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L'OEUF DU SERPENT, D'INGMAR BERGMAN

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Considéré comme le film le moins réussi d'Ingmar Bergman, L'Oeuf du serpent, s'il manque incontestablement de cohérence, n'en est pas moins une oeuvre remarquable, et c'est d'ailleurs cette hétérogénéité même qui concourt à son inquiétant attrait.

Suivant dans le Berlin des années 20, juste avant le putsch raté d'Hitler, la déchéance d'Abel Rosenberg après le suicide de son frère, le cinéaste en effet, semble hésiter entre ses préoccupations habituelles, à savoir l'incommunicabilité foncière entre les sexes et sa tentative de sublimation dans la création artistique (les scènes d'intérieur entre Rosenberg et sa belle-sœur avec qui il cohabite ; les séquences de cabaret), et une autre matière, les passages obligés de la  reconstitution historique comme la recherche convenue des causes de l'avènement du nazisme (il s'agit à notre connaissance du seul film de l'auteur situé dans un lieu et un temps précis). Ces deux thématiques s'allient avec difficulté, et c'est justement ce qui crée le malaise du spectateur, car leur seul lien véritable, à savoir le dérèglement psychique du personnage principal, hystérise les conflits du couple (et l'on est alors plus proche du mélodrame que de la tragédie) et dans le même temps, connote excessivement l'environnement architectural ou politique de celui-ci (on est moins dans une adaptation de Kafka par Lang, contrairement à ce qu'on peut lire un peu partout sur ce film, et ce malgré les labyrinthes et les allusions à Mabuse, que dans une série B qu'aurait tourné Losey). Cette outrance est à l'origine même de l'effroi que l'on ressent devant ce film, sorte de version hardcore du Cabaret de Bob Fosse, tout particulièrement lors de l'agression d'un vieux couple de juifs par Rosenberg ivre, le plan du cheval dépecé en pleine rue, ou la séquence éprouvante du bordel, entre les rires de plus en plus stridents des prostituées et l'inquiétude puis la rage d'un client impuissant.

Bergman finit par faire se rejoindre les deux facettes de son film, et donner par là même une explication à l'ambiguïté de leur association, lorsque l'on découvre que Rosenberg et son ex-belle sœur étaient en fait filmés à leur insu par un médecin allemand adepte d'expérimentations diverses sur le comportement humain (qu'il nous dévoile sur quelques terrifiantes bandes en noir et blanc). Ainsi le cinéaste suédois, en pleine dépression à l'époque du tournage, rapproche-t-il explicitement son propre besoin d'enregistrement des crises du couple, voire ses méthodes de travail avec ses acteurs, de l'anti-humanisme d'un médecin nazi affirmant, avant de se suicider sous nos yeux, que l'Homme « est une anomalie de la Création »...

Radical dans son illustration du drame intérieur du cinéaste, L'œuf du serpent est bien le grand film d'épouvante d'Ingmar Bergman.

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