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C I N E M A T I Q U E - Page 8

  • NUS

     "L'intimité d'un être quelconque, sa façon de se comporter dans l'abandon, son regard au moment de la stupeur, l'aveu de son odeur : il y a quelque chose d'unique à découvrir et de caché derrière des murs et des murs qu'il faut franchir à ses risques, avant de plaire encore, pour mériter la dernière confiance, mieux, une confidence entière, dont la nudité n'est que la figure..."

    (Marcel Jouhandeau, Chronique d'une passion, 1949)

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    (Brigitte Bardot, respectivement dans Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963), Les Femmes de Jean Aurel (1969), Si Don Juan était une femme, de Roger Vadim (1973))

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  • PARLOIRS

    Dans les parloirs de cinéma,la grille qui sépare est une telle métaphore que les larmes montent aux yeux. Caresses furtives et promesses insensées, regards plantés qui ne cillent même plus, le gardien passe sans un mot.

    L'autre toujours trop loin, même au cœur de l'étreinte, même au creux des souvenirs mêlés. L'autre qu'on n'a jamais vraiment rencontré. Le champ/contrechamp qui s'éternise ou s'emballe, des chuchotis sans conséquences, un dialogue pour la forme. Le silence depuis longtemps.

    Un parloir où il n'y a rien à dire, où non seulement tout est joué d'avance, mais où il n'est même plus permis d'en rire. La prison d'un visage, de pommettes un peu trop hautes, de lèvres dessinées. Les mains crispées comme avant un coup, ou comme s'il était temps de regretter.

    Et le gardien, comme un balancier.

    Presqu'à la fin du Trou de Jacques Becker, cette rencontre entre Marc Michel et Catherine Spaak, dont c'est le tout premier rôle :

    "J'ai envie, Nicole, si tu savais comme j'ai envie."

    "Quand tu sortiras... On pourra."

    "Toi aussi, tu en as envie ?"

    Et elle, plus lasse qu'indignée, venant mettre un terme à la discussion : "Tu es bien curieux..."

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  • CHIENS DE PAILLE

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    Les saints hommes ne sont pas humains et bienveillants à la manière du vulgaire ; ils considèrent tous les êtres comme si c'étaient des chiens de paille qui ont servi dans les sacrifices.

    (Lao Tseu, De l'usage du vide, Premier livre du Tao-te-king)

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  • RETOUR SUR JEAN GREMILLON

     

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       Il y a quelques mois la réédition de l’impressionnant documentaire, Le 6 juin à l’aube (1) et à présent la sortie du riche essai de Philippe Roger sur Lumière d’été (2), donnent l’occasion d’évoquer Jean Grémillon (1901-1959), ce très grand cinéaste français.

     

    Avant-guerre, on doit à Grémillon, le déchirant mélodrame La Petite Lise (1930), dont plusieurs échos traversent un demi-siècle plus tard le Mauvais sang de Léos Carax. Il est également l’auteur des célèbres Gueule d’amour (1937) avec Gabin et L’Etrange Monsieur Victor (1938) avec Raimu, mais surtout,  durant l’Occupation, de trois chefs d’œuvre consécutifs : Remorques (1941), Lumière d’été (1942), Le ciel est à vous (1943). Un symbolisme subtil y colore un réalisme résolument tragique, tandis que l’évocation poétique des éléments naturels sert d’écrin à d’admirables portraits de femmes. Oublié par les uns, sous-estimé par les autres, Jean Grémillon fait partie de ces rares poètes de l’écran qui conçoivent leur œuvre comme un tout, chaque segment, même le plus bref, même le plus anodin, s’avérant indissociable de l’ensemble. Chez lui, aucun plan n’est dû au hasard, aucune scène n’est décorative, aucune séquence n’apparaît comme simplement fonctionnelle. Du cadre aux éclairages, de la musique aux silences, du découpage aux dialogues, chaque source du récit se révèle par l’accord et la correspondance, ce qui fait dire à Philippe Roger, que « tout se passe comme si Grémillon permutait avec un art consommé des combinaisons de notes sur sa partitions filmique ». (3)

     

