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hitchcock

  • RETOUR AUX AFFAIRES

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    C'est bien souvent à côté de ce que l'on regarde que le drame se noue. On ne quitte pas des yeux, comme le lait sur le feu, l'objet de toutes nos attentions, et le voilà malgré tout qui s'échappe, attiré par ce que nous avions négligé, ce que nous n'avions pas su voir. On détourne le regard, après bien des regrets, de l'objet de tous nos tourments, et c'est au sein même de ce hors-champ préservé de toute souillure, que naît le danger.

    On croit tout observer, mais on ne sait que se laisser distraire.

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  • THE GHOST WRITER, DE ROMAN POLANSKI

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    The Ghost writer est sympathique en dépit de sa roublardise, ne serait-ce que parce qu'il s'obstine à tenir son sujet, à assumer sa progression dramatique sans rougir, c'est-à-dire sans jouer la digression, à oser maintenir de bout en bout un style et une morale néo-classiques quand d'autres enragent de n'être jamais assez post-modernes. Ainsi, l'image présente ne sera-t-elle jamais sûre (les apparences varient dangereusement des plans américains de l'intimité aux gros plans médiatiques) tandis que ce qui a été écrit, demeure déterminant, parce qu'il dévoile et révèle (un numéro de téléphone griffonné sur une pochette, certaines phrases d'un manuscrit, un ancien parcours par GPS, une révélation scandaleuse sur un bout de papier).

    Bien sûr, les relations entre les personnages de Polanski sont toujours aussi problématiques: il y a une véritable ambivalence empotée dans leurs liens, une difficulté à saisir chez l'un, le retentissement des propos de l'autre, à observer chez celui-ci les variations physiques, ou psychiques, favorisés par les agissements de celui-là, mais ce côté guindé et maladroit qui affleure dans chaque portrait de groupe comme dans la plupart des scènes intimistes, ajoute ici à l'atmosphère instable, concourt à la gêne du spectateur qui s'identifie au malaise du nègre de l'ex-premier ministre (le « ghost writer » du titre, sans aucune avance sur le spectateur et présent dans tous les plans), si bien qu'elle paraît acceptable. On rencontre toutefois cette même gaucherie relationnelle dans la plupart des films de Polanski, qui peut aller de soi au sein de la loufoquerie morbide de Cul-de-sac, de l'onirisme inquiétant du Locataire, du sous-texte paranoïaque de Rosemary's baby, mais paraît plutôt déplacée dans des films comme Pirates, Oliver Twist ou surtout Tess, laissant craindre une véritable incapacité à représenter des conflits et des attirances qui ne soient pas de l'ordre du simulacre, à proposer des rapports inter-individuels débarrassés de l'apparat du grotesque, même atténué. Tout comme la farce n'est souvent qu'une tragédie mal ficelée, l'ambiguïté des personnages n'est parfois qu'une approche des caractères mal dégrossie, une manière confortable, et assez arrogante, d'observer sans finesse. De même ces champs/contrechamps des plus classiques, où soudain l'axe se modifie, la focale s'élargie, un visage trop près de l'écran, une cigarette excessivement cadrée, comme pour mieux accentuer la tension dramatique, et dont on n'est jamais sûr, puisque les séquences suivantes reprennent une forme conventionnelle, que les écarts gentiment maniéristes soient bien volontaires.

    Il y a plus ennuyeux. Polanski, et cela demeure sans doute le meilleur du film, ne traite pas tant son héros selon des principes hitchcockiens que langiens puisque celui-ci a moins à faire avec une manipulation à déjouer qu'une culpabilité, la sienne, à refouler. Cependant, il ne fait respirer son film que par des détails sur-signifiants, éparpillés à intervalles réguliers, qui en atténuent la gravité et la replace dans un jeu verrouillé, où la justesse de l'enjeu moral compte moins finalement que le timing du découpage. Ainsi toutes ces vignettes (le jardinier qui lutte en vain contre le vent, la réceptionniste costumée de l'hôtel, le vieil Eli Wallach au discours décisif, les chaussons du nègre d'avant), qui apparaissent entre des rideaux, sous un couvre-lit, derrière une vitre, comme pour mieux assurer de leur nature théâtrale, viennent-elles alourdir le propos, secrets métaphoriques derrière la porte qui insistent et en rajoutent sur la valse des apparences et l'inutilité des énigmes, sur la satire comme horizon.

