Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ken Loach

  • ENGRENAGES

    sweet-sixteen-ken-loach-2002-poster.jpg

    8_-Yards-suit-in-subway-1024x424.jpg

    Dans les meilleurs films de Loach (Black Jack, Raining Stones, Sweet sixteen), l'engrenage tragique apparaît très proche de celui des plus beaux Gray (Little Odessa, The Yards). Mais là où le premier cherche à tout prix, et donc au risque de la démagogie, à trouver le grain de sable venant l'enrayer, le second tient à toujours mieux le huiler, à la limite cette fois de la complaisance.

    Lien permanent 2 commentaires
  • MEMOIRE VIVE

    banner.jpg

    A comme Acrostiche. Façon d'appréhender la personnalité et le parcours intellectuel d’Alain de Benoist -penseur hors-norme et pour certains hors-la-loi-, tels que Mémoire vive, le recueil d'entretiens avec François Bousquet (1), nous permet de les approcher, entre synthèse inédite et démultiplication des chemins de traverse.  

    L comme Livres. Depuis la boulimie de lecture de l’enfance -en mangeant ou en marchant dans la rue- jusqu’à la constitution d’une des plus grandes bibliothèques privées de France. Livres accumulés, dévorés, ressassés, annotés, comparés, réévalués, et bien sûr livres écrits (près de 90), formant les cloisons, les culs-de sac, les voies royales et les raccourcis d’un labyrinthe intellectuel, symbole préféré entre tous, symbole essentiel pour une pensée qui sait bifurquer sans oublier son parcours. 

    A comme Alternative. Le défi ultime lancé au système qui passe justement son temps à épuiser toutes les alternatives en les récupérant ou en les diabolisant, c’est à dire en les dénaturant. Contre sa domination, l’hypothèse oubliée, l’idée négligée, l’Alter-monde inventé, depuis la tri-fonctionnalité de Dumézil jusqu’au tiers-inclus de Lupasco.

    I comme Insatisfaction. Celle qui pousse à retravailler ses analyses, à les élaguer pour mieux les approfondir, à toujours "penser plus loin", à appliquer en somme au domaine des idées le principe énoncé par Karl Popper concernant les théories scientifiques, qui ne sont justement dignes de ce nom que si elles sont réfutables.

    N comme Nouvelle Ecole. Revue créée à la charnière 1967-1968, ayant failli s'appeler "Plein soleil" et dont la création marque la césure entre la brève période de l'activisme, celle des positions radicales et parfois rigides, et le temps de la métapolitique, celui de l'incessant questionnement allant de pair avec l'engagement puisque "l'esprit engagé est le contraire de l'esprit partisan".

    imagesCA9H8J6X.jpg

    D comme Droite. Pour les valeurs que celle-ci avait, jusqu’à ces dernières décennies, toujours défendu avec éclat : « le sens de l'honneur, le courage, le goût du beau geste, la tenue, le désintéressement, la fidélité à la parole donnée, le sens du don ». Pour la « Nouvelle Droite », laboratoire d’idées si mal nommé au moment où « la droite ne se définit plus que comme force de conservation des avantages acquis par les classes dominantes », courant métapolitique qui fait partie des rares contre-feux qui ne soient pas vainement réactifs, ou faussement subversifs, face à l’oppression.

    E comme Europe. Toujours défendue avec passion, arpentée de fond en comble, de ses paysages à ses librairies, de ses lieux mythiques à ses salles de conférence, bien séparée de l'Occident qui aujourd'hui « perd tout contenu spatial pour se confondre avec la notion de modernité ».

    imagesCANRAFQY.jpg

    B come Boycott. La meilleure façon de faire taire celui qui ne pense pas comme il faut, c'est-dire qui n'a pas suivi tous les empêcheurs de penser en rond, les rebelles appointés, les intempestifs clonés, les indignés reçus comme des rois, qui depuis au moins quarante ans affirment qu'ils s'insurgent quand ils régentent.

    E comme Ennemi principal. « L'ennemi principal parmi tous ceux qui nous menacent est celui qui nous menace le plus parce qu'il est le plus puissant ». Soit la « bourgeoisie libérale », dont les fondements philosophiques, les racines historiques, les actions politiques et sociétales, imposent de livrer combat à la fois contre la théorie de l'Unique, l'idéologie du Même, la Morale universaliste et au final leur aboutissement logique : l'indistinction.

    N comme Nuances. Celles d’une pensée en mouvement plutôt que d’un Mouvement de pensée, qui entraînent bien sûr incompréhension, suspicion, oppositions, plus ou moins profondes, plus ou moins farouches, mais qui  s'avèrent le nécessaire corollaire d’un désir de tout jauger, tout étreindre et tout éprouver, à distance du dogmatisme et de ses chapelles au credo inopérant, comme du relativisme qui ne permet plus aucun refus.

    O comme Obsession. Celle des livres, des traités, des généalogies, des recensements, des collections, des typologies, des éphémérides, depuis le décompte minutieux de tous les objets du logis familial jusqu'à la scrupuleuse bibliographie internationale de Carl Schmitt.