    Des études de musique, un goût certain pour l’ésotérisme, une haute vision des rapports entre les sexes et une passion pour le documentaire, ont forgé ensemble ce style cinématographique alliant finesse allégorique et authenticité de l’observation sociale, donnant toute leur force anti-naturaliste aux tourments et aux espoirs de ses différents travailleurs, figure essentielle de ses films, des ouvriers du barrage de Lumière d’été au garagiste du Ciel est à vous, des marins de Remorques aux gardiens de phare du film éponyme. Plus attaché au mystère relationnel qu’un Renoir, moins enclin à la facilité ornementale qu’un Carné, Grémillon est jugé politiquement moins incisif que le premier et esthétiquement plus fade que le second, alors que c’est tout le contraire ! Par ses récits faits de non-dits plutôt que de grandes déclarations, de renversements d’alliances plutôt que de compagnonnages attendus, d’échappements aux déterminismes plutôt que de soumission, il livre une critique bien plus acerbe d’un certain nihilisme contemporain. Par l’importance donnée aux mouvements de la brume, aux rythmes du vent, aux reflets du feu, par les apparitions de ses personnages, discrètes ou théâtrales, élégiaques ou violentes, il compose des scènes insolites à l’harmonie délicate, frôlant le fantastique, bien plus envoûtantes que celles qui accumulent autour de mièvres amourettes, falbalas et carton-pâte à haute teneur historique.

     

    La plus grande qualité de Jean Grémillon est en effet de ne faire allégeance à aucune des figures obligées de son temps. En plein Révolution Nationale, il n’a aucune envie d’ajouter à une déjà bien longue liste, un nouveau conte édifiant de la propagande vichyste, de se raccorder à toute cette mouvance cinématographique « n’ayant d’autre morale qu’une pudibonderie maniaque et imbécile » (5) comme s’en offusquait Lucien Rebatet, lequel défendra toujours Grémillon sur ce point, se félicitant que celui-ci soit parvenu dans ses récits pourtant soumis à la censure, à insuffler de la vie plutôt qu’entériner des slogans ; cette vie « qui fuit les feuilletons artificiels qu’illustre par exemple L’Herbier » (6). A la Libération, il saura également se défier des œuvres au patriotisme tonitruant, sachant au contraire faire la part des choses, et de montrer notamment, avec Le 6 juin à l’aube, ce que la Normandie avait enduré, sous la botte allemande et les bombardements alliés. Le montrer dignement, c’est-à-dire sans opportun trou de mémoire ni confusion relativiste. Dans le cinéma de l’après-guerre, qui cherche ses marques, avec déjà les prémisses d’une ironie en prise avec l’air du temps, Grémillon ne renoncera pas davantage à sa singularité, ajoutant au contraire toujours plus de lyrisme à ses tragédies, comme le démontre le splendide Pattes blanches (1949).

     

    C’est qu’il y a derrière les histoires d’amour et de mort des plus grands films de Grémillon bien autre chose que ce mélange de Boulevard, de mélo et de chiqué qui a fait le sel de tant de films français de l’époque. Dans son dernier opuscule consacré à Lumière d’été, Roger s’attache justement à mettre en valeur « le foisonnement discret », le « subtil fourmillement », le « classicisme maîtrisé aux débordements contenus »  d’une œuvre cryptée, celle d’un cinéaste à part, refusant le didactisme asséchant comme la frivolité baroque. Il démontre par exemple avec brio que par leur mode d’apparition, les objets qui leur sont attachés, la diction qu’ils emploient ou le thème musical qui les accompagne, ses différents personnages représentent les quatre éléments primordiaux. La fiction alors, ne nait plus simplement des rebondissements du scénario, mais aussi des interactions délétères ou bénéfiques de ces éléments entre eux, de leurs oppositions et complémentarités traditionnelles. Grémillon n’est décidément pas un moderne, et loin du psychologisme à tous crins, propose une vision magique du monde. On se reportera utilement au Mystère de l’Œuvre, consacré à Remorques par le même Philippe Roger (7), pour bien comprendre, à travers l’allégorie alchimique, ce que tente d’approcher ce cinéaste : le chemin qui peut conduire tout homme « du trouble à l’harmonie, du clivage au dépassement, à la quintessence » (8), ce secret au cœur des êtres et des choses, pour reprendre les propres termes du cinéaste, cette vérité initiatique que le meilleur du cinéma français, de Grémillon à Melville en passant par Franju, aura toujours à cœur de célébrer.

