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C I N E M A T I Q U E - Page 14

  • AILLEURS

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    Frodon, l'anneau tellement serré qu'il étouffe, avance comme on rêve : sa marche s'enlise malgré le paysage affolant qui se déroule. Entre les hautes façades de briques, Yanka, la jolie possédée de Baby Blood, ressent cette même impression de flottement indécis lorsqu'elle semble voler dans la ville, la peur au ventre entre deux meurtres. Mais que l'on se rassure, rien ne s'effondre sinon nos certitudes enfin bousculées, bientôt l'anneau sera détruit et le monstre accouché, bientôt les regrets n'auront plus cours.

    Que dire aux hommes du ressentiment à qui on ne confierait même pas le reflet d'un anneau ? Que dire aux sbires sûrs de leur fait qui déploient leurs banderoles et leurs calicots en toute saison, n'ayant rien vécu qui leur permettent enfin la retenue et la mesure, n'ayant rien éprouvé qui puisse leur donner sinon une stature du moins une silhouette. Ombres molles qui vaticinent entre deux soubresauts, entre deux renvois, peuplant les marais qui mènent au Mordor, certains de leur singularité et pourtant légion. Déjà spectres mais défilant le menton avantageux, les uns après les autres sous les griffes de Yanka, la belle assoiffée qui les saigne sans même y penser. Pauvres de coeur, gollums parmi d'autres, qui donneraient tout pour quelques médailles, pour retrouver l'honneur, mais qui n'ont aucun roi à défendre vraiment, soupçonneux qu'ils sont de la moindre relique, et qui récitent en boucle leurs mantras périmés.

    Il n'y a rien à leur dire. Du moins n'est-ce pas à nous de leur dire. La guerre aujourd'hui même se fait sans eux, pendant leurs rixes ; et la paix les laissera sans joie. Il nous faut reprendre l'anneau sans qu'il nous pèse, il nous faut conquérir Yanka toujours renaissante. Ce n'est pas pour rien que Peter Jackson n'a que faire de Tom Bombadil, oubliant sans vergogne ce merry fellow dont l'exigeante morale est d'un autre temps. Il faut réapprendre, sans esbrouffe ni douleur, à suivre sa voie : rester hors de portée des fanfares comme des glaviots.

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  • INTERLUDE - Les Hautes solitudes, de Philippe Garrel

     Le visage de Jean Seberg, non pas lorsque portraituré, et c’est si souvent. Et souvent si beau. Quand, par exemple, la valeur éteinte de la lumière, la tonalité trotte-menue des nuances monochromes et la saturation basse où transparaît le poil du coton blanc qui sert de support à l’écran, nous suggèrent, pour elle seule et ses traits, en dépit du ridicule qu’on leur prête, le fragile langage bébé dont usent les amoureux et les baisers de toute l’âme qui volent à son secours.

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    Pourtant, le visage de Jean Seberg, non pas lorsque portraituré, mais le visage de Jean Seberg lorsque accompagné, lorsque suivi à hauteur vertueuse de ses pommettes. Alors, comme le long d’une haie de ronces – une mûre, rouge. De cette couleur au-delà du noir ou l’absolu du noir qu’est le rouge. Mûre, dont la rayonnante exception n’admet que la main d’un tiers pour la cueillir. Bienheureuse procuration. Si c’était possible. De regarder à la place de vivre.

     (Jacques Sicard)

     

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  • RUINES CIRCULAIRES (3)

     

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    LM : Usant de la satire ou de l'indulgence, tantôt conservateurs et tantôt amoureux d'une certaine forme de modernité, vos écrits ne permettent pas aisément de cerner votre point de vue sur le fameux "monde qui va tel qu'il va" : pourriez vous nous en dire quelques mots ?

     PZ : Vous savez "le monde qui va...", une description très précise en a été faite par Marx dans les premières lignes du Capital, par un auteur comme Tocqueville, ou un romancier comme Stendhal (à propos de ce dernier je me permets de renvoyer à une de mes notes consacrées à cet auteur : http://ruinescirculaires.free.fr/index.php?2008/12/17/488-xxxx) et je ne vois pas trop quoi ajouter, j'ai conscience de mes limites, au constat fait par ces personnalités et d'autres...