    I comme Introversion. Celle d'un enfant hypersensible, aux réactions différées, répugnant  à montrer ses sentiments, ce qui était sans doute, dès le départ, le trait le plus marquant de son inadéquation à notre époque spectaculaire et veule, qui fait au contraire de l’immédiateté, de l’auto-apitoiement victimaire, de l'hystérisation du Moi couplée à la froideur intérieure, un sésame.

    S comme Sécession. « Se mettre soi-même en état de sécession mentale par rapport à la société que l'on combat ». Eviter à tout prix la reconnaissance de ceux que l'on méprise ou que l’on rejette, reconnaissance qui n'est jamais que leur coup de grâce, et qui a métamorphosé en notables ou en rentiers tant d’opposants circonstanciels.

    T comme Tuteur. Au sens où depuis une vingtaine d'années, la pensée d’Alain de Benoist m'oriente sans m'obliger, m'accompagne sans m'attacher, m'incite à ne pas désespérer des idéaux et des pratiques d’une époque avec laquelle je me sens si peu en phase, ce qui est encore, si j'en crois ce propos de Dernière année (2), la meilleure façon d'être révolutionnaire, « état d’esprit dont la condition première est de se sentir étranger, radicalement étranger à tout ce qui nous entoure, mais sans lui être le moins du monde indifférent ». Pour toutes ces raisons, à défaut d’être un disciple (attitude et terme qu’avec raison il récuse), je n’en fais pas moins partie, et ce pour longtemps, de ses débiteurs.

     

    1) Mémoire vive, Editions de Fallois, 2012

    2) Dernière année, L'Age d'Homme, 2001 

    (texte paru dans Eléments n°144)

    Lien permanent 8 commentaires
  • TICKETS, D'OLMI, LOACH ET KIAROSTAMI

    tickets_3.jpg

    Tickets est une heureuse surprise. Tout d’abord parce que ce film à sketches prend en effet soin de ne pas se contenter de donner un cadre géographique aux cinéastes convoqués, mais propose, puisqu’il s’agit d’un voyage en train, un lieu qui soit aussi l’expression d’une durée, celle qui permet de relier entre eux des instants et des espaces. Des blocs de temps cousus ensemble ou plutôt découpés selon un rythme qui les fait gagner en ampleur, des plans creusés par le temps qui les modifient en les habitant : le train en mouvement est justement la métaphore même de ce que peut être un film, une distance dirigée vers un but, dans une forme qui conquiert l’instant, tandis que ses segments articulés entre eux en fonction de leurs antagonismes ou de leur complémentarité, la tension née de l’appariement de plans ayant chacun leur identité propre, révèlent également sa nature politique.

    (La suite ici)

    Lien permanent 2 commentaires
  • LES OISEAUX D'AVANT

    Lorsque j'étais enfant, en vacances, nous entendions souvent passer au-dessus des arbres du jardin, un pic-vert affolé dont le cri répétitif annonçait l'orage. Mon père m'en avait montré de somptueux dessins, soulignant la vivacité de ses couleurs (ailes vertes, ventre blanc, croupion jaune et calotte rouge) ainsi que sa grande timidité. De fait, malgré mon attention extrême, je ne parvins jamais à distinguer autre chose qu'une silhouette effilée, peut-être verte, s'engouffrant en toute hâte sous l'ombre lointaine des peupliers.
    Les années passèrent. L'impatience, puis la frustration, enfin l'indifférence : le pic-vert pouvait toujours chanter, je ne levais plus la tête, certain de le manquer. Je commençai à ne plus venir aussi souvent dans la maison des vacances, car d'autres événements autrement plus importants me retenaient ailleurs : je devenais un homme. Mon père en revanche s'y installa. Parfois, après une brève visite, je me retournais en haut de la côte pour le saluer à travers le pare-brise. Il faisait de même, de dos, là-bas près des ormes. Nous ne savions que nous dire. Je faisais semblant de ne pas voir qu'il vieillissait, il faisait mine de s'intéresser à mes projets. J'étais absent, trop affairé sans doute, lorsqu'il mourut à l'hôpital, essouflé et mutique.
    C'était il y a quatorze ans. Il y a quelques semaines, j'ai reconnu le cri dans le petit jardin entouré de tuyas qui borde notre maison. M'approchant j'ai vu deux pic-verts, en couple probablement, gros comme des geais, qui s'envolèrent à ma venue, sans m'empêcher de longuement les reconnaître. J'ai appelé ma fille qui a accouru avant de repartir, vaguement déçue de cette ombre peut-être verte qui disparaissait derrière la clôture.
    Depuis, ils sont là tous les soirs, me regardant derrière la vitre, ni accusateurs ni réconfortants, sans énigme, simplement disponibles. Et j'attends la venue ce battement de coeur qui résonnait si fort en ces temps éperdus.

    medium_KES4.4.jpg

    Kes, de Ken Loach

    medium_image20719.2.jpg

    Le samouraï, de Jean-Pierre Melville

    Lien permanent 11 commentaires