    Il serait vain de nier le plaisir que procure la vision de The Ghost writer, mais le plaisir aussi peut laisser sur sa faim.

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  • PROFONDEUR

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    Il y a ce terrifiant "couloir de 15 mètres", dans le Garde à vue de Claude Miller, distance infranchissable entre la chambre du notaire Martineau et celle de son épouse qui se refuse à lui. Le travelling avant se dirige lentement, dans la semi-obscurité, vers la porte du fond, entrouverte puis refermée. Esseulé d'une autre manière, Simonin, chez Pierre Jean Jouve, "se heurtait aux parois noires du petit couloir carrelé, malodorant, chez la cousine. Aucune lumière. Petit tube noir qu'il sentait de chaque côté, au bout duquel une porte sans doute laissait passer par en haut un trait mince de clarté douloureuse."

    Le mystère féminin s'éloigne (ou s'épuise ?) à mesure qu'on le cerne. Tout rapprochement (même le plus intime) en décuple secondairement l'inaccessibilité. Cette distance inspirant la crainte ou l'inquiétude, toujours contemporaine d'une femme qui se dérobe, c'est l'escalier filmé en plongée dans Vertigo d'Hitchcock, le souterrain semblant s'étirer dans Body double de de Palma, cette aristocrate qui le long de la perspective symétrique du jardin anglais, dans le Draughtsman's contract de Greenaway, perd peu à peu ses vêtements à chaque buisson contourné.

    Le plan américain consacre les couples modèles (après ou avant bien des épreuves), les discussions en écho, le champ/contrechamp égalitaire ; le plan-séquence joue sur le flux, le temps qui fuit, l'asymétrie des parcours. Là où les différences s'abolissaient frontalement, dans un simulacre d'union, la distance maintenant se creuse. Dans Le bûcher des vanités, à deux reprises, le malheureux Sherman Mc Coy voit s'échapper une femme de dos, tentant durant un bref plan-séquence en caméra subjective de la rattraper : sa femme vers les monumentales cuisines de son appartement, sa maîtresse dans la cohue d'une réception.

    L'effrayant corridor est bien là : malgré ces quelques mètres, jamais il ne pourra les rattraper, elles lui échapperont toutes deux, dans la profondeur de champ sans pitié qui rend, comme chez Lévinas, l'altérité inatteignable.

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  • IMAGES FILMEES

    Après avoir cherché, inlassablement, désespérément, pour trouver, et pour trouver même de l'anodin et du fortuit, en un temps où la compulsion mélancolique tenait lieu de programme et d'alibi, il convient désormais de promouvoir sa quête et de mettre en scène ses butins, pour mieux célébrer une époque qui fait des structures et des liens, des appels à la connivence.

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    Fenêtre sur cour, d'Alfred Hitchcock
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    Caché, de Michaël Haneke

    Et pour mémoire, avant que Jan Kounen n'ait enseveli Godard :
    " Dans Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl, le disours prend malheureusement souvent le pas sur l'esthétique..."
    -Riefenstahl avait un a priori lié aux idées nazies. Mais bizarrement, cet a priori est, à mes yeux, beaucoup moins "facho" que ce que l'on nous impose aujourd'hui...
    "Pourquoi ?"
    -Chez Riefenstahl, il y avait malgré tout un grand respect de la chose filmée. Il y avait une science du cadrage. Aujourd'hui, on étouffe sous une avalanche d'images filmées. N'importe qui peut s'improviser cameraman et penser qu'il fait un plan (...) Maintenant c'est le spectateur qui doit faire la différence. Encore faut-il qu'il possède un minimum d'esprit critique.
    (Extrait d'un entretien avec Jean-Luc Godard, paru dans L'équipe le 9 Mai 2001)

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