A force de voir s'esclaffer les marioles du Show sur la vacuité de Paris Hilton, grande bringue à la voix de fausset gentiment exhibitionniste (mais pas davantage, il me semble, que ces comédiennes payées pour nous certifier au fond des yeux, la lèvre humide, qu'elles valent beaucoup), à force de les entendre s'affoler que cette femme qui n'est rien d'autre qu'une héritière, soit célébrée, comme s'ils étaient autre chose eux-mêmes, ces paladins de l'entregent, que des héritiers, tenant contre vents et marées la barre bien érigée de leur ambition mielleuse, j'ai fini par la regarder.
Cette femme minaudière et facile est bien la proie rêvée de tous ceux qui brûlent de coucher pour réussir à refuser de coucher, ces humoristes décapants, ces éditorialistes rageurs, ces journalistes impliqués qui savent si bien quand mordre et quand lécher, qui frissonnent d'être interrogés en gros plan par ceux qu'ils brocardent, qui tout autant qu'elle, n'ont rien fait d'autre que de se bâtir une notoriété pour ête célèbre, de se faire connaître pour être reconnu, de créer l'événement pour en être, qui ont patienté pour placer leurs vannes ou leurs papiers, leurs révélations ou leurs aveux au moment opportun, comme elle et ses seins dénudés par inadvertance, ses oublis fâcheux de culotte, ses ébats retransmis.
Comment se moquer sans être un vrai salaud de ces vidéos verdâtres, où ses rires de gamine mal gâtée s'étouffent sans râle sous les coups de boutoir d'un quelconque abruti tatoué, à la voir consciencieusement imiter, sans se décoiffer ni transpirer, les fellations réglementées des sex-stars de motels en réprimant un baillement, à la voir si frigide et fragile quand un mâcheur de chewing-gum aux yeux plein de bière s'échine brièvement.
Le problème n'est pas que Paris Hilton ne soit rien d'autre qu'un simulacre, célèbre parce que connu, connu parce que vu, vu parce que montré, mais que les autres spectres face caméra, artificiers de leur propre néant, s'en insurgent. Elle n'est rien puisque l'on peut tout savoir d'elle, elle n'est rien mais a le mérite touchant de ne pas ironiser sur ceux qui veulent à tout prix être quelque chose, ceux qu'Hanna Schygulla décrit si bien dans cette très belle note sur les désarrois de Cannes ("Nous étions encore post-brechtiens, on voulait rendre la réalité légèrement étrange, empêcher l'identification totale. Maintenant, pour les jeunes, la question est de trouver sa place."), ces impétrants qui jouissent si fort de brûler les images qu'ils collectent, cette inqualifiable engeance de candidats.
Taxidermia de György Pálfi
Commentaires
Très beau texte, as usual....
"[C]ette inqualifiable engeance de candidats" prêts à s'entredévorer, néo-cannibales qui jouiront de s'élever sur la montagne d'ossements de leurs victimes, oui.
Sont jouissifs, vos tags, certains plus que d'autres nimbés d'un mystère relatif...
Sinon, 'skoûzatez mais après vous avoir lu ça me démange de paraphraser la célébrissime "Donnez-leur du pain et des jeux" en remplaçant les objets par "des seins et des queues". Pendant ce temps, le champ est libre pour qui n'est plus regardé, Paris Hilton et la machine médiatique faisant leurs beaux jours.
Il arrive que j'aie quelques moments d'aveuglement, mais le lien présumé nous diriger vers des propos d'Hanna Schygulla ne me paraît guère nous y mener ?
Merci de votre commentaire, Marie-Danielle, tenez, rien que pour vous, je vous rajoute deux tags.
Le lien est corrigé.
Défendre Paris Hilton ? Je ne vous attendais pas là mais je comprends finalement très bien ce que vous dites, et je crois que vous avez lu Jean-Pierre Voyer, n'est-ce pas ?
Très longue vie à ce blog !
J'aime assez votre style et votre illustation (d'un film outrancier et vulgaire à dessein, comme il se doit) tombe à pic.
Comme s'il y avait une différence fondamentale entre une toile de non-art, Charia Mastroianni, Ségolène Royale ou la petite Hilton !
Enfin, y a bien qu'un Suisse pour affirmer pareille ânerie!
"Un cinéphile suisse
- Vous autres Français, vous êtes en compétition permanente, surtout dans la conversation."
Arf.
Malgré la leçon, ici comme chez Damien, il y a ce parfum de "tolérance" (mot que je n'aime pas) à l'égard de la vacuité ... Sévérité ou cynisme, je m'explique mal l'intérêt des uns et des autres pour les espaces vides. Au nom de l'humanité? De la charité?
Merci Ludovic, vous me flattez... Paris Hilton, est-ce que ce ne serait pas une de ces femmes dont parlait Hitchcock en disant qu'elles ont "le sexe affiché sur la figure" ?
Marie-Danielle : écoutez selon ce critère la plupart des conversations, surtout masculines, des intellectuels ou prétendus tels (cherchant tellement à briller par leur culture, leur humour ou leur à-propos) jusqu'aux adolescents plus ou moins sauvageons (tout ce jeu qui consiste à "vanner" et à "casser"), et vous constaterez peut-être que ce Suisse n'a pas fait un si mauvais diagnostic.
Oui, Anne-Elizabeth, Voyer est la bonne piste pour ces "non-événements".
Merci Passant, non il n'y a pas de différence fondamentale, le vide est maître partout.
Peut-être davantage de la compassion que de la pitié, Kate, je ne sais pas, mais justement, cette femme avec "le sexe affiché au milieu de la figure", comme le souligne Damien, elle est si peu sexuelle dans ses videos intimes, elle m'a paru si indifférente, qu'elle en devenait troublante.
"Nous éjaculons sur du papier et restons inertes en nos femmes" : le monde où la reine est Paris Hilton s'effondrera bientôt.
De qui est votre citation Sylvie ? Roger Nimier ? Paul Morand ?
Damien, tout était dans mon "Arf". L'espiègle en moi n'ayant point voulu résister à un pied-de-nez (ne portant guère à conséquences, sauf à l'adresse de vrais arrogants - dont le lieu de résidence ne se limite absolument pas ni à la France ni à la Suisse) faisant d'une pierre deux coups en "embrassant" et Français et Suisses. Enfin, je suis en cure de traitement d'espièglerisme avec Juan...
Arf.
Il faudrait voir la qualité, si j'ose dire, de ce que l'on éjacule sur le papier. Reformulons cette citation : "Nous nous branlons sur le papier (ou sur l'écran) comme nous nous branlons en nos femmes."
Pour Paris Hilton, il n'est pas contradictoire d'avoir de la pitié pour elle en tant que personne (quelqu'un ici voudrait être à sa place ?), et critique à l'égard de ce qu'elle représente - et encore plus critique à l'égard de ceux qui critiquent ce qu'elle représente et se mettent au-dessus d'elle (honni soit...). Je sais, c'est un cercle - c'est précisément notre cercle.
Que Ben Laden nous protège !
AMG.
Oui, c'est notre cercle, nous en venons à défendre le néant lorsqu'il est accusé d'être vide par ceux-là même qui le forment...
Plutôt que de le défendre, disons que nous nions à ceux qui l'accusent le droit de le faire. Ou plutôt (bis) : nous leur rappelons qu'ils ne valent pas mieux que le vide, surtout quand ils l'accusent.
A la vôtre !