    Que vous ne puissiez pas aisément cerner mon point de vue m'apparaît plutôt comme un compliment. Au fond ce qui me gêne le plus, c'est le caractère factice de la plupart des débats, quelque soit le sujet on sait d'avance ce qui va être dit, facticité qui résulte de ce que j'appellerai l'entre-soi. Chacun s'adresse à un autre qui n'est au fond que lui-même (les blogs sont d'ailleurs une manifestation de ce phénomène et il est difficile d'y échapper, et rien ne dit que j'y arrive moi-même). Au fond ce qui a été perdu avec la modernité, c'est le sentiment de l'irréductible : ce qui chez l'autre n'est pas réductible à moi, ce qui chez l'autre s'oppose. Je pense à cette belle phrase de Claude Lévi-Strauss tirée des Mythologiques : "La ressemblance n'existe pas en soi : elle n'est qu'un cas particulier de la différence, celui ou la différence tend vers zéro." Tout le discours commun sur la différence n'est qu'un discours sur la ressemblance et le système fonctionne non pas éliminant ses marges mais à la façon d'un maelström en les replaçant en son centre.

    Ceci dit prenons garde de tomber dans les affirmations définitives. En octobre 1916, alors qu'il se trouvait en Afrique, Céline écrit à son amie Simone Saintu à propos du "monde tel qu'il va, tel qu'il est allé, tel qu'il ira": "Toute opinion sur d'aussi énormes transformations devient forcément emphatique et solennelle, et je hais le solennel – il convient mal à des organismes dont la durée moyenne est de 43 ans." Même si nous avons gagné une quarantaine d'années supplémentaires, je crois pouvoir dire, en guise de conclusion que, à l'instar de Céline, je n'aime guère le solennel.

     (A suivre)

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  • RUINES CIRCULAIRES (2)

    Nous avons donc posé quelques questions à l’inventeur de ces passionnants labyrinthes : 

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    LM : Pour commencer de but en blanc, avez-vous aujourd’hui les mêmes préférences qu’autrefois pour l’organisation de vos derniers moments ?

    PZ : Tout d'abord permettez-moi de vous remercier pour votre texte de présentation. Le blog est pour moi comme un genre mineur, mineur devant être compris comme un genre en soi, de la même manière que par exemple Vivant Denon, l'auteur de Point de lendemain, est un auteur mineur ou Don Weiss à qui l'on doit Les aventures d'Haji Baba un cinéaste mineur.Ceci posé, le blog doit alors, me semble-t-il, obéir à certaines règles : des textes relativement courts, la mise en relation d'une certaine forme de subjectivité affichée et d'un contenu plus objectif. L'équilibre est assez difficile à tenir, et l'écueil est de tomber dans la mise en avant d'un égo qui n'intéresse personne ou dans une production de textes, qui s'ils peuvent être intéressants, ressortent plutôt d'un travail universitaire ou bien, c'est le pire, du simple journalisme.

    Maintenant pour répondre plus directement à votre question, je dois avouer que je ne changerai pas grand chose à ce programme... L'idée étant de mettre un intervalle entre sa propre vie et sa mort (on retrouve cette formule dans les Mémoires de Saint-Simon), de retirer à cette dernière son caractère d'immédiateté et les œuvres et les auteurs que j'aimerai convoquer pour mes derniers instants me semblent, le point commun étant qu'ils manifestent une forme d’acquiescement à la vie, convenir parfaitement à cet effet.

    (A suivre)

     

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  • RUINES CIRCULAIRES (1)

    Cet entretien avec Pascal Zamor n'a malheureusement pu paraître dans la revue Eléments à laquelle il était initialement destiné. Le voici sur Cinématique, au décours de la présentation de son blog, "Ruines circulaires", qui elle en revanche est parue dans le dernier numéro.

