Sous le relativisme généralisée, le dualisme le plus totalitaire continue d'entretenir ses lignes de démarcation.
Ce n'est pas parce qu'une même lumière tendre et jamais crue, éclaire à l'identique les perles et les cochons, l'or et le laiton, Perec et Benchetrit, Eustache et Honoré, Mozart et Mozart, que les ténèbres n'existent plus. Celles-ci, également, recouvrent de la même indignité le lâche et le héros, le créateur et le suiveur, le roi et le traître.
Jamais en somme les exaltés binaires, tout en dévotion ou en imprécations, n'ont été aussi bien en cour, applaudissant à tout rompre, huant à pleins poumons, sans souci hiérarchique ni nuance.
Le oui est franc et massif (peu importe que l'acquiescement tout azimuth en nie la capacité d'offrande), le non tout aussi clairement exprimé (tant pis si les refus incessants, complaisants, sans mesure, entrave toute capacité réelle de résistance), le passage de l'un à l'autre fortuit, mouvant, aléatoire.
"Que votre oui soit un vrai oui, que votre non soit un vrai non", dit la commune parole évangélique, et la modernité s'est empressée d'y développer son manichéisme systématique, constuit sur le sable des prinicipes dévalués et des opinions reines.
"C'est le non qui brûle en enfer" affirme au contraire l'intempestive parole de Maître Eckhart, et la neutralité apparente est alors la meilleure façon de s'opposer au monde de ceux qui ont des avis sur tout, refusant avec mépris la moindre complémentarité aux contraires, des flèches et des coeurs plein les poches.
Commentaires
Bravo pour cette note, très élégante et très "héraclitéenne", dont je comprends très bien l'origine.
Comme vous proposez assez judicieusement un photogramme du "Prisonnier" pour illustrer ce texte (et que ce n'est pas la première fois), j'aimerais bien vous lire au sujet de cette série.
Sophie : Héraclite...Y a-t-il plus inactuel au temps des coups de gueule et des coups de langue ?
Tartane : j'ai écrit un petit texte sur le Numéro 6 dans un Eléments qui remonte bientôt à 6 mois. Je le mettrai sur Cinématique prochainement.
Le retour du manichéisme a été analysé comme l'une des grandes tentations de l'Amérique du temps de Bush.
Vive le gris et les nuances de gris.
Oui, le gris si facilement décrié aujourd'hui (ni rose bonbon ni noir profond) !
Oh j'ai cru voir un Rominet !
Chope-le Montalte !