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barton fink

  • REPRISE

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    Les films tels des fluides s'échangent, se complètent, se corrigent. Ils permettent à la fois de pleurer sur le passé et de voir venir. La déception que l'un provoque se voit bientôt adoucie par l'énergie qu'un autre engendre. La joie que celui-ci procure est déjà entamée par la peine que celui-là cause. Le panoramique écourté ici se verra longuement détaillé là-bas ; l'intense visage un jour contemplé se voit plus tard honteusement barbouillé ; le silence heureusement préservé d'une séquence est déjà à la merci du tumulte de celle lui rendant hommage.

    Le plan fixe des Coen a beau mêler l'espérance et le drame (malgré le sourire de la jeune femme, le colis est bien là et bien encombrant), il suffit d'un peu de recul et d'un peu de temps, il suffit tout simplement d'un autre film, pour que la menace se dissipe, mais également, car tout se paie, pour que l'espoir d'un autre possible se noircisse : chez Nuri Bilge Ceylan, le paquetage désormais défait assure d'une quiétude relationnelle on ne peut plus banale : il ne contenait que quelques affaires de plage et non les reliefs morbides d'un meurtre insensé ; le champ élargi assure qui plus est d'une voile. La jeune femme toutefois tourne le dos et il est vraisemblable que son regard attentif fasse désormais partie du passé.

    Les films finissent toujours par se communiquer leurs humeurs, ternir ce que l'on tenait pour éclatant, apaiser l'effroi.

    Le temps ne détruit rien ; il émousse cependant et c'est très bien comme ça.

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  • PAUSE

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    A qui n'a pas subi sur lui
    Cette caresse,
    A qui n'a pas touché du doigt
    Cette herbe épaisse
    Qui frissonne et se courbe
    Comme avant
    Mais ces trous sont ses yeux
    Par où passe le vent

    Et tout ceci finit par m'être indifférent.
    Peut-être disparaître
    Dans le pli du néant,
    D'avoir été ensemble,
    De n'être plus
    Que ce qui dans les larmes
    Et dans l'eau se dilue

    (Gérard Manset, A qui n'a pas aimé)

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  • GAGNANT GAGNANT

    Une parade chasse l’autre. Le festival de Cannes est toujours pour bientôt. Je me souviens des trois palmes d’or de Barton Fink, quatrième opus des frères Coen, décernées par Roman Polanski, il y a quinze ans de cela. Avec son hôtel kubrickien, ses silhouettes faulknériennes, ses sous-entendus minelliens, ses plans anodins délivrant soudain leur sens caché, ce film sonnait comme un écho lugubre aux fantaisies pourtant déjà mélancoliques d’un Billy Wilder contemplant Hollywood. Les Coen distribuaient alors avec élégance de copieuses gifles à l’engeance du Show et de ses plus ardents producteurs. Attentifs à suivre littéralement le trajet d’un moustique, brûlant sans hésitation leur décor, additionnant les entorses aux logiques scénaristiques les plus éprouvées, ils osaient mettre en abyme la définitive vacuité de leur incontestable savoir-faire technique.

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    Le formalisme enfin devenait inquiet. Bien sûr, grâce à Aldrich, Renoir, de Palma ou Greenaway, nous connaissions déjà le poids de l’artifice et les dangers conséquents de la fascination. Se joignant à ces maîtres en désillusion, les frères Coen parlaient à leur tour, sans avoir l’air d’y toucher, de création et de dévastation, de simulacres auto-engendrés et de systèmes viciés, nous présentant un cauchemar en bonne et due forme.

    Derrière le papier-peint qui anormalement se décollait par endroits, on pouvait toujours, pour se rassurer, chercher les cafards de la fable politique de Romero (Creepshow) ou les maléfices des Mères d’Argento (l’iris peint sur la cloison de Suspiria, le décorum morbide de la maison d’Inferno), tandis que sous l’apparence maniériste de métaphores tendant vers l’abstraction, n’apparaissait in fine à l’écran que l’univers mental d’un tout petit monsieur, Barton Fink, intermittent piteux d’un Spectacle en pleine démesure, à tout jamais gagnant.

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