Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • AMIE

    disque-l-homme-qui-en-savait-trop21.jpg

    La mort est belle, elle est notre amie : néanmoins, nous ne la reconnaissons pas, parce qu'elle se présente à nous masquée et que son masque nous épouvante.
     
    (Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe)
    Lien permanent 0 commentaire
  • CRUAUTÉ DISCOUNT

    18776570_jpg-r_640_600-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx.jpg

    Le-prix-a-payer_paysage_613x380.jpg

    Vu par mégarde le médiocre Prix à payer, tragédie conjugale, dont le plus savoureux est sans doute la candide remarque de Pierre Vavasseur dans le Parisien (« Au final, Alexandra Leclère, qui voulait sans doute, quelque part, parler d'amour, ne parle que d'argent. Que Nathalie Baye et Géraldine Pailhas aient cotisé à cette affaire laisse pantois. Et qu'une femme en soit à l'origine encore plus. »). Outrance des situations, vulgarité des dialogues, composition hystérique de comédiens célèbres et banalité forcenée de la mise en scène : toutes les cases sont remplies, le film n’a dû avoir aucune difficulté à se faire produire et distribuer.

    Même s’il est plus subtil, et dans son propos et dans sa réalisation, le récent Floride de Philippe Le Guay a un point commun avec le Prix à payer, l’incapacité à donner vie aux altercations. Les scènes de dispute, même violentes, les scènes où une tension est censée s’installer entre deux personnages, laissent systématiquement de marbre, n’ayant jamais que leur fausseté à revendiquer.

    Malgré les cris des comédiens, la verdeur voire la férocité du texte, on ne croit pas un instant à cette colère, on ne frémit pas à une seconde devant ces règlements de compte. Peut-être que l’une des raisons tient à la façon dont sont filmés ces duels : toujours en champ/contrechamp. Insulte de l’un/regard courroucé de l’autre/réplique injurieuse de ce dernier/sourire contrit du premier… Le découpage favorise ainsi le numéro d’acteur au détriment du moment de vérité. Il répartit les rôles avec minutie, passant par pertes et profits le caractère organique d’une querelle, la tension qui s’y organise, l’éventail de sentiments qui s’y mêlent.

    Parvenir à filmer en même temps, comme chez Pialat ou Garrel, plus rarement Doillon, le bourreau et la victime, le coup et sa réception, l’acte et sa conséquence, tous les renversements qu’une telle confrontation induit, suppose de laisser la séquence devenir inconfortable ; ce qu’il ne s’agit surtout pas d'envisager dans ces films à la véhémence encadrée et à la cruauté discount. Au risque de faire exploser le conformisme publicitaire de l’ensemble.

    Lien permanent 0 commentaire
  • CHIQUÉ

    l-ours-332883.jpg

    5605485977_d17dafdc09.jpg

    Revu tout récemment deux films français d'il y a une vingtaine d'années, effrayants de chiqué.

    L'Ours de Jean-Jacques Annaud, avec ses rajouts grotesques de couinements semblables à des gémissements d'enfant lorsque l'ourson perd sa mère, et ses soupirs tout aussi humanisés lorsque celui-ci assiste à un coït entre deux de ses congénères. Le problème n'est pas tant de filmer la vie sauvage comme une sitcom et les bêtes comme des ados à problèmes, tel le premier Walt Disney venu, mais d'oser prétendre saisir ainsi le monde animal dans sa vérité.

    Elisa de Jean Becker, qui fonctionne finalement à l'identique, affublant ses personnages vides et connivents, de tics langagiers, de costumes estampillés d'époque, de larmes obscènes et de grands sourires indulgents, comme si cela pouvait donner l'illusion de tranches de vie prises sur le vif.

    Au cinéma, l'anthropomorphisme ne concerne pas uniquement les films animaliers.

    Lien permanent 0 commentaire
  • LE TEMPS, CELUI QU'ON VEUT NOTRE

    0x600.jpg

    04_pepe_moko.jpg

    vlcsnap-2013-08-07-17h22m14s102.png

    Un critique du Monde a reproché à Ant-man de ne proposer que "des plans de moins de 3 secondes". Précisions d'emblée que cela n'est pas tout à fait exact, car lorsque le méchant explicite son trauma (il n'y a rien de plus confortable que l'explication par le trauma), c’est bien long, et lorsque le père coupable (de quel droit un père serait-il innocent ?) justifie ses actes, ça l’est encore plus. S'il n'y a pas de raison d'accorder ainsi au temps d'une séquence une valeur en soi, si le fétichisme de la durée du plan n'a pas grand sens, le montage n'en apparaît pas moins ici problématique : acmé/détente, paroxysme/période réfractaire, les loopings hollywoodiens ne fonctionnent qu’ainsi, de la lenteur jusqu’au grincement de dents et puis soudain la folle descente. Ainsi l’action se change-t-elle en chahut bruillon, jamais en tension organisée. Impossible d’y prendre part autrement qu'en spasmes et sursauts ; aucune incarnation des forces en présences ne s'envisage ; la seule identification qui vaille demeure celle de l’artéfact chassé de flux en flux.

     

    Ayant revu il y a quelques jours Pépé le moko de Duvivier, une autre impression, aussi désagréable, celle de se faire tout autant balader mais cette fois par la lenteur ostensible de certaines scènes : toutes celles qui voient Gabin rencontrer Mireille Balin. L’action s’immobilise, le cadre se rétrécit et le gros plan suréclairé s’expose sans pudeur. Quelques secondes en moins et cela suffirait à signer l’attirance de cet homme pour cette femme (donc déjà la conquête), la curiosité de cette femme pour cet homme (donc déjà le désir), mais en rallongeant le plan, en le détachant d'un récit convenu mais traité de manière plutôt enlevée, tout se brise sur  le chromo kitsch, l’artifice publicitaire, l’iconisation sans réplique.

