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RUINES CIRCULAIRES (3)

 

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LM : Usant de la satire ou de l'indulgence, tantôt conservateurs et tantôt amoureux d'une certaine forme de modernité, vos écrits ne permettent pas aisément de cerner votre point de vue sur le fameux "monde qui va tel qu'il va" : pourriez vous nous en dire quelques mots ?

 PZ : Vous savez "le monde qui va...", une description très précise en a été faite par Marx dans les premières lignes du Capital, par un auteur comme Tocqueville, ou un romancier comme Stendhal (à propos de ce dernier je me permets de renvoyer à une de mes notes consacrées à cet auteur : http://ruinescirculaires.free.fr/index.php?2008/12/17/488-xxxx) et je ne vois pas trop quoi ajouter, j'ai conscience de mes limites, au constat fait par ces personnalités et d'autres...

Que vous ne puissiez pas aisément cerner mon point de vue m'apparaît plutôt comme un compliment. Au fond ce qui me gêne le plus, c'est le caractère factice de la plupart des débats, quelque soit le sujet on sait d'avance ce qui va être dit, facticité qui résulte de ce que j'appellerai l'entre-soi. Chacun s'adresse à un autre qui n'est au fond que lui-même (les blogs sont d'ailleurs une manifestation de ce phénomène et il est difficile d'y échapper, et rien ne dit que j'y arrive moi-même). Au fond ce qui a été perdu avec la modernité, c'est le sentiment de l'irréductible : ce qui chez l'autre n'est pas réductible à moi, ce qui chez l'autre s'oppose. Je pense à cette belle phrase de Claude Lévi-Strauss tirée des Mythologiques : "La ressemblance n'existe pas en soi : elle n'est qu'un cas particulier de la différence, celui ou la différence tend vers zéro." Tout le discours commun sur la différence n'est qu'un discours sur la ressemblance et le système fonctionne non pas éliminant ses marges mais à la façon d'un maelström en les replaçant en son centre.

Ceci dit prenons garde de tomber dans les affirmations définitives. En octobre 1916, alors qu'il se trouvait en Afrique, Céline écrit à son amie Simone Saintu à propos du "monde tel qu'il va, tel qu'il est allé, tel qu'il ira": "Toute opinion sur d'aussi énormes transformations devient forcément emphatique et solennelle, et je hais le solennel – il convient mal à des organismes dont la durée moyenne est de 43 ans." Même si nous avons gagné une quarantaine d'années supplémentaires, je crois pouvoir dire, en guise de conclusion que, à l'instar de Céline, je n'aime guère le solennel.

 (A suivre)

Lien permanent 7 commentaires

Commentaires

  • "Chronique d'un été" Jean Rouch et Edgar Morin.
    Film sidérant.
    Même dramaturgie, ressorts, discours, impuissances, impasses, désenchantements qu'aujourd'hui.
    Terreau du désengagement et de la complicité idéologique.
    Tout change pour que rien ne change. Soixante ans plus tard mêmes paysages immobiles.
    Effectivement, gardons nous des "affirmations définitives"

  • Oui pour ce film, Claude.

  • intéressant mais un peu bref !

  • Restez à l'écoute Peio, tout n'est pas fini...

  • J'ai une vision très légèrement différente sur ce sens de l'irréductible que vous analysez. Il me semble qu'aujourd'hui, le mal vient que chacun donne une opinion et qu'on néglige la compétence. On débat sur des avis.

    Sinon, il me semble que plus on étudie et se spécialise, plus on s'enferre dans l'irréductible. Il n'est qu'à voir les universitaires qui à force de réflexions sont tous en désaccord, même sur des sujets extrêmement pointus.
    Bref, on devient irréductible à mesure qu'on progresse vers la limite d'une connaissance. Et ça ne me paraît pas une bonne chose. Que la réflexion isole.

    J'espère avoir été clair et désolé de m'immiscer dans votre discussion.

  • Au contraire, pradoc, vous êtes toujours le bienvenu, peut-être Pascal vous répondra-t-il, mais je crois pour ma part que la spécialisation, qui n'est peut-être qu'une manière de se séparer sur des détails, est aujourd'hui universellement répandue : tous touristes, tous spécialistes, tous singuliers : donc tous ensemble, on est revenu au même.

  • C'est curieux, mais je crois qu'on peut aussi être en désaccord avec des idées qu'on a formé. Que discuter c'est espérer la surprise d'une altérité qu'on avait pas espéré, ni parfois souhaité. Et pourquoi pas une contradiction juste ? Ou l'inconnu ?

    Sinon, voici la réponse de Pascal (::) http://www.youtube.com/watch?v=hQyxh7BWXYo

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