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ridley scott

  • BLADE RUNNER, ENCORE UNE FOIS

                                                                   

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        La nuit grouillante, pluvieuse et interlope, où tout semble possible mais rien ne survient sinon la peur et l’ennui ; les gratte-ciels aguicheurs et les intérieurs surchargés de souvenirs entêtants ; une photo que l’on scrute passionnément, jusqu’à y reconnaitre un visage ; des robots qui souffrent et des humains impavides ; des combats titanesques moins important que la découverte traumatique d’un origami ; l’errance mélancolique d’un justicier, qui sait, comme le professe John Wayne dans La Chevauche fantastique de Ford, qu’il y a des choses auxquelles un homme ne peut se soustraire ("Well, there's some things a man just can't run away from") ; le passé comme refuge mais aussi comme remords : Blade Runner (1982), célébrant les noces funèbres de Fritz Lang et de Philip Marlowe, annonçait la déroute identitaire de notre temps.

        La suite, Blade Runner 2049 (2017), en aborde ce qui s’imagine la contrer, ou à défaut la relativiser, à savoir la beauté mortifère du spectacle. Surfaces liquides ou poussiéreuses, déserts de brume autour de châteaux archéo-futuristes, violence des conflagrations de couleur ocre : l’accumulation vertigineuse des images, identiques malgré leur chatoiement, leur virulence, ou leurs conséquences, n’est plus qu’un choix mortel de disruption et de divergence. Avec la mutation du regard comme dernier recours, ce nouveau film en effet, se réfugie derrière le cache du prisme, le flou du verre dépoli, comme pour appeler à un sursaut visionnaire, seule antidote à l’horreur contemporaine.

       Mais du film de Ridley Scott à celui de Denis Villeneuve, de la symbolique de la trouée (dans un paysage, un mur, un corps) qui signifiait encore la nécessaire violence de l’échappée, à celle de la gangue, qui ravit le regard pour toujours mieux le soustraire à lui-même, il y a ce fossé qui sépare le conte noir transposant notre temps, de la métaphore indolente voulant à toute force le tenir à distance. Ces deux grands films de science-fiction, au pessimisme exacerbé, se rejoignent en tous cas sur leur morale cinématographique : le chaos ne prend sens que par la forme qu'on lui assigne. Ils ont également en commun leur conclusion désespérée: la guerre sera totale puisque aucune hiérarchie n'est désormais apte à s'imposer.

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  • ART DE DROITE ?

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    "Si l'une des caractéristiques intrinsèques du cinéma consiste à louer, concrétiser des abstractions, sanctifier, rendre héroïque, alors cela signifie que les films ne sont pas capables de critique rationnelle. Ils sont par nature incapables de faire preuve d'objectivité, d'analyser une situation sociale, d'aller à la racine du problème sans trouver immanquablement le héros de la situation.
    (...)
    Scorsese filme de Niro, Coppola filme Martin Sheen et Brando, Morrissey et Wharol filment Delassandro de la même façon que Riefenstahl filme ses athlètes. Sa tendance à la glorification, sa façon de transcender, sa prédilection pour l'émotion plutôt que pour la raison, sa proximité avec l'esprit d'Heidegger (mort l'année de la réalisation de Taxi Driver) laissent penser que le cinéma est un art de droite"
    (Mark Cousins, "Les acteurs sont de gauche mais le cinéma est de droite", in Courrier International, Mai 2001)
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  • RISQUE

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    "Et si nous vivions au fond une époque fort peu sexuée, où l'image de soi passerait de moins en moins par l'autre en tant qu'il est durablement identifié mais par "les autres" comme forme abstraite du "on" ? (...) Une société dans laquelle la compulsion de répétition, qui naît et meurt sur place, remplacerait les apprentissages, certes dangereux - puisqu'ils amènent à se quitter soi-même pour, peut-être, se trouver ou bien se laisser engloutir dans le gouffre du monde, - mais féconds."

    (Pierre Le Vigan, Le Front du cachalot)

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