En ce temps-là, les hommes de soixante ans portaient encore le chapeau, et les femmes raccourcissaient leurs cheveux en les attachant plutôt qu’en les coupant.
C’était le temps du cinéma dangereux, où les critiques catholiques permettaient certains films avec « d’expresses réserves » tout en en refusant d’autres, qu’ils « déconseillaient fortement », pour des raisons aussi étrangères à l’esthétisme que celles, plusieurs décennies plus tard, de leurs successeurs cette fois humanistes (et responsables), qui ne cesseraient d'inciter les spectateurs à aller se faire déranger.
En ce temps-là, la presse d’investigation, déjà subtile et ne s’en laissant pas compter, découvrait un jeune chef d’état, volontariste et ambitieux, qui se faisait surnommer par les salles de rédactions et quelques diplomates en vue, « Gaullico », en référence déférente. Et c’était Ceaucescu .
A l’époque, les étudiants prenaient tout ce qui était à prendre, découvrant l’amour libre et la dialectique dans le même mouvement, comme lorsque quelques amoureux publics sur un banc d’usine se faisaient déloger par des ouvriers CGT qui entendaient « rester maîtres chez eux », et qui tout en cadenassant la révolte, s’en réclameraient outrageusement plus tard.
C’était le temps où de nouveaux pavillons sur de gais terrains bientôt arborés étaient proposés à la vente, à Mons-en Bareuil comme à Cergy, voire dans la banlieue toulousaine, affriolants gouffres dont à peine une génération plus tard, le ghetto renverrait l’écho sinistre.
L’époque proposait en sus un nouveau concept de vacances, « farniente et culture », modelisant ainsi le touriste de demain, celui qui ayant tout saccagé en restant débonnaire, irait chercher aux quatre coins du monde ce qui n’existerait plus qu’en papier-guide.
En ce temps-là, les femmes souriaient déjà en plein drame, non sans calcul mais encore avec regret, et les hommes de quarante ans escaladaient de nuit les murs des maternités pour embrasser leur fils, avant d’aller seconder une escouade de flics prétendant ramener l’ordre, où une barricade désirant le contraire, sans se douter que l’ordre nouveau qui s'instaurait ainsi, précipiterait la fin des antagonismes, et que ce serait justement cela, la fin.
Nous vivons aujourd 'hui dans le monde libéral et décomplexé de Nicolas Cohn-Bendit et je mets au défi quiconque lisant le journal du samedi 18 mai 1968, d’avoir pu l’envisager.
Commentaires
C'est très bon.
Vous devriez écrire.
;)
Oui d'accord mais il est aidé par son lectorat ...
Oui, c'est vrai, il faudrait écrire quelque chose sur Sarkozy comme créature aussi "décomplexée" que paradoxale de cette même époque et idéologie qui ont fait Dany Le rouge. Ou l'alliance objective du libéralisme et de la révolte d'opérette.
Le chaînon manquant entre Nicolas et Cohn-Bendit étant l'actuel ministre des affaires étrangères...
"Ce monde qui nous a vu naître n'est plus,
Mais nous sommes toujours là et portons témoignage
Qu'il fut un temps où l'honneur comptait"
Attention ! après mon repas bio je vais cracher les noyaux ...
Comme on dit ailleurs : « J'aime ça! »
Philippot : merci.
iPidiblue : allez-y !
T.G : le libéral est un révolté d'opérette, se tatouant sur le corps, courageusement, le(s) sigle(s) des vainqueurs
Damien : en effet.
Jérémy N. : je cherche sans succès l'auteur...
Talmont : tant mieux !
Sur votre dernière phrase, le défi... ?
Relisez les numéros 3 et 4 de l'Int. Sit. (la revue).
Il y avait des choses, déjà.
Sur ce qu'est devenue la Chine, aussi. (Ca, c'était dans le numéro 11).
Cheers,
T.
Ce n'est pas faux tatum, il y avait des craintes, mais une telle collusion future d'intérêts, je ne crois pas qu'elle ait été décrite à l'époque. Mais je vais relire ça de plus près.
(et j'en profite pour enfin vous lier...Ayant décidé de ne lier que 39 blogs, chaque ajout m'oblige à des révisions déchirantes !)
Bonjour,
rien à voir avec cette note au demeurant excellente, mais j'ai vu en extrême avant-première hier soir "Fais-moi plaisir", le nouveau film d'Emmanuel Mouret (sortie prévue le 24 juin), et après cette séance je persiste à vous recommander toute son oeuvre.
Amicalement.
Merci Polyphème, je n'ai pas oublié votre conseil et Mouret est sur ma liste d'attente des "inconnus fortement recommandés par des gens tout à fait recommandables"...
Ajoutons nos applaudissements.
Ajoutons nos applaudissements.
Ajoutons nos applaudissements.
Le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils sont nourris !
Et je me garderais bien de les supprimer !
Ah! la claque ...
Les injures ou les réserves sont également permises... Comme vous le savez, Cinématique ne modère pas ses commentaires !
Je surenchéris sur les applaudissements...
Je surenchéris pour la relecture nécessaire de l'IS...
Je surenchéris pour vous recommander le très drôle "Fais-moi plaisir!" de Mouret...
(en gros, je ne me foule pas!)
Cohn-Bendit comme Sarkozy doit son succès à sa photogénie... ou sa cinématique, comme vous voulez. Les idées politiques de Cohn-Bendit sont celles d'un acteur de télé de gauche. Avouez qu'il faut le faire, pour un "révolutionnaire", d'imputer les guerres meurtrières du XIXe/XXe siècle aux PEUPLES français et allemand ! Et disculper ainsi la bourgeoisie industrielle... "Juif et allemand", comme dit le slogan, c'est exactement le contraire de Marx, les deux religions qu'il rejette le plus fortement.
Jean Galtier-Boissière dans son "Journal" relève que, dès la Libération, les communistes français, Thorez en tête, ont radicalement changé, puisque de pacifistes qu'ils étaient avant guerre, ils sont devenus nationalistes sous la pression électorale (pacifiste = collabo). Et le gaulliste Galtier-Boissière de regretter que les communistes n'ont même pas profité de leur avantage pour débarrasser des "200 familles" la France... un gaulliste !!
Pas facile de dénicher un soixante-huitard communiste (à part Rivette, peut-être) : le modèle de Finkielkraut, Glucksman, etc., ce sont les babas yankis. Glucksman ne le cache même pas, il a fait Mai 68 pour draguer les gonzesses. On n'est pas loin de l'idée de la liberté que se font les gays du Marais aujourd'hui, à savoir le totalitarisme. Celui de de Gaulle-Pompidou paraissait juste un peu ringard.