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C I N E M A T I Q U E - Page 18

  • 82

    Lorsqu'un cinéaste est interrogé sur sa "filiation contrariée qui fait de lui un héritier de Kubrick (ou de Bergman)", un écrivain sur "son rapport au style digne des questionnements d'un Céline", la réaction la plus vaniteuse que je connaisse est contenue dans cette réponse emplie d'humilité - "c'est à vous de le dire, pas à moi" -, prouvant sans doute possible que le graphomane ou le tâcheron ainsi flatté n'a nullement perçu le piège, que pas un instant il n'a réalisé l'énormité de telles comparaisons. C'est dire où il se place.

    Sur les hauteurs du plateau, le Mont-Blanc reste voilé, à peine discernable en ce dimanche, profilant sans pudeur sa pyramide alourdie.

    Plus il a de femmes autour de lui, plus il déporte son buste vers l'avant, comme pour une confidence, avant de le rejeter ensuite brusquement en arrière, comme s'il en avait déjà trop dit. Certaines de celles qui l'entourent ont manifestement compris la rythmique de sa parade amoureuse, et boivent en plissant leurs yeux moqueurs ; deux plus âgées en revanche semblent persuadées de son charisme, ou du moins tiennent à le faire croire, si bien qu'elles prennent des mines délicieusement ahuries. Aucune Saint-Valentin ne changera les étapes de l'amour : de l'ironie à la bêtise.

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  • 81

    Au temps des dictatures de l'Est, seuls quelques membres du PC ou de beaux artistes conquis en revenaient émus, totalement aveugles à ce qui s'y déroulait. Aujourd'hui, des millions de crétins en bermuda n'ont rien vu à Djerba. Et on voudrait nous faire croire que le problème est politique ?

    Se prendre pour un rempart, et vouloir sans cesse le prouver haut et fort, c'est n'avoir jamais sérieusement sondé ses fondations. La solidité d'une vision ou d'un principe tient au contraire à ce qu'elle s'éprouve sans se justifier. L'indigné ne se connaît pas.

    La fièvre m'empêche de bien distinguer les traits de Philippe Tesson, dans cette émission assez lamentable présentée par Guillaume Durand. Un court instant il me semble même qu'il fait des grimaces épouvantables et d'odieux bruits de gorge, tandis que les invités, extrêmement mal à l'aise, soliloquent à toute vitesse pour dissiper la gêne, Frédéric Bonnaud s'étirant le cou jusqu'au craquement, Josyane Balasko cambrée sans raison, les autres gardant les yeux baissés un méchant sourire aux lèvres. France Télévision + 39° = Gombrowicz.

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  • 80

    Les donneurs d'avis culturels, qui décernent les médailles, dressent les tableaux d'honneur et montrent du doigt en huant, se séparent en deux groupes apparemmment opposés : ceux qui oublient, négligent ou vomissent le passé (on n'est pour eux jamais assez moderne) ; ceux qui ne commencent à admirer un artiste qu'avec un délai d'au moins cinquante ans entre sa mort et leur précieuse opinion (le déclin, vous comprenez). Ces deux attitudes sont évidemment similaires, dans les deux cas, une conception linéaire de l'Art, une idéologie que l'on peut qualifier de darwinienne ou de contre-darwinienne, est appliquée sans aucune nuance aux créations artistiques, celles-ci devant expressément illustrer la perpétuelle amélioration ou l'inexorable déperdition.

    Lorsqu'elle ouvrit la porte ce soir-là, trois émotions successives parcoururent son visage, l'étonnement las, le faible agacement et puis l'acceptation douce.

    J'aimerais bien comprendre pourquoi plus aucune femme n'a le sourire de Donna Reed ou le haussement d'épaules de Delphine Seyrig, alors qu'à leur époque, la grâce de ces gestes et expressions allait de soi : soit l'éternel féminin a muté, soit je n'ai pas assez bien regardé.

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  • 79

    Pour savoir comment les autres vous voient et l'accepter, il ne sert à rien de se ruiner en manuels de psychologie : l'achat de deux miroirs suffit et il convient alors de regarder dans l'un son reflet renvoyé par l'autre.

    Je n'ai jamais aimé les textes laborieux de Pierre Perret. Et encore moins cette vague aura subversive qui le précède depuis que Jane Birkin a chanté le Zizi en rougissant ou que des dizaines d'enfants ont libéré des oiseaux nés en captivité, les conduisant directement dans la gueule des chats. Suintant la moraline, ses pauvres rimes sont certes un cran au-dessus de celles de Bénabar, mais enfin, à ce compte-là...

