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  • PREVISIONS

    Les deux liens de ce vendredi seront, je l'espère, d'une lecture assez réjouissante, d'abord parce qu'il n'est jamais trop tard pour taper sur certaines ordures (lire Rivron), ni jamais trop tôt pour envisager autrement l'avenir (lire Leroy).

     

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  • CIVILISATION

    A relire aujourd'hui les quatrièmes de couverture des Particules élémentaires de Houellebecq et d'On ferme de Philippe Muray, romans exceptionnels parus il y a un peu plus de dix ans, on est frappé de la similitude des termes, autant dire de l'accroche : l'un se proposait de brosser le portrait d'une "civilisation nouvelle, alors qu'un seul mot suffit à la qualifier : désastre", tandis que l'autre se voulait "la chronique du déclin d'une civilisation, la nôtre."

    Cette parenté aurait dû alerter le lecteur, ce grand naïf, ému et reconnaissant de trouver enfin une caution littéraire à laquelle raccrocher son dégoût, de constater qu'il n'était pas seul à haïr le monde chaleureux qu'on lui mettait sous le nez à la moindre occasion. En système libéral, en effet les remontrances sont autant de gâteries, la satire sert aux promotions, les réquisitoires mènent immanquablement aux dance-floors. Depuis dix ans, déclins et désastres civilisationnels ont été servis à toutes les sauces, des plus raffinées aux plus abjectes. A présent Luchini provoque des airs entendus et des gloussements de contentement en lisant du Muray au théâtre, Houellebecq ne semble même plus affecté de passer au "Grand Journal".

    En système libéral, même Cassandre casse la baraque, et tout finit par sourire.

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  • IMAGES EN FUITE

    Les liens du vendredi tournent bien entendu autour de Godard, dont nous reviendrons prochainement sur le dernier film :

    Un article de Bernard-Henri Lévy confondant de mauvaise foi et de manipulation, quand on sait dans l'affaire qui s'est plaint de quoi, et pourquoi, et comment.

    La bande-annonce de Film socialisme, soit le film tout entier mais en accéléré, comme par le passé Femme fatale de Brian de Palma.

    Une belle et juste critique.

     

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  • REGARDS

    J'ai publié sur Kinok, il y a quelques temps une critique assez dure de Casanegra, le dernier film de Nourredine Lahkmari : tant de complaisance et de chiqué, de copies et de redites dans cet assemblage tonitruant, réglaient à mon sens le sort de ce cinéaste, d'autant que je n'y retrouvais jamais la finesse inventive d'un certain cinéma marocain, évoquée ici. Une lectrice manifestement attentive à l'œuvre de ce réalisateur, choquée du ton de ce texte certes peu nuancé (qu'aurait-elle pensé cela dit de celle de Critikat, ou bien de celle-là ?), m'opposa dans un premier temps le succès foudroyant du film, ce qui a vrai dire n'avait aucune chance de me convaincre de quoi que ce soit, tant la sociologie du cinéma est en général une source jamais tarie de dépression saisonnière (nos Taxi sont à cette aune de bien beaux films). Plutôt que m'agonir d'injures, celle-ci me demanda alors ce que je pensais des autres films de ce cinéaste... C'est là que je pris conscience de ma légèreté, car de Lakhmari, je ne connaissais à vrai dire rien ! Rien d'autre que quelques éléments biographiques et quelques déclarations d'intentions. Cette aimable interlocutrice proposa alors de me faire parvenir du Maroc ses courts-métrages et son premier long, Le Regard. Si les blogs et les réseaux sociaux permettent ce genre d'échanges plutôt que l'anathème vaniteux ou la soupe sirupeuse, alors tout n'est pas perdu pour la cinéphilie (c'est d'ailleurs ainsi que j'ai pu visionner, grâce au Docteur Orlof, deux films pour adultes, fort sympathiques et hors-commerce, de Jean-Pierre Bouyxou)...

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    La surprise en tous cas a été de taille, car c'est bien au Bergman des début que l'on pense, en particulier dans Brèves Notes (1995), cette façon de romantiser la solitude, de couper court avant que l'émotion ne s'installe, de brasser les souvenirs dans ce qu'il sont eu apparemment de plus anodin mais en fait de plus signifiant. Il y a là une retenue et une maturité auxquelles je ne m'attendais pas. Le Livreur de journaux (1997) quant à lui, fait surtout preuve d'une belle maestria technique, celle qui fera justement du tort à Casanegra, car cette maîtrise des formes finit par y occulter la satire sociale, devenue caricature. Cette réjouissante veine satirique existe pourtant chez Lakhmari : dans Né sans skis aux pieds (le cinéaste réside depuis de nombreuses années en Norvège), il crée avec une certaine audace un climat proche du rire jaune de la comédie italienne, en particulier celle de Brusati et de son magnifique Pain et Chocolat, sur les déconvenues et les aléas de la diversité culturelle. Le Regard (2005) enfin, premier long-métrage du cinéaste, revient sur certaines exactions des décennies passées sans trop surcharger de ressentiment ou de leçons de morale son témoignage, souvent déchirant, sur la décolonisation. Il le fait passer avec habileté au travers d'une réflexion sur la qualité du regard, de celui qui calcule à celui qui contemple, de celui qui se contente de passer en revue à celui qui enfin sait se poser.

     Finalement, à découvrir le charme et l'intelligence de ces premières oeuvres, on en revient à la désespérante série des Taxi. Gérard Krawczyk, leur réalisateur, fut en effet celui du délicat L'Eté en pente douce et de l'acide Je hais les acteurs, avant de rejoindre les productions Besson, pleines de ce brouhaha sans point de vue ni souffle. Souhaitons que Lakhmari ne suive pas cet exemple et sache redonner au cinéma ce regard alerte et rêveur, qui était le sien il y a à peine quelques années.

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  • TOUS EGO

    Le lien du vendredi, c'est ce très beau texte introspectif, grave et ludique, que vient de livrer Pierre Cormary sur sa page.

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  • ART DE DROITE ?

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    "Si l'une des caractéristiques intrinsèques du cinéma consiste à louer, concrétiser des abstractions, sanctifier, rendre héroïque, alors cela signifie que les films ne sont pas capables de critique rationnelle. Ils sont par nature incapables de faire preuve d'objectivité, d'analyser une situation sociale, d'aller à la racine du problème sans trouver immanquablement le héros de la situation.
    (...)
    Scorsese filme de Niro, Coppola filme Martin Sheen et Brando, Morrissey et Wharol filment Delassandro de la même façon que Riefenstahl filme ses athlètes. Sa tendance à la glorification, sa façon de transcender, sa prédilection pour l'émotion plutôt que pour la raison, sa proximité avec l'esprit d'Heidegger (mort l'année de la réalisation de Taxi Driver) laissent penser que le cinéma est un art de droite"
    (Mark Cousins, "Les acteurs sont de gauche mais le cinéma est de droite", in Courrier International, Mai 2001)
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