L'hitchcockienne liste de Issa.
1 - Quel est le plus beau meurtre cinématographique ?
Sans doute celui qu'on imagine, lors du plan-séquence de Frenzy, où Hitchcock laisse une jeune femme avec le meurtrier lui annonçant qu'elle est tout à fait son genre : la caméra s'éloigne lentement de l'appartement, de l'immeuble, de la rue, rejoignant le brouhaha de la ville qui couvre si bien les cris.
2 - Quel est à vos yeux le cinéaste le plus morbide ?
Quentin Tarantino, pour son obsession de la menace, de la vengeance, du réglement du comptes entre futures victimes ; pour sa désinvolture ou ses sarcasmes lorsqu'un personnage succombe ; pour son goût du sang et sa libido commémorative.
3 - Et le film le plus macabre ?
Sans hésiter Cris et chuchotements de Bergman, le plus maladif de ses films étouffants.
4 - Quel est le personnage dont la mort à l'écran vous a le plus ému ?
Celle de Nana, au tout dernier plan de Vivre sa vie de Godard, qui clôt aussi, irrémédiablement, ce que Jérôme Leroy appelle le monde d'avant.
5 - Celle qui vous a le plus soulagé ?
Le départ précipité de Bobby Peru dans Sailor et Lula de Lynch. En le revoyant récemment toutefois, l'outrance de ce film m'a semblé bien artificielle et le pervers édenté joué par William Dafoe plus comique qu'effrayant.
6 - Quel est votre zombi favori ?
N'importe lequel parmi ceux qui se livrent à des exactions en brefs plans rapprochés, dans le Zombie monté par Argento, la seule version qui compte.
7 - Pour quelle arme du crime, gardez-vous un faible ?
Dans l'absurde opposition entre le verbe et l'image, il est illusoire de trancher : un bon livre, page après page, peut être très cinégénique, comme le Dario Argento de Ténèbres le prouve.
8 - Quelle personnification de la mort vous a le plus marqué ?
Jessica Lange en mariée funèbre, dans le très beau All that jazz, de Bob Fosse, affectueuse, compatissante, à peine insistante, presque une muse.
9 - Quelle séquence d'enterrement vous a semblé la moins convenue ?
Le long plan-séquence final du Troisième homme de Carol Reed, qui fait parcourir à une femme toute la profondeur de champ d'une longue avenue du cimetière, après l'enterrement de celui qu'elle aimait, sous les yeux de celui qui espère qu'elle s'arrête. Mais elle ne s'arrête pas.
10 - Quel est votre fantôme fétiche ?
Je garde le souvenir de celui du sergent Lee Ermey dans Fantômes contre fantômes de Peter Jackson, parodiant avec bouffonnerie le rôle traumatisant qu'il avait tenu dans Full Metal Jacket de Kibrick, celui-ci s'inspirant de son propre personnage. Une mise en abyme complète des grandeurs et petitesses du cinéma.
11 - Avez-vous déjà souhaité la mort d'un personnage ?
Oui, celle de l'insupportable prisonnier de La ligne Verte (Franck Darabont), Messie de pacotille et crétin grandiloquent qui met un temps fou (3h09) à mettre tout le monde dans sa poche.
12 - A l'approche de votre mort, si vous aviez le temps de mettre en ordre vos affaires, quel film souhaiteriez-vous avoir la possibilité de regarder une toute dernière fois ?
Mauvais sang de Léos Carax, qui ne dépeint d'ailleurs que les derniers jours, sublimes et douloureux, qui précèdent l'inévitable départ de Langue pendue (Denis Lavant), inadapté magnifique.
13 - Pour quel tueur en séries avez-vous de la fascination ou à défaut de l'indulgence ?
Mocky emploie son temps à passer par les armes tous les salauds bien placés. Dans La machine à découdre, cette activité devient littérale et son rôle de tueur en série incontrôlable lui va comme un gant.
14 - Quel est votre vampire de chevet ?
Katrina jouée par Sheryl Lee dans Vampires de Carpenter, femme mordue, femme-symbole, qui passe peu à peu de l'empathie à la sauvagerie.
15 - Quel film retenez-vous parmi tous ceux dont le titre (original ou traduit) évoque la mort ?
The Dead de Huston, superbe.
16 - Rédigez en quelques lignes la future notice nécrologique d'une personnalité du cinéma
J'entends déjà "Le grand saut du Guépard" avec une photo du plongeon dans La Piscine ou "Rocco a rejoint ses frères" avec quelques portraits de Gabin et de Ventura, ou encore "le dernier samouraï". Delon aura droit à tous les jeux de mots qui fleurissent misérablement à chaque départ d'acteurs ou de cinéastes trop grands pour l'époque. Cela dit, il est presque le dernier.
17 - Quelle représentation d'exécution capitale vous a semblé la plus marquante ?
Celle du Vent se lève, ultra-réaliste et pourtant presque poétique, d'une violence sèche et sans pathos, un condensé du cinéma de Loach.
18 - Quel est votre cimetière préféré ?
Hisoire(s) du cinéma de Godard, le plus beau cimetière d'images que je connaisse.
19 - Possédez-vous un bien en rapport avec le cinéma que vous pourriez coucher sur votre testament ?
Non, vraiment, je ne vois pas.