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Night Shyamalan

  • CORRESPONDANCES (6)

        Dans Cure for life (Verbinski, 2017), un homme est pris au piège d'un Institut de bien-être suisse, vaste château labyrinthique cachant de noirs desseins sous ses thermes immaculées. Il ne trouve de l'aide qu'auprès d'une très jeune fille lui apparaissant autour de bassins, de piscines ou de baignoires, et qui lui sert de guide jusqu'à l'évasion finale.

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        Cette figure qui lie l'étrangeté à l'innocence virginale, et se révèle salvatrice, rappelle la Narf de La Jeune fille de l'eau ( Shyamalan, 2006), sorte de nymphe des eaux tout aussi inadaptée à son environnement, aux intentions tout aussi pures, et qui elle aussi révèle à lui-même le héros masculin, précisément à partir du moment où celui-ci lui vient en aide.

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        On peut y reconnaître une figure inversée de la Sirène nordique, puisque ces femmes-enfants aux longs cheveux mouillées, à la peau diaphane et humide, si elles attirent à elles les hommes par leur fragilité, et font mine d'avoir besoin d'eux, ne cherchent finalement pas à les perdre mais bien à les sauver. Ces films aussi sérieux qu'ils soient, sont ainsi dans la droite lignée de la comédie Splash (Howard, 1984), fable mièvre confrontant une authentique sirène à un jeune entrepreneur passant à côté de l'essentiel jusqu'à cette rencontre inespérée.

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        On pourra constater en tous cas que cette série de films assainit ce lien entre les femmes et l'élément aquatique, synonyme il y a encore quelques décennies, de Péché mortel (Stahl, 1947) à Vertigo (Hitchcock, 1958), de menace, de piège et même de mort, comme l'aura finalement résumé sans équivoque de Palma dans Femme fatale (2000). Mais il s'agissait encore là d'un film d'arrière-garde, et critiqué comme tel, car les temps ont miraculeusement changé, nettoyant peu à peu le cinéma de tout ce qui pouvait contredire les ambitions hygiénistes de l'époque. Qu'on se le dise, l'heure n'est certainement plus au trouble mais à la transparence salutaire. La Lorelei chantée par Heine peut aller se rhabiller, sa "violence sauvage" n'est plus de saison.

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  • CORRESPONDANCES (5)

        Dans Terreur aveugle (Richard Fleischer, 1971), Mia Farrow s’enfuit dans une forêt hostile (à cheval puis à pied après une chute, son visage est régulièrement giflé par les branches), parce qu’elle est poursuivi par un tueur qui a décimé sa famille. Elle parviendra une grande partie du film à lui échapper mais tombera entre ses mains à la toute fin, ne devant alors son salut qu’à son petit ami qui supprime l’assassin.

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        Dans Le Village (Night Shyamalan, 2004), Bryce Dallas Howard affronte volontairement une forêt mystérieuse (peuplée de monstres vêtus de rouge) pour atteindre la ville qui possède un remède pour son petit ami grièvement blessé. Elle réussira à tuer l’un des monstres, en reconnaissant sous sa main, une souche d’arbre proche d’une fosse, ce qui lui permet d’y précipiter son assaillant en s’esquivant au dernier moment.

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        Dans Ichi, femme samouraï (Fumihiko Sori, 2008), Haruka Ayase traverse sans crainte monts et vallées, car elle manie le sabre comme personne. Dans une forêt, elle rencontre de dangereux yakusas qu’elle met en déroute, défendant ainsi un samouraï ayant comme particularité de ne jamais parvenir à sortir son sabre du fourreau.

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        D’abord par chance, puis par ruse, enfin par son aptitude au combat, la femme aveugle, cernée par les périls, échappe aux agresseurs. Et parallèlement à cet apprentissage de l’autonomie, qui rend sa victoire non plus hasardeuse mais volontaire, l’héroïne inverse sa dépendance vis-à-vis de son homologue masculin, n’ayant non seulement plus besoin de lui pour vaincre, mais venant au contraire peu à peu le remplacer, puisque de façon de plus en plus transparente, celui-ci s’avère impuissant.

        Il est probable toutefois que ces films prenant acte de cette prise de pouvoir progressive,  ne soient bientôt eux aussi pris à partie, comme de vulgaires témoignages machistes, le simple fait qu’il y ait besoin de rendre une héroïne singulière par une tare symbolisant à la fois sa fragilité et son aptitude à développer d’autres pouvoirs que les hommes, étant encore trop différentialiste.

        On peut imaginer que les héroïnes de demain, non seulement ne seront plus aveugles, mais feront preuve de dons de voyance hors du commun, puisque appelées à incarner un nouveau type de personnage, en renversant les uns après les autres, et jusque dans leur physique, des traits féminins décidément archaïques : l’androgyne salvateur, dont l’indifférenciation même assurera le règne.

