Quand Belmondo porte le cadavre d’une femme follement aimée entre les bras (Cartouche de Philippe de Broca, 1962), cela ne lui brise pas les ailes mais au contraire contribue à sa gloire. Le bandit, à cause de ce décès, décuple sa capacité à combattre ses ennemis, anoblissant son comportement et légitimant ses actes. Quand Delon fait de même (Les Félins de René Clément, 1964), cela s’ajoute à tout ce qui est venu jusque-là mettre en échec sa puissance, différer son succès, couronnant en somme les écueils que la fatalité n’a cessé de lui infliger.
Preuve parmi d’autres que ce dernier est un héros tragique, qui malgré les dons reçus, se voit sans cesse confronté aux déceptions irrémédiables et à la mort des siens. Même sorti indemne de tous les traquenards et ayant démasqué les coupables, vainqueur à la fin de Mort d’un pourri (Lautner, 1977), sa tristesse n'en est pas moins infinie car il a perdu toute illusion. Le premier en revanche, est bien ce surhomme moderne, toujours sûr de son bon droit, suivant sans fléchir son parcours ascendant. Même s’il avance vers sa propre mort annoncée à la fin du Professionnel (Lautner, 1981), il demeure satisfait du devoir accompli et sourire flegmatique aux lèvres, sait qu’elle ne fait que justifier sa victoire morale.