    Qu'est-ce donc que cette « Monoforme » que Peter Watkins vilipende ?  C’est cette manière de filmer à l’identique de Paris à Hong-Kong et de Rio à New York, cette facture lise constituée d'un « mitraillage dense et rapide de sons et d’images, structure apparemment fluide mais structurellement fragmentée qui nous est devenue si familière […], dont les variantes ont des caractéristiques communes : répétitives, prévisibles et fermées à toute participation des spectateurs », soit l’inverse exact de son cinéma qui renvoyant dos à dos fascination et distanciation, libère le spectateur parce qu’il lui redonne du temps et de l’espace. L’audacieuse esthétique de Peter Watkins est ainsi cohérente avec sa contestation politique : battant en brèche les divers régimes d’images hypnotiques, il est l’un des rares à s’opposer aussi bien à l’effacement des identités qu’à l’essentialisme identitaire.

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  • 78

    Ils ne cessent de critiquer la masse, de décrier les réussites trop voyantes, de juger de haut les succès populaires, et puis dès qu'ils veulent vous attaquer, ils gloussent sur votre supposé petit nombre de lecteurs. Ce sont des gens qui se flattent d'avoir "plus d'amis que d'ennemis", comme si, là encore, la quantité faisait sens.

    Kill Bill 1. L'ambivalence du Père (Bill le meurtrier mais aussi le fabricant de sabre protecteur) ; l'immaturité du Fils (tous les hommes jeunes supprimés, ou plus simplement encore, fessés) ; la féminisation de l'Esprit (c'est bien la volonté des femmes qui dirige le récit de bout en bout) : Tarantino exprime très bien que c'est le christianisme déliquescent, "mondanisé", qui conduit au matriarcat.

    Chez Ellroy, Ava Gardner fait les cents pas le long d'une piscine avant de faire un doigt d'honneur à un ancien amant manipulateur. Chez Mc Carthy, la gratuité d'une telle scène est impensable, trop raide, trop riche de sous-entendus sur le fonctionnement d'une époque entière ; sa trivialité est ailleurs, dans la pseudo-limpidité de ses dispositifs, qui sentent la règle de trois et le programme.

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  • 77

    "L'indignation est un péché plus grave que le mensonge", disait Abellio. C'est d'ailleurs sans doute pour cela qu'elle le recouvre si bien.

    Elle ressemble soudain à Audrey Hepburn, le temps d'une pause inattendue, et puis sa hâte la reprend et voilà déjà l'illusion défaite.

    Grey's Anatomy. Une série baudrillardienne qui ne tourne qu'autour du polymorphisme de la séduction, avec de ce fait des discussions à deux ou trois intervenants toujours extrêmement découpées, variant les sentiments à l'infini, et des scènes de sexe monotones à l'excès (plan fixe de six secondes où le couple en gros plan se heurte à un mur, parfois une grille).

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  • 74

    Il y a d'authentiques nostalgiques parmi ceux qui déplorent la mort du cinéma, la fin de la littérature ou la décadence de l'art pictural, et puis il y a aussi de fieffés profiteurs qui sans larmes ni vrais regrets, s'empressent, à hauts cris, de s'en désoler ; sans même réaliser que ce passéisme vintage n'est qu'une expression de plus du désastre, voire la plupart du temps un bon moyen de placer ses amis.

    Se dépouiller de toutes les armures et de toutes les tuniques, c'est croire qu'il existe sous elles, enfoui et essentiel, un Moi inaltérable. Or celui-ci n'est peut-être qu'un leurre de plus, égrégore sans cesse renaissant fabriqué de toutes pièces.

    L'oignon a beau perdre une à une toutes ses pelures, il n'en gagne pas pour autant un noyau.

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  • 72

    Intrigante aux yeux pers cherche colocataire pour stratagèmes et confidences. Pervers s'abstenir.

    Bel homme, la cinquantaine sportive, la situation confortable et les revenus conséquents (relations nombreuses et bien placées) cherche l'Ame soeur, celle qui sera enfin son "Autre". Coquines acceptées.

    Actrice de renom, s'étant ces dernières années consacrée à cultiver son jardin, cherche blockbuster exigeant ou film intimiste en tête d'affiche.

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  • 71

    La roue tourne si bien que les inconnus d'hier sont déjà les oubliés de demain.

    "Il n'y a que deux écrivains qui comptent pour moi, le Zola de l'Assommoir et Maxime Chattam" / "C'est parce que tu ne connais pas encore Millenium !"