     

     

     

    1)      Le 6 Juin à l’aube (1946), de Jean Grémillon. Editions de l’Œil, 2014

    2)      Lumière d’été de Jean Grémillon, Philippe Roger. Editions Yellow Now, collection Côté films, 2015

    3)      Philippe Roger, ibid.

    4)      Philippe Roger, ibid.

    5)      Lucien Rebatet, Quatre ans de cinéma, Editions Pardès, 2009

    6)      Lucien Rebatet, ibid.

    7)      Philippe Roger, Le Mystère de l’œuvre, Editions du Cosmogone, 1998

    8)      Philippe Roger, ibid.

     

     

    (Une version de ce texte est parue dans le n°156 de la revue Eléments)

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  • P'TIT QUINQUIN, DE BRUNO DUMONT

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    Nous irons dans la cour de Jeannette-aux-Vaches
    Voir les marionnettes. Comme tu riras,
    Quand tu entendras dire : "Un sou pour Jacques !"
    Par le polichinelle qui parle mal.
    Tu mettras dans sa menotte,
    Au lieu de sou, un rond de carotte !
    Il te dira merci !...
    Pense comme nous aurons du plaisir !...

     

    (Extrait de Le P’tit Quinquin, berceuse écrite par Alexandre Desrousseaux, poète lillois, en 1850)

     

     

     

    P’tit Quinquin est le nom d’une série réalisée par Buno Dumont et diffusée il y a quelques mois sur Arte. Désormais disponible en dvd, elle apporte la preuve éclatante qu’il existe une alternative aux fictions françaises lisses et vertueuses comme aux productions américaines riches d’énigmes mais dénuées de mystère. Pourquoi faut-il absolument la voir ? Pour au moins les sept raisons suivantes.

     

    Parce que cette série télévisée en quatre épisodes récapitule avec candeur et dérision tout l‘œuvre de Bruno Dumont, depuis La vie de Jésus et L’humanité, jusqu’à Camille Claudel 1915, en passant par Flandres et Hadewijch, mêlant jusqu’au paroxysme amours indélébiles et Mal insaisissable, paysages intérieurs et quête existentielle, étreintes secrètes et regards longuement croisés. La candeur, car Dumont continue de croire à ce cinéma de l’évocation, de l’épiphanie et du filigrane, à ce cinéma bressonnien, à l’époque des simagrées martelées sans recul. La dérision, parce qu’il s’amuse aussi de ces figures et de ces thèmes, leur insufflant de la vie, autrement dit de l’imprévisibilité, avant qu’ils ne se figent, là encore en totale contradiction avec un cinéma moderne qui à défaut de profondeur, surjoue l’esprit de sérieux et plutôt que proposer, entérine.

     

    Parce que c’est une série française qui ne fait pas de la morale-fiction, qui ne se veut pas, comme tant d’autres, une ode poussive à un vivre-ensemble en carton-pâte, énumérant ses idéals-types au lieu d’oser le réel. Ici les accents sont à couper au couteau, les silences profonds et les injures sans retenue ; ici les grandes déclarations et les gros mots se succèdent sans souci de dosage ou d’équilibre, sans l’habituel corollaire de moraline, contrepoint rassérénant venant nous expliquer que tout va pour le mieux. Loin d’un cinéma paroissial qui ne s’efforce plus que de calmer le jeu, P’tit Quinquin n’est pas une série à la gloire des gentils.

     

    Parce que pour la première fois, Dumont mêle la farce au drame, parvenant selon la durée de ses plans ou le montage de ses séquences, à faire naître aussi bien le malaise que le rire. Pour ceux qui ricanent au premier mot de patois et s’esclaffent à la moindre chemise dépareillée, tout cela est la preuve que le cinéaste se moque de ses personnages, alors que l’humour de P’tit Quinquin réside moins dans les trognes et les manières outrées de ses personnages -plus insolites que drôles-, que dans les ratés, les répétitions ou les excès de leurs apparitions-disparitions. C’est ainsi qu’il parvient à donner de l’extravagance aux passages obligés et de la poésie fantasque aux rituels démonétisés. Absence de mépris de classe, hommages à Tati comme à Jean-Daniel Pollet : P’tit Quinquin, c’est l’anti-Deschiens.