     

    Dans Les Hommes de Daniel Vigne, revu pour Nicole Calfan (on serait même prêt pour elle à découvrir le seul film réalisé par Bernard Menez, les Ptites têtes…), sans doute l’un des plus rigoureux films de mafia du cinéma français, tous les plans se valent, tant en durée qu’en intensité. Ils sont fonctionnels, nets et précis, cadrant et montant à l'identique, la préparation d‘un casse, des retrouvailles, une filature, un adieu. Une prise d’otage comme la prise d’un verre de pastis. On pose le verre sur la table ; le garçon débouche la bouteille ; gestes de remplissage hors-champs tandis qu’autour du verre les regards se jaugent ; d’un geste assuré, le client le vide d’un trait. Le découpage est sans bavure. On n'y vibre pas à l’exquise odeur de l'anis mais on a le temps de voir s’enchainer les gestes de toujours… Oui mais voilà, si tout se vaut, rien ne s'exacerbe et la tragédie tourne court. Que devient le lyrisme quand aucun geste ne l’emporte ?

     

    Quelle est donc la durée juste d’un plan ? Celle qui laisse du temps au regard, sans forcer pour autant à la contemplation ? Qui donne les clefs d’un secret sans s’appesantir, mais sans pour autant traiter celles-ci de la même manière qu’un geste anodin ou une parole de circonstance ? Il semble plutôt que la durée d'un plan ne signifie rien tant qu'elle n'est pas ressaisie dans un rapport d'images. C’est la relation des durées entre elles qui racontent une histoire. La manière dont les formes se répondent, se complètent et s’opposent. S’il y a déséquilibre sans raison ou roulis sans heurts, rien ne nous est appris que le scénario ne délivre déjà. Ainsi Ant-manà tire d’aile, finira sans le moindre doute à bon port ; Gabin statufié ne s’en se laissera pas moins griser, emporter et donc tuer ; le drame de quelques mafieux s’oubliera aussi vite que le gout du pastis sur la langue. A l’inverse, si l’harmonie finit par naître des durées hétérogènes mais toujours justifiées, articulées entre elles comme les mouvements d'une œuvre musicale, si le montage devient ainsi un langage, comme chez Grémillon (le ramifié Remorques) ou Vecchiali (l'implacable Machine), le second n'étant pas pour rien admirateur du premier, on quitte le vertige inutile des attractions foraines ou des tours de passe-passe (le bavardage mensonger), on quitte tout autant la banalité naturaliste (le sermon), pour commencer à entrer dans le film comme dans une conversation.

     

    Lien permanent 7 commentaires
  • FATAL

    79f07419f659d7785822723e2e8674c5.jpg

    Ce plan des Aventuriers (1967), montrant Manu (Alain Delon) se dirigeant vers sa destinée (le Fort Boyard sera son tombeau), est récurrent chez Robert Enrico. Dans plusieurs de ses films en effet, un personnage fait face au spectateur, avec dans un recoin du cadre ou en arrière-plan, un objet, un décor ou un autre personnage qui plus tard signeront sa perte. Ce n'est que rétrospectivement d'ailleurs que ce plan apparaît pour ce qu'il est, à savoir la mise en scène d'une rencontre fatale.

    Mais ce plan est aussi la revanche du personnage sur l'acteur, la prise de possession, et donc le renversement, de l'image médiatique par la fiction cinématographique. A cette époque, Delon est sur toutes les couvertures des magazines, s'affichant sans cesse avec de nouvelles starlettes, se présentant pour le plus grand plaisir des photographes, allongé rêveusement sur un yacht, courant torse nu sur une plage, riant une cigarette aux lèvres avec la mer en toile de fond. Ce photogramme pourrait ainsi n'être qu'une mise en scène de plus de Delon, mais il n'en est rien, et la présence incongrue de ces fortifications monumentales (à l'époque laissées à l'abandon), est plus qu'un mauvais présage : c'est bien la mise à mort de Manu qui est ici annoncée.

    Des décennies plus tard, le Fort est repris à son tour par l'imagerie publicitaire, qui l'a tant édulcoré et banalisé en en faisant le théâtre de jeux grotesques, que ce plan pourrait à nouveau être pris pour ce qu'il n'est pas : une simple vue touristique d'une escapade de Delon en Charente-Maritime. A l'ère du tourisme de masse, un lieu n'a plus aucune chance d'apparaître comme une menace ou une promesse, simplement réduit à un vague signe de reconnaissance.

    Lien permanent 0 commentaire
  • NUS

     "L'intimité d'un être quelconque, sa façon de se comporter dans l'abandon, son regard au moment de la stupeur, l'aveu de son odeur : il y a quelque chose d'unique à découvrir et de caché derrière des murs et des murs qu'il faut franchir à ses risques, avant de plaire encore, pour mériter la dernière confiance, mieux, une confidence entière, dont la nudité n'est que la figure..."

    (Marcel Jouhandeau, Chronique d'une passion, 1949)

    critique-le-mepris-godard1.jpg

    Brigitte-Bardot-et-Maurice-Ronet--Les-Femmes--Blog-Bagnaud.jpg

    don-juan-73-de-roger-vadim-avec-brigitte-bardot-et-jane-birkin.jpg

    (Brigitte Bardot, respectivement dans Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963), Les Femmes de Jean Aurel (1969), Si Don Juan était une femme, de Roger Vadim (1973))

    Lien permanent 0 commentaire