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depardieu

  • JOHNNY HALLYDAY, ACTEUR

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        S’il y a une constante au cœur des films disparates qu’a tournés Johnny Hallyday de 1962 à 2017, c’est bien celle-ci : des navets musicaux des années 60 aux polars grotesques des années 80 ; des films d’auteurs ratés, accumulant les tics visuels du moment (Robert Hossein ; Laetitia Masson), à ceux qui au contraire, par leur singularité même, ont su passer le cap des années ( Détective de Godard ; L’Homme du train de Leconte) ; des films populaires au chef-d’œuvre énigmatique, c’est bien toujours lui qui est présenté au travers de personnages plus improbables les uns que les autres, toujours sa personnalité qui prime au cœur de récits de bric et de broc, lesquels ne sont autres que des portraits amoureux ou à charge, des biographies déguisées. Hallyday y est à chaque fois, les oripeaux de la fiction retirés, celui qui est.

        Bien plus qu’un comédien, Johnny Hallyday était un acteur, au sens où sa propre vérité, et elle seule, donnait foi au rôle qu’il tenait. Tout ce qu’il pouvait composer tombait à plat, tout ce qu’il jouait sonnait faux, mais ce qu’il montrait de lui sans fard, possédait une telle intensité qu’on pouvait alors considérer ces scènes comme autant d’apparitions. Dans chacun de ses films, à chaque fois, l’épiphanie de Johnny. Une présence singulière excédant les postiches et les habillages de circonstances. L’être-là qui comble tous les déficits d’incarnation. Comme Depardieu qui aura imposé le même corps massif et maladroit, réconfortant et soudain brisé, à la base des innombrables figures de sa filmographie, comme Delon qui de son regard impérieux, aura toujours su dénuder les unes après les autres, les affèteries de ses personnages.

        Chez Johnny Hallyday, c’était le visage. Hésitant entre le gamin espiègle et le sage mutique, le candide et le baroudeur, la banalité anonyme de celui-ci pouvait, d’un mouvement excessif de la bouche ou d’un écarquillement des yeux, soudain basculer dans l’étrangeté. On y trouvait des sourires à contretemps, cette vulnérabilité qui embue pour un rien le regard, un trouble désir de possession, de la colère ravageant les traits jusqu’à l’effarement. Dans Point de chute (Hossein, 1970), il s’effondre après avoir reçu une balle. Celle qui l’aime vole à son secours tandis qu’il agonise. Gros plans sur le visage souffrant du jeune voyou, plans larges sur celle qui traverse la plaine pour le rejoindre. La séquence mélodramatique s’éternise, l’excessif rictus de souffrance de Johnny n’en finit plus de se crisper, gage de comique involontaire. Pourtant au sein de ces plans répétitifs, soudain le visage de l’acteur ne simule plus l’agonie, mais semblant pris d’une lassitude extrême, exprime un désarroi tel qu’il évacue d’un coup le chiqué de la scène. En ce bref instant crucial, se manifeste la force d’une présence déjouant tous les artifices. Dans Salaud on t’aime (Lelouch, 2014), il regarde ce merveilleux passage de Rio Bravo où Dean Martin et Ricky Nelson chantent My rifle, my pony and me. Hallyday fredonne l’air à son tour, ponctuant la rengaine de rires gênés, et c’est tout le conflit entre le chanteur reconnu et l’acteur approximatif qui soudain transparaît, et ainsi se résout par sa sincérité même. Dans le très beau Vengeance (To, 2009), il poursuit les assassins de sa famille, mais la tâche n’est pas aisée car il souffre de troubles mnésiques liés à une balle restée logée dans son cerveau. Attablé avec des enfants devant un bol de riz, le voilà qui s’esclaffe à gorge déployée, sans que l’on ne sache bien s’il s’agit là du ricanement de l’idiot ou du rire souverain de la liberté retrouvée. Le film se clôt à la fois sur cette signification incertaine, mais aussi sur le doute entre le jeu d’acteur et l’authenticité d’un moment.

        Ce visage composite, passant d’un coup de l’animalité à la grâce, de la rage à la béatitude, qui pouvait aussi bien exprimer les convulsions de l’homme blessé que l’impassibilité de l’ange exterminateur, était d’une certaine façon le miroir du désordre moderne des sentiments, de leur exacerbation et parfois même de leur parodie. Le marasme émotionnel qu’Hallyday transmettait dans le vacarme de ses chansons, se tenait aussi dans ce faciès infiniment modelable, changeant selon les époques et les situations, de l’arrogance à la faiblesse, de la complicité à l’absence. Il reflétait ainsi tant de souffrances et de plaisirs mêlés, qu’on pouvait même y voir un condensé de tous les emportements d’une société aussi velléitaire qu’apeurée, celle dont la tragédie court sur ces dernières décennies. Johnny Hallyday, dans ses traits mêmes, résumait ainsi les rêves de grandeur et les espoirs trahis de tout un peuple ; celui-là même qui lui a rendu un hommage bouleversant au lendemain de sa mort. C’était ainsi au sens propre du terme qu’il le représentait. A tous ceux qui ne prenaient même plus la peine de le regarder, c’est-à-dire de le considérer, il en offrait l’image. Au doux minois des chiens de faïence, formatés pour dénicher partout le Même, il opposait tout simplement la gueule de l’autre.

     

    (ce texte est paru dans le n°170 de la revue Eléments)

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    Un chandail déchiré au coude, un livre rangé à l'envers, l'auriculaire replié dans la paume pendant la caresse maladroite : lorsque je repense aux dernières années de mon père, à tout ce qu'il n'a pas su dire, à tout ce que j'ai feint de comprendre, il ne me reste que ces quelques détails visuels, dont la trivialité atténue tout juste l'insistance.

    En complet désaccord avec les récents propos méprisants de Depardieu sur Léos Carax, Juliette Binoche ou les grèves, je garde cependant un faible pour ceux qui osent souiller "les mots de coton", novlangue qui colmate et qui panse au lieu de réveiller. Oui, il faut de l'aigreur, du malaise, de la goujaterie, de la stupidité, de la maladresse et de la mauvaise foi contre la douceur obligatoire. Mieux vaut la gueule de bois que la langue.

    Je suis bien placé pour parler de Tony Curtis : j'ai été Danny Wilde pendant de nombreux mois au début des années 80... (la preuve ici).

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