     

    Parce que la figure majeure de son cinéma, le champ/contre champ contemplatif, trouve ici sa quintessence, tenant à distance raisonnable aussi bien l’effet de réel qui fascine à bon compte, que le symbolique qui désincarne. On assiste même ici à troublant retournement : ce sont bien ce cadavre, ces vagues, ce cheval ou cette colline qui nous regardent, qui évaluent notre capacité à les lire jusqu’au bout, jusqu’à Rubens et jusqu’à l’enfance. Malgré son format télévisuel, P’tit Quinquin est bien du cinéma, ne serait-ce que parce qu’il a l’audace, en un temps où les techniques de diversion s’affinent toujours davantage, de réclamer du spectateur un regard prolongé.

     

    Parce que l’auteur de Camille Claude 1915 est l’un des rares cinéastes contemporains à oser montrer à l’écran des handicapés mentaux sans rien édulcorer de leur anormalité. Comme lorsqu’il avait tourné avec les patients d’une Maison d’Accueil Spécialisée, Dumont sait les filmer en se tenant à l’écart de la pudibonderie documentaire comme du grand-guignol spectaculaire, simplement en leur laissant le temps d‘être à l’écran. La gageure étant bien de faire passer le spectateur de la gêne à l’acceptation sans perdre en route l’étrangeté d’une présence ou l’anomalie d’une relation. P’tit Quinquin, c’est à deux pas de soi, le vertige de l’altérité.

     

    Parce que le cinéaste y poursuit son exploration amoureuse du Nord de la France, cette fois dans le Boulonnais. De Bailleul à Audresselles en passant par Ambleteuse, forts de leurs paysages hiératiques et de leurs femmes silencieuses, de leur nuancier gris, vert et brume, de leurs majorettes et de leurs fanfares, de leurs fermes et de leurs monastères, ses films ne célèbrent pas une région folklorisée (c’est-à-dire dénaturée), mais en exaltent l’âme, affrontant ses grandeurs et ses ridicules sans jamais s’effaroucher, la dénichant dans le gras de la terre, au détour de chemins creux, dans ces repaires entre buttes et galets qui servent de refuge où s’aimer. Regards qui s’ancrent et trivialité majestueuse de gestes immémoriaux : P’tit Quinquin magnifie le lien charnel qui unit un territoire à ceux qui l’arpentent.

     

    Parce qu’en confrontant la sauvagerie au plaisir, le courroux à la vengeance et l’amour au mal, Dumont continue de sonder la nature humaine sans se rattacher au schématisme chrétien, fidèle en cela à cette déclaration remontant à presque dix ans, où il assurait se sentir « plus proche des archétypes de la mythologie gréco-latine que des Pères de l'Eglise ».  Les tourments et les victoires qui s’y déroulent ne condamnent en effet pas plus à l’affliction complaisante qu’à l’angélisme mièvre : sans sermon ni componction, P’tit Quinquin est un film à la noirceur cathartique et à l’humour dévastateur.

     

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  • DES FILMS ET DES DIEUX

     

     

    Voici venu le temps du nouveau questionnaire cinéphilique.

     

    Après l'Erotisme, la Mort, le Cinéma et la Politique, traiter des liens entre la religion et le cinéma  devrait, du moins je l'espère, intéresser autant les dévôts que les libre-penseurs.

    Voici 20 questions auxquelles chacun pourra répondre, selon ses convictions et sur le support qu'il affectionne (commentaires, blogs, sites, statuts Facebook etc..). C'est dans l'esprit le plus oeucuménique qui soit que nous les recenserons toutes en ce lieu, y répondant à notre tour dans trois jours.

     

    Pour le reste, que vos Dieux-Lares respectifs veillent sur chacun d'entre vous.

     

     

    1) Parmi tous ceux qui ont été représentés au cinéma, quel est votre dieu préféré ?

