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  • BOY MEETS GIRL

    Vous enragez d'être faible alors qu'elle s'en fait gloire. Vous cachez vos échecs sous la morgue du style mais elle s'en pare et cela devient son style. Vous fuyez vos défauts tandis qu'elle cultive les siens. Vous étiez pourtant certain que le genre était une notion désuète, que les hommes étaient des femmes comme les autres et les femmes des mecs à frime bourrés d'aspirine. Vous avez écouté Mr Fassin et Mlle Sorman avec le plus d'attention possible, et pourtant rien à faire, votre fils de trois ans n'a d'yeux que pour les tracteurs...

    l'homme qui rétrécit, Jack Arnold, le spetième voyage de Sinbad, Nathan Jura, Eric Fassin Joy Sorman

    Vous jouez à être fort, elle joue de sa fragilité. Vous luttez contre ce qui vous oppresse, jamais en repos, comme le héros de Jack Arnold qui à chaque fois qu'il rétrécit rencontre des périls plus grands. Elle rit de ses chaînes, sachant qu'elle saura s'en servir pour vaincre, comme la princesse amoureuse du Sinbad de Nathan Jura, jamais aussi souriante que lorsqu'elle est piégée par le magicien et réduite à la taille d'un oiseau.

    l'homme qui rétrécit, Jack Arnold, le spetième voyage de Sinbad, Nathan Jura, Eric Fassin Joy Sorman

    Vous sentez bien qu'entre elle et vous, il n'y a pas de confusion possible, que si le jeu est le même, vous vous accommodez fort différement des règles. Vous savez que si vous êtes pris, et comment ne le seriez-vous pas, elle sera quoi qu'il arrive toujours à prendre.

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  • BON SOLDAT

    Il y a les traditions que vous tentez avec plus ou moins de bonheur de perpétuer et puis toutes les échappées qui vous attirent. Le respect de la parole donnée et l'envie de trahir tout ce qui mérite de l'être. Vous êtes plutôt du genre inconséquent (l'esprit de sérieux est si mal vu), comme les gaullistes libéraux, les socialistes de marché et les communistes démocrates. Vous allez de mal en pis mais la tête haute.

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    Les nobles ancêtres dont vous ne cessez de vous réclamer vous jaugent, comme ceux du tableau de Frans Hals chez Greenaway, et le peuple que vous sacralisez vous juge, comme le public qui hue les bourgeois de Bunuel. Vous n'êtes digne ni des uns ni des autres, ayant oublié ce qui vous distingue, défendant farouchement vos privilèges tout en étant le premier à les renier, vous empressant de prendre votre part. Qui aujourd'hui peut se targuer de ne pas céder à la goinfrerie ?

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    Auditeur, spectateur, consommateur, vous allez voter comme tout le monde, puis geindre comme tout le monde. Vous vous rêvez en maître du jeu mais savez surtout passer les plats : l'avenir vous appartient.

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  • RESSENTIMENT

    Vous la regardez à la dérobée. D'ailleurs vous les regardez toutes à la dérobée. Sur sa paupière le fard a un peu coulé, et puis la couleur qu'elle a choisie pour ses cheveux, trop noire, a laissé une traînée peu engageante sur le haut du front. Elle vous inspire cependant. Pour elle, vous pourriez vous mettre au hip-hop, à la vodka, aux essais de Joy Sorman ou aux films sans Jean Dujardin, car vous n'ignorez pas que tout cela est tendance, et qu'il est probable qu'elle aime être à la mode.

    Tarzan, Maureen o'Sullivan, Code Hays, James Mason, Lolita, Kubrick, Ovidie, Virginie Despente, Féminisme pro-sexe, Jy Sorman

    Vous la méprisez déjà. C'est-à-dire que vous la désirez tellement que vous lui en voulez. Vous avez envie de la blesser et qu'elle vous en remercie. C'est en malmenant durement son pied que Tarzan conquiert Jane, avant le Code Hays, alors que le pauvre James Mason, tout attentionné à lui faire les ongles, ne recueillera que du mépris de la part de Lolita. Vous savez tout cela, le sourire épanoui d'Anne Sinclair sous l'outrage, toutes ces femmes au bras de brutes et vous qui les regardez passer, avec votre sourire contrit et vos projets de week-end en bord de Loire.