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    Parmi les nombreux effets pervers d’Internet, on trouve en bonne place la réaction démesurée que suscite la médiocrité d’un grand nombre de blogs, pages personnelles qui ne cessent de gribouiller quelques ratures, de dérouler les coups de cœur non étayés et les coups de gueule consensuels, de lister soigneusement les produits de marque qu’ils sous-traitent «avec impertinence». Médiocrité satisfaite que certains ont décidé de contrer par d’interminables pensums, logorrhées indigestes qui dévoient le principe même du blog, journal éphémère supposant qu’on le veuille ou non, immédiateté et souci de relations, savant équilibre entre évanescence et réseau. A distance de ces textes fermés sur eux-mêmes, souvent ampoulés, rarement novateurs, aussi égotistes finalement que les régulières mises à jour des adulescents dysorthographiques qui forment le gros des troupes, certains blogueurs se démarquent par la notule subtile, la remarque éclairante, l’intuition saisissante et le rapprochement inédit. C’est le cas du blog « Ruines circulaires » de Pascal Zamor qui a su depuis quelques années retenir notre attention.

    Ecrit par un amateur éclairé de cinéma et de littérature, qui sans avoir l’air d’y toucher, sans jamais jouer au maître d’école ou au néophyte qu’il n’est pas, débusque sans ironie inopportune le ridicule du monde qui l’entoure et pointe sans malveillance mais sans hésitation, les travers de ceux qui le font tourner, ce journal n’est intime que par la bande et ne se contente jamais de proposer une simple compilation de critiques diverses. Alternant citations et extraits de films, évocations et souvenirs, de l’enfance en Guadeloupe aux déambulations parisiennes, de Hugo à Bresson, d’une série US au dernier Houellebecq, de Modiano au jazz et de Tina Aumont à Stéphane Audran, ces notules sont l’œuvre d’un « papiste athée », d’un « mélancolique hilare », sorte de mécontemporain pour reprendre le beau néologisme de Finkielkraut, qui de riches découvertes en mauvaises surprises, ne cesse de trouver du grain à moudre malgré ses dires. « L’immense avantage du monde qui va tel qu’il va, assure-t-il, c’est qu’il ne nous étonne plus. Sa prévisibilité est finalement assez reposante ». Cela n’empêche pas l’auteur de contredire à tout instant cette supposée platitude, qui n’est qu’un leurre de plus, dénichant sous son intitulé borgésien quantité de chemins de traverse et de passerelles érudites, dont on aura une idée en parcourant son « anthologie portative du fantastique en littérature », ou bien cette note brillante qui passe de Robert Altman à la série Lost, après un détour par Benjamin Constant et Tocqueville, qui aborde ainsi la question de la narration, de ses déchirures à sa maîtrise, dressant en quelques lignes un portrait évolutif de la machinerie hollywoodienne. Cet éclectisme raisonné apparaît on ne peut mieux dans l’une de ses toutes premières notes, il y a plus de cinq ans de cela, où il nous révélait le désir de passer ses derniers instants « en compagnie de Saint-Simon, de Borges et de Joyce, (de) revoir une fois de plus Rio Bravo, quelques films de Mizoguchi, et (d’) écouter La Jeune fille et la mort de Schubert ».

    (A suivre)

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  • POLISSE

    polisse, maïwenn

    Polisse est un film assez dégoûtant.

    D'abord parce que dans la lignée des films-français-réalistes-et-sans-concessions-sur-le-quotidien-des-policiers-qui-sont-des-hommes-et-des-femmes-comme-les-autres-avec-leurs-périodes-de-doutes-mais-aussi-leur-héroïsme-méconnu, il tient à marquer sa différence non pas dans la manière de filmer (aucune surprise ici, nous aurons droit aux huis-clos enfumés, teigneux ou rigolards cadrés au plus près et aux échappées caméra à l'épaule, en mission ou en boîte de nuit), non pas dans le principe de mêler tête d'affiche et seconds couteaux dans la même quête obscène de phrases-chocs, de scènes-clefs, de révélations délicates et de running-gags, mais dans la surenchère scénaristique : on se permettait de taper sur "l'Arabe" dans L627 parce que derrière l'Arabe, il y avait le dealer : on se permet donc de taper sur "l'Arabe" dans Polisse, parce que derrière l'Arabe il y a l'intégriste (catharsis banale de cinéastes courageusement engagés dans l'antiracisme confusionnel); le Petit Lieutenant mourrait en mission sans prévenir ? Ici un membre de la brigade se suicidera juste avant le clap de fin (das le prochain, on peut logiquement s'attendre à ce qu'un policier en tue un autre, ah non, déjà fait)

