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PRISONNIER (2)

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On ne sort pas du Village pour une raison bien simple : celui-ci est avant tout dans notre tête.
Le dernier épisode (qui provoqua de la part des spectateurs un tollé spectaculaire et força Mc Goohan à l'exil) nous montre enfin le visage du N° 1 : celui du  Prisonnier lui-même.  Pas d'apparatchik communiste borgne et sadique, pas de patron de la CIA paranoïaque en roue libre, juste le visage hagard puis grimaçant de celui dont on avait vaillamment accompagné la lutte individuelle contre une société totalitaire.
Ce village peut ainsi être compris comme une construction psychique, un paysage mental de l'agent prisonnier de ses ruminations, lui qui s'auto-interroge sans cesse sur ses motivations et sa dépendance vis-à-vis de toute une série d'attitudes psychologiques et de réflexes plus ou moins archaïques, que les divers personnages incarnent tour à tour. Le Village est ainsi un univers peuplé de tentations symboliques et de cycles de résolutions qui voit s'entrecroiser des idéal-types et diverses instances du Moi, diverses tendances psychologique aussi, de la paranoïa à la schizoïdie, de l'obsession à la dépression ou au narcissisme (flatté par des personnages féminins séduisants par leur faiblesse mais trahissant toujours).
Le Numéro 6, le Moi se désirant autonome, reste conscient des divers masques qu'il prend, ces Moi(s) sociaux successifs, ces « personnalités », qu'il teste, entretient ou remplace. Il tient à dresser l'historique de ses liens, ceux qui l'attachent comme ceux qui l'enchaînent. C'est là que le N°6 souffre mais c'est aussi là qu'il se ressaisit, c'est là qu'il veille, quand le reste, l'amour et le libre-arbitre des actes ne sont qu'inconscience et mirages. C'est là, dans ses pensées ressassées et ses jeux de rôles exténuants qu'il se crée et s'affronte. Et ce depuis toujours.
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A suivre...

Lien permanent 5 commentaires

Commentaires

  • La traduction française exacte du célèbre ouvrage de Hegel définissant l'esthétique nationale-socialiste est non pas "Phénoménologie de l'Esprit" mais "de l'Hôte" ("des Geistes") : cet hôte (à double sens) est en rapport direct avec votre propos ; ça m'évoque aussi ce père de l'Eglise qui écrit que le domaine de Satan c'est la maison ("Domus").

    Doublement en rapport car la cinématique donne l'impression à sa victime d'être habitée (comme les rêves). Depuis l'Antiquité les sages décrivent le diable comme un artéfact en utilisant la métaphore du miroir. La cinématique c'est l'artéfact pur.

    Par ailleurs on recopierait dans les gazettes d'art capitaliste à la mode aujourd'hui, mettons "Art Press" pour prendre un exemple caricatural de gnose germanique, on y recopierait des articles rédigés par les esthéticiens du NSDAP dans les années trente, le bobo qui lit ce genre d'étronimes conneries se dirait juste que la syntaxe de Catherine Millet est en net progrès.

  • Lapinos confond le mot Gast (hôte) et le mot Geist (esprit). Son interprétation est douteuse.

    A part ça, j'ignorais la fin de cette série du Prisonnier. Je comprends que les spectateurs de l'époque aient été en colère. C'est beaucoup plus subversif que 1984 ou que Brazil.

  • Alors une simple lettre inversée et nous voilà avec Catherine Millet sur les bras !...

    Oui, Sébastien, une fin irrecevable, inacceptable, et la carrière de Mc Goohan en a été brisée.

  • - Sébastien a raison de me reprendre, même si je suis presque sûr que Gast et Geist ont une origine commune à cause du double sens d'"hôte" (celui qui est reçu et celui qui reçoit) et d'"esprit" (intérieur et extérieur) ; je dois dire en outre que je ne suis pas sûr non plus que le spécialiste du diable qui a écrit "Le diable habite la maison." soit un père de l'Eglise ; une telle perspicacité pourrait bien être le fait de Shakespeare.

    - Quoi qu'il en soit cela ne change rien sur le fond à mon propos, à savoir :
    1. que l'âme-esprit est dans la culture germanique (Hegel) ou asiatique un principe intérieur, un esprit qui donc est à la fois "prochain" et "à distance" puisqu'il hante, insaisissable, le corps. Pour résumer la pensée d'un sous-fifre nazi de Hegel : Heidegger, l'existentialisme consiste pour ses adeptes à tenter d'embrasser, de se saisir de ce spectre intérieur fugace. Bref c'est un peu le "jazz" du zélote aryen ou la chasse au papillon. Un communiste n'a pas de mal à enfermer cette religion dans le mythe de Narcisse, qui comporte les trois éléments du système : le miroir, présent dans tout culte satanique qui se respecte et sans lequel les judéo-chrétiens n'auraient jamais pu faire de l'homme un dieu ; la proximité ; et enfin l'écart, que Narcisse cherche précisément à "combler". Comme fait remarquer Marx, l'âme allemande est en outre un foyer qui s'éclaire à l'électricité.

    2. que la justification de l'art mathématique dit "abstrait" (Kandinski, Soulages, Veilhan), comme du cinéma, passe par un discours esthétique "néo-nazi" : la position de Maubreuil qui rattache le cinéma aux "éléments" est donc la seule juste et franche, qui abuse donc moins ses lecteurs que les propos laudateurs de soi-disant chrétiens, qui ne le sont en aucun cas, à moins de prétendre que le christianisme est la foi du charbonnier ou un principe soluble dans n'importe quel paganisme.
    Hitler a fait détruire des oeuvres d'art existentialistes, voilà l'argument généralement utilisé par les fonctionnaires capitalistes pour blanchir l'existentialisme ; à quoi on peut répondre que les officiers nazis étaient parmi les premiers admirateurs des "innovations" de Picasso ou que Hitler n'est pas à une incohérence près. D'ailleurs Hegel lui-même, probablement la cervelle nazie la mieux réglée, le navire amiral de la flotte, n'est pas exempt d'incohérences : l'art de la Renaissance, qui est ce qu'on fait de moins sexuel et de moins religieux avec l'art grec, qui contredit donc presque parfaitement les termes du culte allemand (y compris les Vénitiens), attire cependant le cinématique Hegel.

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