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PRISONNIER (1)

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 Le Prisonnier est une série télévisée anglaise tournée à la fin des années 60, devant beaucoup à l'acteur Patrick Mc Goohan, décédé en ce début d'année, qui en a assuré l'interprétation mais surtout l'a en grande partie inventée, produite, scénarisée et parfois même filmée. Aujourd'hui encore personne ne s'est accordé sur le sens final à donner à cette oeuvre qui décrit en apparence la lutte d'un agent secret démissionnaire pour s'échapper d'un village-prison où il a été conduit après avoir été drogué. Désigné comme le « numéro 6 », il aura toujours affaire au numéro 2 (celui-ci changeant à chaque épisode) qui cherche à lui soutirer des renseignements. Est-il aux mains des services secrets britanniques qui tentent d'en savoir plus sur les motifs de sa démission ou est-il entre les mains d'agents de l'Est ? Pour le savoir, il faudrait connaître l'identité du n° 1. L'évasion est impossible et l'invariable générique de fin montre le visage buté de Mac Goohan derrière des barreaux violemment refermés. Il ne faut pas longtemps pour réaliser que derrière ce banal synopsis de récit d'espionnage se cache une satire de notre monde, aussi bien celui dit libre que celui de la société soviétique puisque comme le dit l'un des  N°2, le Village est « un modèle parfait d'ordre du monde ; quand les deux camps qui se font face réaliseront qu'ils se regardent dans un miroir, ils verront alors que c'était un projet d'avenir ». Et c'est ainsi que de manière prophétique, Mc Goohan décrit au mot près le nouvel ordre mondial qui prendra toute sa mesure les décennies suivantes. 

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Au Village, on ne compte plus les occasions de s'amuser. La joie se décrète, si bien qu'il faut toujours se préparer pour le prochain bal, le futur Festival, le Carnaval tout proche, le Concours d'art imminent, la partie d'échecs à pions humains ou les élections qui sont tout autant l'occasion de grands raouts. Au Village, la fête est toujours à son comble et le loisir un art de vivre qui justifie les habits chatoyants, les canotiers et les parapluies colorés que l'on étrenne en permanence. Il s'agit (comme des sbires en intiment l'ordre en plein bal) de ne pas s'arrêter de danser, et de comprendre le sens des panneaux d'information qui engagent à marcher sur l'herbe des squares ; comme il est également recommandé de se baigner dans les fontaines. C'est qu 'il faut avoir un corps sain, libéré de toute entrave, préalable à l'esprit clair, c'est-à-dire débarrassé des zones d'ombres, de tout ce que l'on cache encore malgré les caméras et les micros dissimulés absolument partout. Le Village est attentif, c'est une société où chacun vis-à-vis d'autrui est toujours aux écoutes, et ceux qui se taisent sont accusés ensemble, presque d'un même cri, de « rebelle » et de « réactionnaire », l'injure interchangeable des sociétés de progrès et de transparence. Vertigineuse mise en abyme pour qui découvre aujourd'hui ce propos, en pleine globalisation, en plein règne de Festivus Festivus ! D'ailleurs à la fin de la série, une fois Londres regagnée au terme du dix-septième épisode, la porte de l'appartement s'ouvrira toute seule comme celles du Village, dont il semble bien que l'on ne sorte jamais.

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A suivre...

(article paru dans le numéro 131 de la revue Eléments)

Lien permanent 13 commentaires

Commentaires

  • Votre article me donne envie de revoir "Zerkalo"de Tarkoski...

  • Pas grand-chose à voir, mais je serais bien content de vous lire au sujet de ce que vous écriviez un jour (et qui a entre-temps disparu) sur le blog d'un malotrus, vous disiez en gros qu'on trouvait davantage d'auto-célébration que de bêtise sur la Toile, et cette idée m'a marqué.

  • Bonne idée laurence !

    Oui, Griffe, je ne crois pas du tout à la fable commode des internautes acculturés et stupides, je crois au contraire que la Toile est dans ses parties très intelligente, mais pas au point d'avoir assez de recul. L'auto-célébration, même très bien écrite, même très judicieusement justifiée, c'est encore le stade adolescent de la pensée.

  • Est ce le miroir qui vous fait penser à l'autocélébration? Que célèbre Narcisse? si ce n'est l'amour impossible ...

  • L'amour n'est que trop possible, ne croyez-vous pas, son illusoire réciprocité en est l'aiguillon toujours renouvelé.

  • Oui, "Le prisonnier" est vraiment une série visionnaire. J'aime particulièrement les deux derniers épisodes... quoique d'une certaine façon, la véritable coda, c'est le film de Don Siegel "L'évadé d'Alcatraz" (avec Eastwood dans le rôle titre), où McGoohan, un peu vieilli et barbu, joue... le directeur de la prison, ce qui ne manque pas de piment.

  • Oui mais il faut avoir vu d'abord "Destination danger" pour comprendre : en fait Patrick McGoohan est un espion qui a voulu prendre sa retraite dans un milieu où la démission est interdite ! Kégébiste un jour kégébiste toujours comme dit le proverbe ...

  • En effet Damien ! (au fait, quand revenez-vous aux affaires ?)

    Vous avez raison, iPidiblue, "Le Prisonnier" semble suivre les aventures du héros de "Danger man", qui aurait décidé un jour de raccrocher, mais la suite se démarque notablement de cette filiation (au grand dam d'ailleurs des fans de cette première série).

  • Il me semble que les grands romanciers russes prônent justement le contraire...Raskolnikov par exemple...et puis ce film dont je ne me souviens pas le nom...aidez moi...

  • C'est une série exceptionnelle qui impliquait énormément le spectateur. Un des plaisirs était de spéculer sur le numéro 6. John Drake ou un autre, et même la possibilité qu'il soit le numéro 1 et que son rôle soit de tester les numéros 2. Drôle d'époque que l'on cherche à déchiffrer à l'aide des plus paranoïaques des oeuvres, celles de Dick, d'orwell et de McGoohan.

  • C'est vrai Vincent et cela me fait penser à cette ancienne note : http://cinematique.blogspirit.com/archive/2009/01/20/paranoia.html

    C'est vrai aussi, laurence, mais des films sur l'amour impossible, il n'y a pas de liste à faire, ils en parlent tous !

  • Bon ! finalement Le Village c'était l'utopie écologiste avant l'heure, amours, petites fleurs et énergies vertes, même les grosses boules qui rattrapaient les fuyards, ces espèces de chamallow rappelaient l'île aux enfants ...

  • Mais Casimir est le dernier croque-mitaine en date... (et le chamallow un peu collant quand même sur le visage horrifié de sa victime)

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