    Mais c'est surtout le découpage qui reste le plus abject, chosisssant pour certaines histoires, pour certaines victimes, le passage bref devant les enquêteurs (quand il s'agit d'enfiler des perles sociétales et surtout balayer tout le spectre des cas cliniques car le film tient beaucoup à nous rassurer sur sa démarche de vérité, sur la solidité de ses assises documentaires), et puis pour d'autres, la longue séquence prétexte aux pétages de plomb, aux accès de larmes, aux fous-rires, prétexte uniquement à cela d'ailleurs : ainsi la séparation entre le fils et la mère car celle-ci ne trouve pas de foyer pouvant les prendre ensemble, est-elle assurée dès lors que le film s'arrête dix bonnes minutes sur le sujet. Polisse ne cesse ainsi d'osciller entre la froideur du calcul statistique et l'obscénité du regard intrusif (il faut voir le resserrement lentement progressif du cadre sur l'enfant qui hurle de douleur), catalogue de faits bruts servant d'alibis aux complaisantes microfictions mélodramatiques. Plus encore que cette alternance, il y a aussi l'odieux montage alterné qui contredit d'ailleurs le mouvement même du film, jusque là en flux tendu chronologique avec points de vue exclusifs des membres de la Brigade, montage alterné qui insère entre deux enquêtes quelques saynètes sur un couple distingué, dans son intérieur luxueux, et dont on devine peu à peu l'inavouable secret (le père couche avec sa fille). Le suspens qui est ici mis en place (à quel moment la femme va intervenir, quels gestes ou quelles mimique entre le père et sa fille vont nous en dire long, comment va se passer l'arrestation, est-ce qu'au moins Joeystarr va se défouler sur le gars parce que là, franchement, on sera prêt à tout lui passer au ténébreux Joey) atteint ainsi les limites de la manipulation du spectateur, comme n'importe quel film de Joël Schumacher, d'autant que le pédophile se révélera bien entendu protégé par les puissants et qu'il en rajoutera dans le scandaleux en se vantant. Cinématographiquement insauvable, il n'est là que pour justifier la gifle du policier qui soulage toute la salle, vraiment révoltée que de tels individus existent.

    Polisse est ainsi un film prétentieux, mais surtout retors, qui se sert d'histoires certes vraies mais désincarnées par la schématisation, la moquerie (l'atroce scène avec la gamine reconnaissant exécuter des fellations pour un portable et dont toute l 'équipe se moque) ou la sacralisation inappropriées, dans le but ultime de sertir les histoires d'amour et de famille de la réalisatrice.

    La sociologie dévoyée comme ingrédient à l'auto-apitoiement sentimental, la scénarisation du réel comme contrechamp à l'inestimable fiction de soi. On ne peut faire plus désespérément moderne.

     

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  • ALIENATION

     

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    Il ya ceux qui font de leurs plaintes vaguement romancées un art de vivre, qui ont la culture sentimentale, toujours prompts à souligner d'une larme retenue le travail de leurs si proches prochains. Et puis il y a ceux qui se damneraient plutôt que d'avouer leur peine, dévorant à belles dents les beaux soucis de leurs voisins.

    Ah L'indifférence... Vertu intenable en période de transparence.

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  • UN DERNIER POUR LA ROUTE

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    Se laisser porter par les événements ou tenter de les orienter ? Suivre sa pente ou se faire violence ? Prendre part ou prendre parti ? Méditer ou militer ? La Gîta ou Steve Jobs ? Vous êtes coincé entre le héros soudain volontariste de Big Fish et Tarzan à la merci de l'éléphant qui l'enserrant de sa trompe, le dépose chez lui ; coincé entre les deux seuls mots d'ordre encore audibles aujourd'hui, "carpe diem" et "Do it !".

    Vous aimeriez avoir le regard tranquille, mais vos mains... Vous paradez l'air ailleurs, et pénétrez peu à peu tous les cercles en faisant mine de vous intéresser à leurs marges. Vous lisez Le Point, mais en opinant du chef à chaque envolée de Montebourg. Vous vous encanaillez avec Foenkinos tout en regrettant la carrure de Léautaud. Vous vous perdez dans les méandres numériques sans même avoir entendu parler de High Sierra.

