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FACADES ET BRUMES

L'Euro-cinéma, mélasse réflexive et questionnante, tantôt bourbier intellocrate (Angelopoulos, Moll), tantôt game farceur (Besson, Kounen) ou éducatif (Parker, Jeunet), se reconnaît immédiatement par sa propension naturelle à se délecter d'images réassurées. Il suffit de quelques séquences, d'une dizaine de minutes tout au plus, pour voir s'étaler en toute impudeur l'enthousiasme intransigeant du chef opérateur, la prétention besogneuse du cadre, la programmation machinale, puant le mépris, du montage son.

C'est du cinéma-concept où l'on travaille d'arrache-pied à faire de lieux communs, de prestigieux sésames ou à soutenir coûte que coûte des révoltes acceptées. Du cinéma où l'ennemi n'a pas de maquilleuse et où le héros, qui semble pourtant s'extraire avantageusement des canons autrefois en vigueur, bénéficie d'amorces affables et de points d'orgue toujours bien disposés.

Du cinéma où des femmes publicitaires passent comme des spectres doux, jamais incarnées mais toujours salvatrices, créatures pour perruquiers et tailleurs, déjouant toute possession (au moment du coït avec l'héroïne, le fondu au bleu ferme Le Cinquième Element de Luc Besson, la caméra de surveillance du Doberman de Kounen est mise hors-service, la Web-cam volante de Lemming de Dominik Moll n'a plus de batterie etc...). Femmes essentielles qui ne quittent pourtant presque jamais leur cuisine (Mississippi burning d'Alan Parker) ou la piste de danse (L'éternité et un jour d'Angelopoulos), jamais menaçantes sinon en contrepoint, victimes dociles ou mères muettes.

Du cinéma de façade et de brumes, qui de Schnabel à Becker et de Lady Chatterley à La vie des autres ne propose que des images déjà lues, des plans finis avant que d'avoir été ouverts, des séquences heurtées et pourtant trahies par leur rythme, de la propagande sans ellipses et du temps jamais partagé, devant lequel ne peuvent naître que des pulsions de dévoilement et de ruines.

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L'éternité et un jour de Théo Angelopoulos

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Chromosome 3, de David Cronenberg

Lien permanent 5 commentaires

Commentaires

  • Vous frappez fort pour cette première note ! Le dévoilement au risque de l'effroi ?

  • Vous lire, Ludovic, c'est voir l'arcane xvi du tarot en action. Particulièrement jouissif chaque fois car, si j'ai délaissé le tarot il y a longtemps, cette arcane, elle, m'habite. Sur un ancien blog, j'avais écrit déjà (qui vaille un tant soit peu d'être retenu), à propos d'elle : "L'effondrement, rite de passage vers le délié d'une vérité naissante, toute nue. La vie qui respire". Or, on éprouve l'envie de voir un film qui n'a rien de commun avec ce que vous décriez ici, mais, à la fois, cette absence de satisfaction est oxygène pour notre être tout entier.

  • Et c'est mieux comme ça Tim, car votre surnom est certes tout aussi anonyme que le "Anonyme" de Blogger, mais il permet malgré tout d'évoquer le fait que vous êtes sans doute un garçon, que vous appréciez l'auteur d'"Ed Wood", et d'ailleurs, vu votre commentaire dont je vous remercie, sans doute plus proche d'Ed Wood que de la "Planète des Singes" ou de "Mars attack", que vous avez sans doute lu Bataille etc...

    Merci Marie-Danielle, Arcane XVI, voilà un beau sous-titre pour ce blog.

  • Lady Chatterley n'a pas grand chose à voir avec votre "eurocinéma", cher Ludovic... D'autant plus que la caméra ne se dérobe pas pendant l'amour, et que l'actrice (et non ses costumes) impose sa présence. Réussir à filmer le désir, ce n'est pas rien, et Ferran y parvient magistralement, au moins jusqu'à la première étreinte. La suite est plus répétitive, mais non moins belle.
    Il conviendrait tout de même de définir un peu mieux les contours de ce que vous appelez l'eurocinéma.

    Au fait, pourquoi cette image de The Brood ("la couvée", titre tout de même plus acceptable que "Chromozone 3" !)

  • Lady Chatterley, et je crains donc que nous ne soyons absolument pas d'accord, c'est pour moi, "l'Euro-cinéma" dans toute sa splendeur : des images léchées, un cadre joli tout plein, et un montage qui n'est que du vide effrayant, délayé par des plans Parc et Jardins, une adaptation littéraire (mais cela peut être aussi l'adaptation d'une BD, d'un fait divers "authentique", d'une histoire vraie) en caution culturelle, des appels du pied maladroits et convenus sur la "réalité socilae", un académisme qui ne se perçoit même plus comme tel puisqu'il suffit d'un peu de caméra à l'épaule pour prétendre à la modernité ! (quelle pitié) et puis la caméra ne se dérobe pas pendant l'amour, bien sûr puisque c'est de l'amour pour du 20h40 sur Arte (trop long, trop répétitif pour TF1) qui est filmé. C'est enfin un film sans point de vue clair, sans parti pris, sans risque aucun, logiquement encensé par tout le monde, de l'anti-Breillat si vous voulez.

    Pourquoi le Cronenberg ? Pour la rime d'images avec l'Angelopoulos et l'opposition flagrante quant à la conception de l'éternel féminin entre ces deux types de cinéma.

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