Les formes générées par la technique cinématographique ne produisent un si puissant effet de reconnaissance (dû à l’enregistrement) que pour mieux en nier les conséquences (via sa grammaire, pourtant sommaire).
Que ce soit par le moyen du plan séquence, qui pousse jusqu’à la facticité du simulacre la continuité du monde apparent, ou par le moyen du montage, qui fait éclater et disperse aux quatre coins ladite continuité – c’est toute la croyance qu’on peut placer dans la réalité qui, au cinéma, n’est justement plus qu’une croyance, foi du charbonnier sujette à poussière.
Sans que jamais un vent illusionniste soulève et remodèle cette poussière dans le sens d’une réalité seconde et autrement plus réelle, comme l’Ezéchiel de la Bible l’affirme ou comme le formulent les mathématiques quand elles soutiennent le sensible par le quantique. L’imaginaire, les fantasmes, le rêve, les fantômes, la fiction, les arrière-pays, l’au-delà, les chimères, soudain sans appui concret, faute de fondements matériels, ne sont même plus raclures qu’on balaie.
Pour autant, un film, si par exception il serre cœur et tempes, aussi nihiliste en son principe que tout film puisse être, et c’est peu dire qu’il l’est, n’est au service d’aucun rien, ce qui serait à nouveau reconstruire, être l’agent de quelque chose, se remettre au boulot, toujours sale boulot. Un film, plus justement une suite de cadres mobiles est une singularité, à savoir une forme détachée de tout.
(Jacques Sicard)