    Tarzan, Maureen o'Sullivan, Code Hays, James Mason, Lolita, Kubrick, Ovidie, Virginie Despente, Féminisme pro-sexe, Jy Sorman

    Elle se lève et vous n'osez pas un geste pour la retenir. Vous vous voyez déjà en tyran doux de Sofitel mais faites la queue comme tout le monde, sous la férule sans charme des femmes d'aujourd'hui, sous le joug triste de Despentes et Ovidie. Moderne accompli, vous avez tout oublié, sauf le ressentiment. Elle quitte la pièce sans un regard ; bravache vous voterez Eva Joly.

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  • MASCULIN FEMININ

    kaos, paolo et vittorio taviani, showgirls, paul verhoeven, epoche, ressentiment, libération

    Vous êtes là, même pas morose, assis sur cette chaise en bois, et tout à coup les autres clients du bar, les gémissements de Shakira, l'odeur d'oeufs trop cuits, la petite rainure de la table pleine de miettes, tout cela s'estompe ou plutôt se réhausse : vous êtes à présent ce grand type là-bas qui rit fort en buvant par petites gorgées, vous êtes au même instant ce verre de bière oublié sur le comptoir, et cet air entêtant, et ce sentiment de grisaille tiède, et même là-bas cette fille triste aux ongles bleus. Votre corps se dissout et se remodèle, votre esprit suit sa pente d'objets inanimés en badauds volubiles, d'odeurs en émotions, d'autres à soi. Vous n'avez plus d'identité, enfermé dans la jarre, comme l'ouvrier de Kaos que les Taviani soumettent au supplice avant d'en faire un héros. Prisonnier de pensées contradictoires mais riche de tous les côtoiements, vous êtes soudain avec fierté le grand architecte de ce qui vous enserre.

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    Elle au contraire, loin de vos tourments intimes, resplendit avec bonheur. Tout lui sourit et connaître votre existence ne changerait certainement rien à sa victoire perpétuelle. A chaque instant, elle jaillit. Vibrante de lumière et de sexe, au faîte de sa gloire, comme l'héroïne de Showgirls que Verhoeven mène sans aménité en haut des marches. Derrière son masque, vous espérez des trahisons et des mensonges, des reniements et beaucoup de peine. Vous l'imaginez exactement comme dans ce film magistralement vulgaire.

    Vous oublié dans la jarre, et pourtant sans limites ; elle habitant tous les regards, fille à jamais perdue.

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  • CONTRE LE MONDE ENTIER, TOUT CONTRE

    Philippe Ramos, Capitaine Achab

    Un peu comme Emmanuel Mouret fait dans l'érotomanie tempérée, Philippe Ramos choisit l'exaltation calme, et la lumière plutôt que la flamme. Et comme le cinéma de Mouret s'avère malgré sa tiédeur apparente, extrêmement sensuel, celui de Ramos transporte malgré sa retenue. Sans se cacher derrière les effets spéciaux, les cymbales, la caméra qui virevolte, le cinéaste propose en effet de raconter Moby Dick à partir de quelques instants, de quelques figures, de quelques douleurs, qui peuplent la mémoire d'un homme. Contre, tout contre le monde entier, voilà le Capitaine Achab, décrit avec précision depuis son enfance dans les bois.

    Raconter Moby Dick mais sans le monstre, ou presque, ou plutôt donner à voir le monde que celui-ci recèle, que celui-ci contient, ce monde à pénétrer et ce monde qui blesse tant, ce monde à comprendre alors qu'il ne vous a pas laissé de place. La forêt profonde comme la mer immense, les femmes contre qui on se heurte et la peau épaisse de la baleine, l'envie de rejoindre son père et celui d'harponner la bête, l'incompréhension et le silence plutôt que le vacarme des revendications savantes.

    (la critique entière ici)

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