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  • ODESSA

     

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    « La crise ukrainienne, un mauvais coup pour le tourisme. A Odessa, ce port célèbre dans le monde entier grâce au film d'Eisenstein Le Cuirassé Potemkine, "nous avons eu des annulations cet hiver", concède le président de l'association du tourisme » (AFP).

     

    Difficile de savoir si c’est la page d’Histoire ou l’oeuvre même qui attirent à Odessa, quand celles-ci sont réduites à des signaux culturels depuis longtemps désamorcés. Si tout est faux dans Le Cuirassé Potemkine d'Eisenstein, des décors jusqu'à l'Histoire, de la maquette en lieu et place dudit cuirassé jusqu'à la fusillade sur les escaliers d'Odessa, le film n’en est pas moins bouleversant. Son naturalisme magique le rend sinon véridique du moins vraisemblable, proche du document historique par la profusion de ses choses vues - alors même que celles-ci sont inventées de toutes pièces-, balises confortant le mouvement de la révolte décrite.

     

    Nous sommes ici très exactement à l’opposé de ces films qui singent l’Histoire en numérique, rivalisant de prouesses véristes mais gommant le moindre détail qui ralentirait l'action. Des films qui ne rendent plus compte que d’une Histoire ludique, catégorisée par péripéties. Une Histoire dépourvue d’enseignements, simplifiant les forces en présence et diluant les identités, au nom d’un principe de plaisir imposé par le jeu et l’affect.

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  • FOLIES

    Variations autour du beau film de Tommy Lee Jones, The Homesman, par Ellisa, du lumineux blog En paraison.

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    Puisque ce film commence par une longue rêverie incertaine de sens sur le paysage, pur paysage où rien ne fait barrage au regard ni ne le retient, voici la mienne, nourrie de lectures autant que d’images, qui suit les foules de tous les émigrants quittant l’Europe pour l’Amérique avec le rêve et la volonté d’une vie meilleure. Cap plein ouest donc, puis là-bas encore Far-West, toujours.

    À partir de quel moment, le rêve et la volonté étroitement mêlés confinent à la folie ?

    Il me semble que c’est, en filigrane et de manière désordonnée, le propos du film de Tommy Lee Jones, The Homesman. Relire le Far-West sous un angle psychiatrique, envisager la construction de l’Amérique comme bâtie sur une sorte de folie collective.

    On parle plutôt de grille de lecture féministe pour ce film qui débute vraiment lorsqu’on découvre rudement chapeautée, pantalons sous la guimpe et robe des champs, Mary Bee guidant la charrue ; mais qui a oublié et pour quelle imagerie de la femme, qui a oublié que depuis longtemps là-bas comme ici les femmes doivent souvent faire ce genre de travaux ?

    Mary Bee se conduirait-elle comme un homme à l’encontre de son temps ou comme une femme en avance sur les mœurs ? (à ce compte-là, doit-on réinterroger le suicide d’Aurélie Coindet à la lumière du genre ?). Ou bien encore est-elle une de ces personnes singulières à toutes les époques, ces temps humains qui toujours les dissolvent au profit du mythe en construction ? (je pense bien sûr à l’infime souvenir du nom de Mary Bee qui disparaîtra avant même la fin du film). Car qui des hommes ou des femmes rêvent et veulent le plus fort une vie meilleure, sinon les deux également, en qualité d’êtres humains confrontés aux puissants ressorts de la vie : la nécessité et le désir.

    Far-West toujours, jusqu’à la folie.

    Le trajet du film consiste pourtant à revenir sur ses propres pas vers l’est en repassant le fleuve Missouri, frontière visuelle aussi bien que symbolique (même si c’est un peu caricatural dans la progression du film, c’est dans les eaux du Missouri que les femmes retrouvent une forme de cohésion - premier pas vers un apaisement hors de la folie dans laquelle elles se sont réfugiées ?). Frontière entre d’un côté les pionniers lâchés dans les espaces infinis et de l’autre la civilisation apparente d’une ville bien assise à l’arrière, celle où Mary Bee et George Briggs doivent raccompagner ces trois femmes que l’on a extirpées de la ligne de front (j’interprète ?). Le sens commun les tient pour folles, et non seulement elles ne sont plus utiles à rien mais elles sont des freins à la conquête. La petite musique féministe ferait son retour ici, les femmes éternelles victimes ; mais les femmes ne sont pas si fragiles puisqu’elles sont partie prenante de la conquête de l’Ouest, cependant si on les soumet à une odieuse pression et qui n’est pas que masculine, leur entendement bascule ; de la même manière, combien d’hommes furent broyés par les conditions épouvantables de la conquête ?

    Préserver la vie de deux femmes par un geste réel ou symbolique (la petite servante de l’hôtel au milieu de rien, puis celle aux pieds nus) c’est d’une part entériner une imagerie de la femme comme se résigner à la domination masculine par la force, c’est ne changer jamais de regard sur nous-même, espèce humaine, hommes et femmes mus par la même nécessité, foule d’individus où les plus faibles ne sont pas intrinsèquement les femmes. Repenser alors Mary Bee, moins héroïne féministe à rebours qu’individu libre et digne, comme il en existe à chaque époque.

    Car de quelle sorte de folie sont atteints tous les autres, qui pendent leur prochain comme on respire, massacrent, refusent de tendre la main en s’appuyant de l’autre sur la Bible, et tout ça pour quoi ?

    Ce film aurait dû être beaucoup plus long pour exposer sans raccourcis qui blessent et effondrent son propos. Le temps d’une fresque, mais une fresque peut-elle participer à autre chose qu’au mythe ?

    À la réflexion oui, c’est Heimat d’Edgar Reitz.

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  • LEOPARD

     

    l'homme-léopard, jacques Tourneur

    l'homme-léopard, jacques Tourneur

    « Un léopard sème la panique à 60 km de Delhi. Parvenu à entrer dans un hôpital et un cinéma, il blesse sept personnes puis échappe à ses poursuivants » (AFP).

     

    Comparativement aux deux premiers films de sa trilogie fantastique tournée au début des années 40 (La Féline et Vaudou), L'Homme-Léopard de Jacques Tourneur est en général jugé décevant, ses admirables scènes d’horreur nocturne s'intégrant mal dans un récit poussif et convenu. Or c'est justement ce déséquilibre qui alimente l’angoisse du spectateur et cette forme paroxystique qui en accroit l’emprise. A l’instar de ce léopard indien galopant brièvement sur la pelouse d’un jardin public, ou bondissant de la façade en stuc d’un cinéma, une présence s’avère d’autant plus violente qu’elle est incongrue, d’autant plus terrifiante qu’elle s’évanouit déjà.

     

    C’est aussi une morale esthétique : l’apparition d’un style sur le mode de l’exacerbation, vaut toujours mieux que la stylisation permanente des codes, ainsi neutralisés. L'envolée poétique impromptue demeure source d'émerveillement, quand la constance d’un maniérisme entretient l'ironie. N’importe quelle particularité, même inconvenante, est en somme préférable au lissage identitaire.

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  • ENGRENAGES

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    Dans les meilleurs films de Loach (Black Jack, Raining Stones, Sweet sixteen), l'engrenage tragique apparaît très proche de celui des plus beaux Gray (Little Odessa, The Yards). Mais là où le premier cherche à tout prix, et donc au risque de la démagogie, à trouver le grain de sable venant l'enrayer, le second tient à toujours mieux le huiler, à la limite cette fois de la complaisance.

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