    Vous n'êtes pas facile à coincer et pour quelque temps encore tout vous sourit, héraut de la décadence pop gentiment déboussolé, tyran placide jamais remis en question, future chair à canon.

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  • BOY MEETS GIRL

    Vous enragez d'être faible alors qu'elle s'en fait gloire. Vous cachez vos échecs sous la morgue du style mais elle s'en pare et cela devient son style. Vous fuyez vos défauts tandis qu'elle cultive les siens. Vous étiez pourtant certain que le genre était une notion désuète, que les hommes étaient des femmes comme les autres et les femmes des mecs à frime bourrés d'aspirine. Vous avez écouté Mr Fassin et Mlle Sorman avec le plus d'attention possible, et pourtant rien à faire, votre fils de trois ans n'a d'yeux que pour les tracteurs...

    l'homme qui rétrécit, Jack Arnold, le spetième voyage de Sinbad, Nathan Jura, Eric Fassin Joy Sorman

    Vous jouez à être fort, elle joue de sa fragilité. Vous luttez contre ce qui vous oppresse, jamais en repos, comme le héros de Jack Arnold qui à chaque fois qu'il rétrécit rencontre des périls plus grands. Elle rit de ses chaînes, sachant qu'elle saura s'en servir pour vaincre, comme la princesse amoureuse du Sinbad de Nathan Jura, jamais aussi souriante que lorsqu'elle est piégée par le magicien et réduite à la taille d'un oiseau.

    l'homme qui rétrécit, Jack Arnold, le spetième voyage de Sinbad, Nathan Jura, Eric Fassin Joy Sorman

    Vous sentez bien qu'entre elle et vous, il n'y a pas de confusion possible, que si le jeu est le même, vous vous accommodez fort différement des règles. Vous savez que si vous êtes pris, et comment ne le seriez-vous pas, elle sera quoi qu'il arrive toujours à prendre.

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  • BON SOLDAT

    Il y a les traditions que vous tentez avec plus ou moins de bonheur de perpétuer et puis toutes les échappées qui vous attirent. Le respect de la parole donnée et l'envie de trahir tout ce qui mérite de l'être. Vous êtes plutôt du genre inconséquent (l'esprit de sérieux est si mal vu), comme les gaullistes libéraux, les socialistes de marché et les communistes démocrates. Vous allez de mal en pis mais la tête haute.

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    Les nobles ancêtres dont vous ne cessez de vous réclamer vous jaugent, comme ceux du tableau de Frans Hals chez Greenaway, et le peuple que vous sacralisez vous juge, comme le public qui hue les bourgeois de Bunuel. Vous n'êtes digne ni des uns ni des autres, ayant oublié ce qui vous distingue, défendant farouchement vos privilèges tout en étant le premier à les renier, vous empressant de prendre votre part. Qui aujourd'hui peut se targuer de ne pas céder à la goinfrerie ?

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    Auditeur, spectateur, consommateur, vous allez voter comme tout le monde, puis geindre comme tout le monde. Vous vous rêvez en maître du jeu mais savez surtout passer les plats : l'avenir vous appartient.

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  • RESSENTIMENT

    Vous la regardez à la dérobée. D'ailleurs vous les regardez toutes à la dérobée. Sur sa paupière le fard a un peu coulé, et puis la couleur qu'elle a choisie pour ses cheveux, trop noire, a laissé une traînée peu engageante sur le haut du front. Elle vous inspire cependant. Pour elle, vous pourriez vous mettre au hip-hop, à la vodka, aux essais de Joy Sorman ou aux films sans Jean Dujardin, car vous n'ignorez pas que tout cela est tendance, et qu'il est probable qu'elle aime être à la mode.

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    Vous la méprisez déjà. C'est-à-dire que vous la désirez tellement que vous lui en voulez. Vous avez envie de la blesser et qu'elle vous en remercie. C'est en malmenant durement son pied que Tarzan conquiert Jane, avant le Code Hays, alors que le pauvre James Mason, tout attentionné à lui faire les ongles, ne recueillera que du mépris de la part de Lolita. Vous savez tout cela, le sourire épanoui d'Anne Sinclair sous l'outrage, toutes ces femmes au bras de brutes et vous qui les regardez passer, avec votre sourire contrit et vos projets de week-end en bord de Loire.

