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le prisonnier

  • SYSTEMES CLOS

     

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    Rester de marbre en dépit du désastre, s'affoler jusqu'à ne plus reconnaître les siens. La modernité ne nous laisse plus le choix qu'entre ces deux attitudes infécondes, qu'elle promeut alternativement.

    Ne plus être maître de son destin sous prétexte de recul, de distance, de lâcher-prise, mots de passe et d'ordre qui visent à formater sans remous, à contrôler sans risque, qui donnent aux prisonniers des allures de pseudo-Sages, certains de juger à bon escient quand ils ne font que consommer et se taire. Ou bien à l'inverse, s'insurger, se révolter, monter sans cesse de nouvelles barricades, dévaster pour le charme d'un slogan, haïr selon quelques prétextes, devenir cette marionnette citoyenne qu'on indigne à volonté et qui finit par détruire sans même y prendre garde, ce qui pouvait la libérer. 

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  • PRISONNIER (2)

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    On ne sort pas du Village pour une raison bien simple : celui-ci est avant tout dans notre tête.
    Le dernier épisode (qui provoqua de la part des spectateurs un tollé spectaculaire et força Mc Goohan à l'exil) nous montre enfin le visage du N° 1 : celui du  Prisonnier lui-même.  Pas d'apparatchik communiste borgne et sadique, pas de patron de la CIA paranoïaque en roue libre, juste le visage hagard puis grimaçant de celui dont on avait vaillamment accompagné la lutte individuelle contre une société totalitaire.
    Ce village peut ainsi être compris comme une construction psychique, un paysage mental de l'agent prisonnier de ses ruminations, lui qui s'auto-interroge sans cesse sur ses motivations et sa dépendance vis-à-vis de toute une série d'attitudes psychologiques et de réflexes plus ou moins archaïques, que les divers personnages incarnent tour à tour. Le Village est ainsi un univers peuplé de tentations symboliques et de cycles de résolutions qui voit s'entrecroiser des idéal-types et diverses instances du Moi, diverses tendances psychologique aussi, de la paranoïa à la schizoïdie, de l'obsession à la dépression ou au narcissisme (flatté par des personnages féminins séduisants par leur faiblesse mais trahissant toujours).
    Le Numéro 6, le Moi se désirant autonome, reste conscient des divers masques qu'il prend, ces Moi(s) sociaux successifs, ces « personnalités », qu'il teste, entretient ou remplace. Il tient à dresser l'historique de ses liens, ceux qui l'attachent comme ceux qui l'enchaînent. C'est là que le N°6 souffre mais c'est aussi là qu'il se ressaisit, c'est là qu'il veille, quand le reste, l'amour et le libre-arbitre des actes ne sont qu'inconscience et mirages. C'est là, dans ses pensées ressassées et ses jeux de rôles exténuants qu'il se crée et s'affronte. Et ce depuis toujours.
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    A suivre...

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  • OUI-NON

    Sous le relativisme généralisée, le dualisme le plus totalitaire continue d'entretenir ses lignes de démarcation.

    Ce n'est pas parce qu'une même lumière tendre et jamais crue, éclaire à l'identique les perles et les cochons, l'or et le laiton, Perec et Benchetrit, Eustache et Honoré, Mozart et Mozart, que les ténèbres n'existent plus. Celles-ci, également, recouvrent de la même indignité le lâche et le héros, le créateur et le suiveur, le roi et le traître.

    Jamais en somme les exaltés binaires, tout en dévotion ou en imprécations, n'ont été aussi bien en cour, applaudissant à tout rompre, huant à pleins poumons, sans souci hiérarchique ni nuance.

    Le oui est franc et massif (peu importe que l'acquiescement tout azimuth en nie la capacité d'offrande), le non tout aussi clairement exprimé (tant pis si les refus incessants, complaisants, sans mesure, entrave toute capacité réelle de résistance), le passage de l'un à l'autre fortuit, mouvant, aléatoire.

    "Que votre oui soit un vrai oui, que votre non soit un vrai non", dit la commune parole évangélique, et la modernité s'est empressée d'y développer son manichéisme systématique, constuit sur le sable des prinicipes dévalués et des opinions reines.