    Je suis très heureux que Céline soit retiré des Célébrations Nationales de cette année : l'idée d'une "Nuit Céline", avec lecture publique du Voyage dans un passage Choiseul éclairé aux bougies parfumées, ou le projet estival d'un parcours interactif, dans divers lieux-clés de son oeuvre, avec hôtesses avenantes badgées LFC et texte lu par Dussolier, me mettaient assez mal à l'aise.

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  • 70

    Si l'on part d'un principe bille en tête, on se donne toutes les chances de célébrer, en fin de course, son exact contraire.

    A force de ne rien espérer trop fort, tout finit par arriver un peu.

    "Oui, mais si on va par là..." : l'expression sous-entend qu'alors tout devient possible, qu'alors tout est permis, que plus rien ne vaut, que c'est la porte ouverte à tout. Ce chemin qu'il est si indécent d'emprunter, ce tout qui s'engouffre par la porte honteusement ouverte, c'est Old Boy de Park Chan-wook. Voilà un film qui "va par là", pour le meilleur et pour le pire, et qu'il est ainsi impossible de respecter comme de détester : du cinéma vaniteux, boursouflé, mais fulgurant ; des plans calculés, fiers de leur chiqué, mais riches de leur fougue ; une esthétique outrancière, sans point de vue, mais sans oeillères.

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  • 69

    Septuagénaire sans envergure ni discernement cherche jeune femme au style inimitable. Sincérité exigée.

    JF à forte personnalité recherche homme courtois, posé et aimant les enfants, afin d'en assurer la garde en soirée, fêtes et jours fériés. Dilettantes s'abstenir.

    Cherche homme ou femmes entre 20 et 31 ans, ayant déjà travaillé dans la pub ou le mannequinat, pour film social sans concessions.

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  • 68

    Le pitre s'ébat dans tous les milieux et toutes les professions. Il est aisément reconnaissable. Son emphase grotesque en premier lieu (les Droits de l'Homme, la Patrie, le Rock, la Littérature ou le Logos...) et puis cette incapacité à percevoir la risée dont il est l'objet. Le pitre est souvent en première ligne dans les conversations ou les plateaux-télé : il est inoffensif mais paie pour les autres ; il s'avère qui plus est un allié utile lorsqu'il s'agit de discréditer pour longtemps la théorie, le principe ou l'oeuvre dont il s'est fait le héraut.

    Ce n'est pas quand on n'a rien à dire qu'il convient de se taire, c'est au contraire lorsqu'on sait, qu'il faut enfin faire silence.

    Impossible de me souvenir du film dont ce plan-séquence est issu : du fond d'une pièce sans meubles, une femme en chemisier et tailleur s'avance vers la caméra jusqu'au fondu au noir ; lorsque l'image réapparaît, la femme vue de dos s'éloigne par le même chemin, cette fois vêtue en religieuse. Arrivée à son point de départ, au fond de cette pièce sans meubles, elle se retourne et elle est nue.

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  • 67

    Ceux qui ne sont pas leur plus impitoyable juge finissent toujours par vous déclarer coupable.

    Les oeuvres d'art ne peuvent remplacer la personne manquante, mais ce sont elles pourtant qui vous apprennent ce qu'elle était, ce qu'elle fait, ce qu'elle deviendra. Ainsi un film peut-il être une efficace agence de renseignements et un roman l'utile vade mecum de notre existence.

    Je l'observe à la dérobée depuis le début du repas : le tic nerveux qui déporte vers la gauche son beau et large sourire, annule idéalement son pouvoir de séduction ; il s'associe malheureusement à un clignement intempestif de la paupière qui gâchant la belle neutralité ainsi obtenue, change ce visage en grimace.

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  • 66

    Tout est bâti sur du sable, et jusqu'à notre mémoire, si bien que nous ne cessons d'oublier cette évidence pour mieux reprendre, après chaque effondrement, une brique de plus.

    Ceux qui défendent le libéralisme se retranchent derrière le fait qu'il s'agit moins d'une idéologie que d'une physique sociale, salutaire puisqu'inéluctable. C'est ni plus ni moins ainsi que certains marxistes considèrent la lutte des classes.

    Mutantes de Virginie Despentes : post-modernes par excellence, les philosophes queer et les penseurs trans-genres affirment inventer le monde de demain alors qu'ils sont prisonniers de toutes les grilles d'hier, telles la fascisation de l'ennemi ou le culte des alternatives viciées (libération/conditionnement ; normatif/dissident).

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