De retour de Mogador (il est toujours troublant de se promener dans un décor réel et le vent qui soufflait ce jour-là sur Essaouira se mariait très bien avec mes souvenirs wellesiens), ayant terminé l'exceptionnel dernier roman de Nabe (sur lequel, une fois n'est pas coutume, il faudra bien que je revienne sur "Cinématique"), j'ai découvert cette fois en entier ce Rohmer célèbre, La Collectionneuse, dont je ne connaissais que des bribes. Une merveille.
Les liens du vendredi, ce sont alors cette belle critique que je viens de lire à cette occasion, et par ailleurs ces propos, que je partage en tous points, sur ce journal schizophrène (ou bien tout simplement moderne ?) que sont Les Inrockuptibles.
Commentaires
Je n’aurais pas cru que vous ne l’aviez pas encore vu en entier. Une merveille, absolument. C’est donc pour cela que vous n’aviez pas cité Haydée dans votre hommage !
Oui, c'était cela !
Ah La collectionneuse ! Le film le plus comique de Rohmer je crois... Il se trouve que je suis en train de composer un article sur Rohmer et que je ne résiste pas à la vanité de vous copier-coller le paragraphe consacré à celle-ci :
"Les deux compères qui veulent éprouver leur « virilité supérieure » sur la même femme, et qui y échouent lamentablement, c’est encore le sujet de La collectionneuse, le grand film comique de Rohmer. Soit Haydée (Haydée Politoff), une jeune fille en vacances dans une villa de Saint Tropez, sans arrêt prise à partie par deux garçons désagréables, Daniel (Daniel Pommereulle) et Adrien, le narrateur (Patrick Bauchau), qui se prennent pour des parangons de vertu, et avec lesquels elle doit cohabiter. Alors que ces derniers passent leur temps à se demander ce qu’il est « moral » ou « pas moral » de faire, et selon une suffisance si narcissique et si grotesque qu’elle provoque un rire irrésistible, Haydée tente de trouver le garçon parfait et est toujours déçue. « Collectionneuse » donc du point de vue machiste des deux bellâtres (dont les propos arrogants et maniérés constituent le dialogue le plus « à charge » que Rohmer ait jamais écrit), en réalité, femme réellement soucieuse de son bonheur, qui le recherche ardemment, sans jamais se trahir ni d’ailleurs, c’est sa sagesse supérieure, juger trop sévèrement les idiots qui la jugent, tel ce Daniel, dandy surfait qui joue au « barbare » et qui l’a rejetée « parce qu’elle n’était pas une vraie barbare », tel surtout Adrien qui n’a cesse de vouloir la rabaisser parce qu’elle n’a pas voulu de lui. En fait, et comme elle essaye de l’expliquer un moment aux deux clowns qui n’y comprennent rien, si elle ne sait pas ce qu’elle veut, elle sait en revanche ce qu’elle ne veut pas. Et si son indulgence la fait surfer sur la méchanceté séductrice d’Adrien, son instinct l’incite à l’abandonner (car c’est elle qui l’abandonne d'abord dans sa voiture, même si c'est lui qui décide ensuite de repartir tout seul). Remis à sa très solitaire et très déprimante place, n’ayant plus aucune possibilité d’action, et en proie à une crise d’angoisse inattendue, Adrien, à l’instar du Gaspard de Conte d’été (quoique ce dernier angoissait parce qu’il en avait trop, de possibilités !), se voit obligé de fuir son lieu de vacances et de retourner à Londres, auprès de sa copine qu’il n’aura même pas réussi à tromper, la queue entre les jambes."
Amitiés.
Sans les juger, ni rien leur dire, d'ailleurs, et c'est vraiment l'opacité de cette femme si naturelle qui trouble, car ne veut-elle que le plaisir, animal, ou cherche-t-elle son dépassement, son oubli, sa maîtrise ?
Je m'accorde à cette analyse, si ce n'est que la critique du moralisme qui est celle de Rohmer le conduit il me semble à adopter une certaine suspension de jugement vis-à-vis des "deux garçons désagréables".