas d'accord...

    pour la lecture des critiques anglo saxons, auriez vous quelques conseils?

    et sinon, comme vous, j'aime bien le Houellbecq moi aussi, un film tellement curieux et libre dans le contexte français...je crois à sa candeur, même dans les aspects les plus ironiques de la première partie, c'est très culotté au fond, cette manière de friser constamment le ridicule, ça me plaît beaucoup, bon on sent bien qu'il vise Solaris (le rythme et le jeu de Magimel 25 ou que sais-je, dans sa grotte), ou même 2001 (pour la soudaine ellipse de plusieurs siècles notamment), mais qu'il ressemble davantage à une série Z, mais enfin cet aspect me rend curieusement le film assez touchant dans sa façon de refuser le bon goût...et je trouve même la seconde partie assez sidérante par endroits, ce plaisir qu'il y a à filmer un paysage, d'en faire un personnage à part entière...

  • Curieux comme cette forme "classique" reste finalement au stade journalistique... La forme léchée "monochromise" les couleurs... A la sortie en fait on reste de marbre, le squelette a bouffé candidement les passions; un film "miroir" oui sans aucun doute!!!

  • Merci de vos passages Laurence. Oui, oublié entre les outrances du maniérisme et la fadeur du compte-rendu (ce stade journalistique !), le classicisme a du plomb dans l'aile.

  • Sortant de "The reader"qui est un film vraiment qui donne à penser " il a dit, sur la culpabilité "et je crois qu'il a raison...une phrase de ce merveilleux prof de droit me revient à l'esprit "la justice n'a rien à faire de la morale...

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