    Tarzan, Maureen o'Sullivan, Code Hays, James Mason, Lolita, Kubrick, Ovidie, Virginie Despente, Féminisme pro-sexe, Jy Sorman

    Elle se lève et vous n'osez pas un geste pour la retenir. Vous vous voyez déjà en tyran doux de Sofitel mais faites la queue comme tout le monde, sous la férule sans charme des femmes d'aujourd'hui, sous le joug triste de Despentes et Ovidie. Moderne accompli, vous avez tout oublié, sauf le ressentiment. Elle quitte la pièce sans un regard ; bravache vous voterez Eva Joly.

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  • MASCULIN FEMININ

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    Vous êtes là, même pas morose, assis sur cette chaise en bois, et tout à coup les autres clients du bar, les gémissements de Shakira, l'odeur d'oeufs trop cuits, la petite rainure de la table pleine de miettes, tout cela s'estompe ou plutôt se réhausse : vous êtes à présent ce grand type là-bas qui rit fort en buvant par petites gorgées, vous êtes au même instant ce verre de bière oublié sur le comptoir, et cet air entêtant, et ce sentiment de grisaille tiède, et même là-bas cette fille triste aux ongles bleus. Votre corps se dissout et se remodèle, votre esprit suit sa pente d'objets inanimés en badauds volubiles, d'odeurs en émotions, d'autres à soi. Vous n'avez plus d'identité, enfermé dans la jarre, comme l'ouvrier de Kaos que les Taviani soumettent au supplice avant d'en faire un héros. Prisonnier de pensées contradictoires mais riche de tous les côtoiements, vous êtes soudain avec fierté le grand architecte de ce qui vous enserre.

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    Elle au contraire, loin de vos tourments intimes, resplendit avec bonheur. Tout lui sourit et connaître votre existence ne changerait certainement rien à sa victoire perpétuelle. A chaque instant, elle jaillit. Vibrante de lumière et de sexe, au faîte de sa gloire, comme l'héroïne de Showgirls que Verhoeven mène sans aménité en haut des marches. Derrière son masque, vous espérez des trahisons et des mensonges, des reniements et beaucoup de peine. Vous l'imaginez exactement comme dans ce film magistralement vulgaire.

    Vous oublié dans la jarre, et pourtant sans limites ; elle habitant tous les regards, fille à jamais perdue.

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  • CONTRE LE MONDE ENTIER, TOUT CONTRE

    Philippe Ramos, Capitaine Achab

    Un peu comme Emmanuel Mouret fait dans l'érotomanie tempérée, Philippe Ramos choisit l'exaltation calme, et la lumière plutôt que la flamme. Et comme le cinéma de Mouret s'avère malgré sa tiédeur apparente, extrêmement sensuel, celui de Ramos transporte malgré sa retenue. Sans se cacher derrière les effets spéciaux, les cymbales, la caméra qui virevolte, le cinéaste propose en effet de raconter Moby Dick à partir de quelques instants, de quelques figures, de quelques douleurs, qui peuplent la mémoire d'un homme. Contre, tout contre le monde entier, voilà le Capitaine Achab, décrit avec précision depuis son enfance dans les bois.

    Raconter Moby Dick mais sans le monstre, ou presque, ou plutôt donner à voir le monde que celui-ci recèle, que celui-ci contient, ce monde à pénétrer et ce monde qui blesse tant, ce monde à comprendre alors qu'il ne vous a pas laissé de place. La forêt profonde comme la mer immense, les femmes contre qui on se heurte et la peau épaisse de la baleine, l'envie de rejoindre son père et celui d'harponner la bête, l'incompréhension et le silence plutôt que le vacarme des revendications savantes.

    (la critique entière ici)

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  • CINEMATIQUE

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    Sous le masque, les postiches.

    Une nouvelle formule, autrement dit de nouveaux contrôles, en probable préparation.

    Pour le reste, tout est fini mais les suites se multiplient, comme si l'histoire osait encore. 

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