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  • CORRESPONDANCES (3)

        Dans l'émouvant western L’Homme des vallées perdues (George Stevens, 1953), Joey, 10 ans, observe des bagarres et des duels, qui lui permettent à chaque fois de vérifier que le Bien finit toujours par l'emporter. Derrière la porte du saloon, inquiet puis rassuré, et de bout en bout tremblant d'excitation, il est le témoin du combat inlassablement victorieux du cow-boy solitaire Shane (Alan Ladd) contre des lâches, des brutes ou des assassins. 

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        Dans le beau mélodrame policier Witness (Peter Weir, 1985), Samuel, 8 ans, assiste derrière la porte de toilettes publiques, à un meurtre en direct. Il découvre ainsi la puissance du Mal, et son innocence est d’autant plus bafouée qu’il appartient à une société d’Amish lui ayant toujours épargné la violence. Dans ce film qui répond également au précédent par ces scènes où un gamin découvre un revolver avec un effroi mêlé de fascination, la justice est encore rendue, et les méchants châtiés, mais l’enfant cette fois, n'est plus un simple spectateur : son rôle est désormais crucial, au début en étant le seul à pouvoir identifier le tueur, à la fin en sonnant la cloche pour prévenir les habitants du village. Il apporte ainsi une aide précieuse au capitaine John Book (Harrison Ford) dans sa lutte contre la corruption qui gangrène la hiérarchie policière.

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        Dans le thriller fantastique Le Sixième sens (Night Shyamalan, 2000), Cole, 9 ans, n'est plus témoin que de drames et de souffrances multiples, puisqu’il a la capacité de voir les morts demandant réparation. La seule façon de faire encore triompher le Bien, est de passer par lui. Il est le seul, par la grâce de son regard surnaturel, à pouvoir rétablir la justice. Les figures paternelles, qu'ici le Dr Malcolm Crowe (Bruce Willis) continue de représenter, ne sont plus capables de grand-chose, et pour cause : passant de l'état de champion à celui de spectre, le Père n’est plus seulement secondé par le Fils, mais clairement supplanté par celui-ci.

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        Avec cet utilitarisme de plus en plus systématiquement appliqué au regard salvateur de l’enfant, se confirme l’incapacité de peindre aujourd’hui, sans caricature ni mièvrerie, un héros adulte qui soit à la fois victorieux et innocent, dont l'action soit clairvoyante et les intentions pures. Seul l’enfant a désormais le droit d'être un sage, sinon un saint, comme pour mieux démontrer ce que la société infantilisante partout claironne, à savoir que l'immaturité est devenue une vertu cardinale. 

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  • "Ne dites pas à maman que je suis un phénomène"

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    En dehors d'apporter une pièce de plus aux choux gras du syndrome post-11 septembre, ne serait-ce qu'en utilisant ce plan ouranophobique désormais rituel, Phénomènes ne fait que décliner (la phrase pourrait s'arrêter là tant le film répète ses figures jusqu'à l'ennui profond) l'habituel thésaurus hollywoodien, n'utilisant certaines entités (les Autres, la Nature) qu'à la seule fin puérile d'améliorer les conditions d'existence d'une cellule familiale en cours de désintégration. L'utilitarisme est un dieu et le cinéma son plus sûr dévôt.

    A la différence des productions courantes toutefois, les plans ne sont pas saturés d'amorces explicatives mais au contraire engorgés d'une incertitude infantile dûment scénarisée, ce qui finalement ne change rien à l'affaire : aucune progression, aucune régression, aucun parcours en somme, ne sont ici proposés ; semblable au Munich de Spielberg, ce film aux catastrophes inédites, dont la seule raison d'être est justement ce caractère inédit, ne sait que faire diversion entre deux carnages, changer de décor mais jamais d'axe au profit d'exécutions méthodiques, toujours plus élaborées mais jamais mises en perspective ou en contradiction.

    Quant à filmer le caractère anxiogène du vent, on indiquera au petit Shyamalan de se rapprocher des oeuvres du grand Argento, car il ne suffit pas de dissimuler un hélicoptère hors-champ pour donner aux bourrasques secouant les branches de la sauvagerie, il faut encore parvenir à inquiéter durablement, c'est-à-dire discriminer dans le champ d'une séquence, ce qui ne bougera pas de ce qui s'agite déjà trop, ce qui se couche d'un coup de ce qui résiste longtemps.

    A nouveau un protégé des Cahiers qui ne réussit pas sa mue : certains parrainages sont décidément bien encombrants.

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