Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

CELLES QU'ON N'A PAS EUES (1/8)

Plutôt que de claironner nos conquêtes (avec un peu de cynisme pour dissimuler la vanité) ou pleurer sur nos amours mortes (la rouerie pointant déjà son nez sous la peine), il faut sans doute un peu d'inconscience pour évoquer, comme dans l'émouvant film de Pascal Thomas, "celles qu'on n'a pas eues".

Inconscience car parler de l'échec sans en tirer "une leçon de vie pour aller de l'avant", ou au contraire -car les attelages les plus contradictoires tiennent désormais lieu de morale publique- sans se lamenter bruyamment, paraît difficilement audible : battants et victimes, ces Janus face caméra, viennent sans cesse nous donner des conseils ou mauvaise conscience, et nous rappeler d'une même voix qu'une certaine distance n'est tout simplement plus tenable. Evoquer celles-ci cependant, sans crânerie déplacée ni plainte intempestive, peut servir à fixer une dernière fois avant l'oubli ce qui aurait pu avoir lieu, mais qui a fui.

Voici en quelque sorte notre devoir de mémoire.

celles qu'on n'a pas eues, pascal thomas, mother of tears, dario argento

J. avait cette faculté qu'ont les enfants de se croire cachés lorsqu'ils regardent ailleurs. Elle s'absentait ainsi lorsqu'une discussion l'ennuyait ou la mettait mal à l'aise, comme Sarah Mandy qui dans Mother of tears, ce très beau film d'horreur sur l'enfance inconsolable et le pouvoir qui en découle, parvient à disparaître littéralement aux yeux de ses poursuivants lorsqu'elle s'efforce de ne plus penser à rien. J., bien souvent, ne pensait à rien. Elle avait alors ce regard profond qui laissait croire qu'elle avait tout compris de vous. Il était difficile de ne pas chercher en retour à la connaître mieux, mais il n'y avait rien à chercher : J., tout comme Sarah Mandy, se laissait porter par d'indistinctes bribes de drames et de joies inouïs, dont elle ne savait plus démêler la part du rêve, du conte et du souvenir. Il n'était pas question pour elle d'en parler, tout juste de les évoquer mystérieusement, en versant de temps à autre une larme les yeux rieurs. Elle se mit à fréquenter, quelques mois après notre maladroite rencontre, un poète adepte de longues marches qui citait Blanchot dans le texte (il lui avait offert un podomètre) ; j'ignore si leurs randonnées demeuraient silencieuses. Ensuite elle partit pour Vienne et peut-être y vit-elle encore.

Lien permanent 9 commentaires

Commentaires

  • Belle série qui s'annonce ! A vous lire...

  • J'aime.

  • C'est vrai que ce film d'Argento est une sorte de conte magique, où tout se résout finalement comme dans le magicien d'Oz, conte sur l'enfance aux rêves perdus mais aux pouvoirs persistants. Et c'est un très beau film. Vous devriez écrire quelque chose sur le cinéma d'Argento, il y a tant de moutons qui ressassent l'idée qu'il n'a fait de bon que Suspiria et Profondo rosso !...

  • A suivre en effet, Virginie (et merci beaucoup de votre soutien dans les commentaires de la note effacée).

    C'est en effet insupportable, Phil, de voir tous ces faux amis d'Argento vous expliquez que c'était mieux avant ! (alors que ses premiers gialli sont au contraire très sommaires et qu'il n'a fait depuis que se raffiner, jusqu'à ces chefs d'oeuvre que sont, chacun dans son ordre, "Opéra", "Mother of tears" ou "Le sang des innocents"). une note prochainement sur "Giallo".

  • Voilà qui est hautement réjouissant, pour la série qui s'annonce comme pour Argento. Bonne fin d'année, Ludovic.

  • Merci Vincent, très bonne année également !

  • (Et je vous dois la redécouverte du Fantôme de l'Opéra qui était le seul que j'avais laissé de côté jusque là, moins enthousiasmant qu'Opéra sur une trace parfois similaire, mais bien meilleur que ce qu'on en a dit)

  • Cela raconte plutôt, iPidiblue, un défaut d'incarnation...

Les commentaires sont fermés.