    "C'est le non qui brûle en enfer" affirme au contraire l'intempestive parole de Maître Eckhart, et la neutralité apparente est alors la meilleure façon de s'opposer au monde de ceux qui ont des avis sur tout, refusant avec mépris la moindre complémentarité aux contraires, des flèches et des coeurs plein les poches.

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  • FALL OUT

    Nous pouvons toujours tenter de combattre le silence de ceux qui, au coeur de la société des sommations, font la folie de se taire, avant de réaliser que le tumulte ne dit rien.

    Comme nous pouvons longtemps lutter contre la parole de l'oppresseur, avant de comprendre qu'il ne s'agit que de la notre.


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  • PARCOURS

    27920.jpgLe parcours commence par la délectation : pister les indices, regrouper les preuves, rassembler les signes ; le sens importe peu. Il y a dans les intrigues, puis dans l'architecture des films, de quoi s'émerveiller de jeux de pistes, d'interférences et de reflets. Dans les méandres de ce qui se dissimule sur l'écran peut naître une jouissance toujours brève mais inlassablement reprogrammée. L'écran est un cache qu'il faut savoir déplacer.

    ph050297.jpgEnsuite seulement l'amour vient s'en mêler. Amour des formes qui nous ont fascinés, amour des êtres qui nous y ont amenés. Les histoires amoureuses favorisées, brisées, relancées par les films qui les ont accompagnées se mêlent aux récits et aux choix esthétiques de ces oeuvres pour ne plus faire qu'un. Il y a ainsi les années Godard où l'on aime avec paradoxes, les années Carax où l'on aime jusqu'au bout, les années Guédiguian où l'on aime sans illusion etc... Derrière l'écran, les sentiments bousculés s'enchevêtrent. Le cinéma est un art d'aimer et la cinéphilie une répétition générale.

    tenebrae2.jpgMais à force de redites et d'impasses, les rencontres ne ravissent plus. Il nous faut pénétrer, littéralement, dans le psychisme des êtres qui nous aiment et que l'on assure aimer, connaître leurs raisons, s'appesantir sur leurs motifs, et plus aucun film n'est innocent. Derrière les formes envoûtantes se tapissaient en fait de tristes manigances. Le cinéphile est en échec permanent, car la peur est entrée dans sa chambre et l'enfance est bien loin. L'écran ne laisse plus passer que son regard inquiet, à jamais dessillé.

    le_prisonnier_8.jpgAlors tout s'enchaîne. On couche toujours avec les mêmes morts et l'accumulation ne guérit plus. Les théories s'affrontent et s'excluent. Les niveaux de réalité se brouillent tandis que les rêves finissent tous en fondu au noir. Les films comme autant de stigmates, les ruptures et les trahisons comme autant de plaies à chérir avec complaisance. Tenus à la gorge, recouverts d'images, le passé, pour nous, ne passera jamais plus. L'écran semble nous avoir englués pour toujours et les films sont nos volets de fer.

    trou2.gifLa brèche est là, définitivement. Si le coeur se brise ou se bronze, parfois simplement il s'absente. Tout est relatif et plus rien ne s'ordonne, sauf quelques instants, quelques plans, précieusement collectés. Une vision inattentive mais panoptique, la seule qui vaille encore, nous permet de recueillir quelques lambeaux de poésie. Un corps, un film, tout peut arriver si l'on ne s'approche pas de trop près, ni trop longtemps, si l'on sait contourner les refrains morbides.

    trou.gifEt puis un jour tout s'éteint et tout flambe, dans un grand rire ni cynique ni gai, juste libre. Le cinéma percé de part en part ne repassera plus les plats. Le cinéphile a tout oublié, même ce qu'il avait détruit, même ce qu'il avait adoré. Il n'y a plus aucun écran entre lui et le monde. Il était temps.





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    1) La ronde de nuit, Peter Greenaway
    2) Une journée particulière, Etorre Scola
    3) Ténèbres, Dario Argento
    4) Le Prisonnier, série TV de Patrick Mac Goohan
    5) et 6) Little Odessa, James Gray

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