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rio bravo

  • RUINES CIRCULAIRES (1)

    Cet entretien avec Pascal Zamor n'a malheureusement pu paraître dans la revue Eléments à laquelle il était initialement destiné. Le voici sur Cinématique, au décours de la présentation de son blog, "Ruines circulaires", qui elle en revanche est parue dans le dernier numéro.

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    Parmi les nombreux effets pervers d’Internet, on trouve en bonne place la réaction démesurée que suscite la médiocrité d’un grand nombre de blogs, pages personnelles qui ne cessent de gribouiller quelques ratures, de dérouler les coups de cœur non étayés et les coups de gueule consensuels, de lister soigneusement les produits de marque qu’ils sous-traitent «avec impertinence». Médiocrité satisfaite que certains ont décidé de contrer par d’interminables pensums, logorrhées indigestes qui dévoient le principe même du blog, journal éphémère supposant qu’on le veuille ou non, immédiateté et souci de relations, savant équilibre entre évanescence et réseau. A distance de ces textes fermés sur eux-mêmes, souvent ampoulés, rarement novateurs, aussi égotistes finalement que les régulières mises à jour des adulescents dysorthographiques qui forment le gros des troupes, certains blogueurs se démarquent par la notule subtile, la remarque éclairante, l’intuition saisissante et le rapprochement inédit. C’est le cas du blog « Ruines circulaires » de Pascal Zamor qui a su depuis quelques années retenir notre attention.

    Ecrit par un amateur éclairé de cinéma et de littérature, qui sans avoir l’air d’y toucher, sans jamais jouer au maître d’école ou au néophyte qu’il n’est pas, débusque sans ironie inopportune le ridicule du monde qui l’entoure et pointe sans malveillance mais sans hésitation, les travers de ceux qui le font tourner, ce journal n’est intime que par la bande et ne se contente jamais de proposer une simple compilation de critiques diverses. Alternant citations et extraits de films, évocations et souvenirs, de l’enfance en Guadeloupe aux déambulations parisiennes, de Hugo à Bresson, d’une série US au dernier Houellebecq, de Modiano au jazz et de Tina Aumont à Stéphane Audran, ces notules sont l’œuvre d’un « papiste athée », d’un « mélancolique hilare », sorte de mécontemporain pour reprendre le beau néologisme de Finkielkraut, qui de riches découvertes en mauvaises surprises, ne cesse de trouver du grain à moudre malgré ses dires. « L’immense avantage du monde qui va tel qu’il va, assure-t-il, c’est qu’il ne nous étonne plus. Sa prévisibilité est finalement assez reposante ». Cela n’empêche pas l’auteur de contredire à tout instant cette supposée platitude, qui n’est qu’un leurre de plus, dénichant sous son intitulé borgésien quantité de chemins de traverse et de passerelles érudites, dont on aura une idée en parcourant son « anthologie portative du fantastique en littérature », ou bien cette note brillante qui passe de Robert Altman à la série Lost, après un détour par Benjamin Constant et Tocqueville, qui aborde ainsi la question de la narration, de ses déchirures à sa maîtrise, dressant en quelques lignes un portrait évolutif de la machinerie hollywoodienne. Cet éclectisme raisonné apparaît on ne peut mieux dans l’une de ses toutes premières notes, il y a plus de cinq ans de cela, où il nous révélait le désir de passer ses derniers instants « en compagnie de Saint-Simon, de Borges et de Joyce, (de) revoir une fois de plus Rio Bravo, quelques films de Mizoguchi, et (d’) écouter La Jeune fille et la mort de Schubert ».

    (A suivre)

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