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utilitarisme

  • CORRESPONDANCES (9)

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        L’un des problèmes avec l'actuelle représentation du sexe à l'écran, c'est la lourdeur symbolique qui l'accompagne presque toujours. Elle permet non seulement de juger les intentions des protagonistes et leur position (si l'on ose dire) dans l'échelle des valeurs du film, mais surtout de les caractériser sans échappatoire possible, autrement dit de les classer. On aura compris qu’on est là bien loin d'une quelconque perspective érotique, en bonne concordance d’ailleurs avec la conception utilitariste du sexe qui aujourd'hui prévaut, et des tentations matriarcales qui en découlent.

         Exemple parmi tant d’autres, dans Les Liens du sang (Jacques Maillot, 2008), honnête film policier qui retrace quelques faits de la vie de deux frères, l'un truand instable, l'autre policier intègre. Les trois scènes de sexe qu’il comporte sont emblématiques :

    On y trouve d’abord la Levrette. Cette position demeure la plus représentée dans le cinéma pornographique, mais elle est également devenue depuis la fin des années 80, un passage obligé des coïts du cinéma traditionnel, notamment lorsqu'il s'agit de dépeindre un homme hâbleur, misogyne ou méprisant (A vendre ; Podium ; Le Bonheur est dans le pré etc…). Très logiquement, elle réunit ici le bandit avec son ex-femme, qu’il a par le passé mise sur le trottoir, et qu’il retrouve lors de la création d’un nouveau réseau de prostituées, dont elle pourrait cette fois devenir l’une des proxénètes. Elle le hait pour tout ce qu’il lui a fait, mais accepte cette nouvelle dépendance. On ne peut mieux suggérer que c'est par la maîtrise des codes et sa suprématie financière que l'homme garde le pouvoir. Leur brève union, forcément animale et humiliante, ne saurait être que celle-ci.

    Ensuite, vient le Missionnaire. Cette position est la plus couramment utilisée dans les scènes naturalistes d’un certain cinéma français (de Bertrand Blier à Bruno Dumont), où il s’agit de montrer le caractère machinal et monotone de la libido masculine, laquelle fait disparaître au sens propre comme au figuré le corps de la femme, sans empêcher toutefois le visage figé de celle-ci, en gros plan durant l’assaut, d’adresser un reproche muet au spectateur. L'homme est là clairement décrit comme n'étant mû que par son désir, désir sans grande complexité à l'inverse de la mystérieuse attente féminine. Elle réunit ici le bandit avec une jeune serveuse qu’il semble aimer sincèrement, puisqu’il ne lui propose jamais de "travailler" pour lui. Il se mariera même avec elle un peu plus tard, mais lui cachera toujours son passé et ses activités illégales. Sa sincérité ne va malheureusement pas jusqu'à la transparence, et c’est bien là le drame : un homme ne se refait pas. Ce n'est donc qu'ainsi qu'il devra aimer sa partenaire.

    Le Lotus, enfin. Cette position a fait les beaux jours des films érotiques des années 70, mais également des couvertures des manuels d'entente amoureuse et autres B.A BA d'harmonie sexuelle. Elle est encore employée aujourd'hui, mais beaucoup plus rarement, car la suprématie féminine en vogue, se voit plus clairement décrite par l'Andromaque, passage obligé de pratiquement tous les films hollywoodiens qui comportent un personnage féminin déterminé. Dans le Lotus en revanche, si la femme garde en principe l'avantage, les deux corps se font face dans une certaine identité physique, dans la symétrie et bientôt l'indifférenciation. Logiquement, elle réunit ici le couple modèle, celui que le film recommande et salue, celui du policier noblement épris, car jamais insistant, et de la femme sage et résolue, qui l'a autorisé à l'aimer.

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  • CORRESPONDANCES (3)

        Dans l'émouvant western L’Homme des vallées perdues (George Stevens, 1953), Joey, 10 ans, observe des bagarres et des duels, qui lui permettent à chaque fois de vérifier que le Bien finit toujours par l'emporter. Derrière la porte du saloon, inquiet puis rassuré, et de bout en bout tremblant d'excitation, il est le témoin du combat inlassablement victorieux du cow-boy solitaire Shane (Alan Ladd) contre des lâches, des brutes ou des assassins. 

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        Dans le beau mélodrame policier Witness (Peter Weir, 1985), Samuel, 8 ans, assiste derrière la porte de toilettes publiques, à un meurtre en direct. Il découvre ainsi la puissance du Mal, et son innocence est d’autant plus bafouée qu’il appartient à une société d’Amish lui ayant toujours épargné la violence. Dans ce film qui répond également au précédent par ces scènes où un gamin découvre un revolver avec un effroi mêlé de fascination, la justice est encore rendue, et les méchants châtiés, mais l’enfant cette fois, n'est plus un simple spectateur : son rôle est désormais crucial, au début en étant le seul à pouvoir identifier le tueur, à la fin en sonnant la cloche pour prévenir les habitants du village. Il apporte ainsi une aide précieuse au capitaine John Book (Harrison Ford) dans sa lutte contre la corruption qui gangrène la hiérarchie policière.

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        Dans le thriller fantastique Le Sixième sens (Night Shyamalan, 2000), Cole, 9 ans, n'est plus témoin que de drames et de souffrances multiples, puisqu’il a la capacité de voir les morts demandant réparation. La seule façon de faire encore triompher le Bien, est de passer par lui. Il est le seul, par la grâce de son regard surnaturel, à pouvoir rétablir la justice. Les figures paternelles, qu'ici le Dr Malcolm Crowe (Bruce Willis) continue de représenter, ne sont plus capables de grand-chose, et pour cause : passant de l'état de champion à celui de spectre, le Père n’est plus seulement secondé par le Fils, mais clairement supplanté par celui-ci.

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        Avec cet utilitarisme de plus en plus systématiquement appliqué au regard salvateur de l’enfant, se confirme l’incapacité de peindre aujourd’hui, sans caricature ni mièvrerie, un héros adulte qui soit à la fois victorieux et innocent, dont l'action soit clairvoyante et les intentions pures. Seul l’enfant a désormais le droit d'être un sage, sinon un saint, comme pour mieux démontrer ce que la société infantilisante partout claironne, à savoir que l'immaturité est devenue une vertu cardinale. 

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