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quatre mouches de velours gris

  • CORRESPONDANCES (16)

    Des frondaisons gentiment éclairées, des jeux de couleurs et des ombres imprécises, un bruissement doux : au cinéma, les jardins viennent agrémenter les idylles, sertir quelques courses-poursuites, rajouter au décor compassé ce qu'il lui faut d'élégance désuète. Un couple s'étreint mollement sous le feuillage avant de prendre la pose, des messieurs bien tranquilles et des dames affairées remontent les allées, s'attardent aux cascades, se saluent entre les branches. Des enfants courent au loin. Les jardins de cinéma ne sentent pas grand-chose. On les traverse sans s'attarder, pressé de quitter ces lieux sans mémoire ni affect. De Tavernier à Beineix, ils sont à l'image d'un cinéma décoratif, un cinéma d'agrément sans trop de chausse-trappes ni d'inquiétude.

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    Mais l'ombre du bosquet peut se faire menaçante. Derrière la haie, à bien écouter, quelque chose se trame. Les parfums qui deviennent entêtants, un cliquetis, un vêtement apparemment oublié, il n'en faut pas plus pour redonner à ces buissons bien ordonnés, une allure funèbre. Il y a un autre cinéma que celui qui vient avant tout réconforter. Un cinéma parfois instable et maladroit, plein d'embardées et de détours. De Tourneur à Argento en passant par Greenaway, le jardin devient traquenard, et puis tombeau. La dernière illusion de liberté avant la mise à mort du sujet.

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  • QUATRE MOUCHES DE VELOURS GRIS

    quatre mouches de velours gris,dario argento

    Quatre mouches de velours gris (1972) est sans doute l'un des plus beaux films de Dario Argento, ne serait-ce que par sa façon incroyablement souple de mêler burlesque et terreur, douceur érotique et bouffées de sadisme, rationalisme morbide et délire onirique. S'il y paie dûment son tribut à certains maîtres (Mario Bava, Jacques Tourneur), s'il inscrit dans l'imaginaire des cinéastes américains des décennies suivantes, des thèmes récurrents servi par un découpage obsessionnel (De Palma, Lynch), l'intérêt de ce film est surtout de poser, à travers les trois grandes séquences de meurtres qu'il déroule avec maestria (la bonne, la maîtresse, l'enquêteur), les règles intangibles de son cinéma.

    La première a lieu dans un jardin public, après la fermeture. La jeune femme a beau presser le pas puis courir à perdre haleine dans les allées, se glisser entre les failles de plus en plus étroites du mur d'enceinte, essayer même de l'escalader, elle sera rattrapée. Toute fuite est illusoire. La deuxième suit une autre jeune femme, cette fois à l'intérieur d'une maison. Se sachant épiée et menacée, celle-ci finit par se cacher dans une toute petite pièce à l'étage, à l'intérieur d'une armoire, sans pouvoir cependant échapper à son poursuivant. Tout refuge est un piège. La dernière conduit un détective privé à prendre en filature une silhouette qui sans cesse se dérobe (et que nous ne voyons jamais), dans les rues de Turin puis les wagons et les couloirs du métro, jusqu'aux toilettes publiques où il finit assassiné. L'attention visuelle la plus soutenue ne peut empêcher le voyeur de courir à sa perte.

    Ainsi, la filmographie d'Argento décline-t-elle de mille et une manières ces trois préceptes impitoyables, ne cessant de nous montrer des victimes en leur fuite inutile, au creux de leur cachette-tombeau, ou bien en cours d'exploration minutieuse d'un espace où s'inscrit déjà leur chute. Ce pessimisme esthétique, à la charnière des années 60 et 70, paraît alors autant moral que politique : il n'y a pas de libération à attendre des échappées psychédéliques ou des ruptures subversives qui invariablement tournent en impasse ; il n'existe plus de valeurs sûres ou de principe intangibles derrière lesquels se réfugier à bon compte ; il ne reste qu'à saluer le règne délétère et sans partage de la fascination, emprise formelle emprisonnant le regard pour mieux conduire à la mort du sujet.

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