    2) Quel édifice religieux, présent dans un film, vous a donné envie de vous y attarder ?

    3) Quel personnage de prêtre vous a le plus marqué ?

    4) Quel est le film le plus blasphémateur que vous connaissez ?

    5) Quel Jésus de cinéma vous semble le plus fidèle à l’original ? Et le moins ?

    6) Pour quel film mythologique, avez-vous un faible ?

    7) Quel est votre film de moines (ou de nonnes) favori ?

    8) Parmi les films abordant la religion juive, quel est votre préféré ?

    9) Même question pour l’islam ?

    10) Quel film a su le mieux traduire l’intensité du monde païen ?

    11) Sous les traits de quelle actrice aimeriez-vous voir une apparition de la Vierge Marie ?

    12) Dans quelle œuvre avez-vous trouvé dépeint le plus fidèlement un rituel religieux ?

    13) Un miracle vous permet d’entrer véritablement à l’intérieur d’un film : lequel ?

    14) Quel est votre Diable préféré ?

    15) Avez-vous découvert une religion au cinéma ?

    16) Quel est à vos yeux le plus grand cinéaste chrétien ?

    17) Dans la république islamique dépeinte par Michel Houellebecq dans son dernier roman, Soumission, quels cinéastes ou quels films auraient, à votre avis, droit de cité ?

    18) Quel film vous obligerait-on à revoir sans cesse si vous séjourniez aux Enfers ?

    19) Etant entendu que la cinéphilie est pour vous une sorte de religion, quel en est le ou les dieux ? Le ou les prophètes ? Les rites principaux ?

    20) Y-a-t-il une scène ou un film qui ait un jour choqué vos convictions, que celles-ci soit de nature religieuse ou non ?

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    Dans les commentaires ci-dessous, les réponses de :

    Florent, de Cinecdoche 

    Christophe, d'Avis sur des films 

    Carole, de Nord-nord-ouest 

    Amandine

    Ipidiblue, du Parti pris d'écrire 

    Damien (de sable)

    Edouard, de Nage nocturne

    Volker Rivinius, de Surrealistic pillow

    Pierre Audebert

    Montalte, de La page de Pierre Cormary

    Ash

    *

    Sur leur blog, les réponses de :

    Vincent (Le journal du Dr Orlof)

    Frédérique (Les nuits du chasseur de films)

    Pradoc (le Bloc)

    Vincent (Insifree)

    Sylvain (Ma pause café)

    *

    1) Parmi tous ceux qui ont été représentés au cinéma, quel est votre dieu préféré ?

    Ce sera une déesse. La plus belle d'entre toutes : Vénus. Sous les traits d'Uma Thurman dans Les Aventures du baron de Münchausen, de Terry Gilliam.

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    2) Quel édifice religieux, présent dans un film, vous a donné envie de vous y attarder ?

     

    L'église où les diverses pensionnaires de la Maison Tellier, dans Le Plaisir de Max Ophuls, viennent se recueillir, sous les yeux émerveillés de Gabin. Frou-frous, mouchoirs en dentelle et moues exagérées, et puis soudain la grâce d'un instant sur le visage de Danielle Darrieux.

     

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    3) Quel personnage de prêtre vous a le plus marqué ?

     

    La souffrance du petit prêtre du Journal d'un curé de campagne, de Bresson. 

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    4) Quel est le film le plus blasphémateur que vous connaissez ?

     

    Salo, de Pasolini, car ce sont les idéaux de notre société, d'autant plus sacrés qu'ils sont faisandés, qui y sont méthodiquement salis.

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    5) Quel Jésus de cinéma vous semble le plus fidèle à l’original ? Et le moins ?

     

    Le très beau Roi des Rois de Nicholas Ray, reste le plus fidèle aux textes de la légende biblique. Et celui de la dernière tentation du Christ, de Martin Scorcese, remarquable adaptation du passionnant roman de Kazantzakis, le plus fidèle aux interrogations que cette légende suscite.

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    6) Pour quel film mythologique, avez-vous un faible ?

     

    Pour sa vivacité, sa verdeur, ses trucages à la Méliès et la présence de la mystérieuse Jacqueline Sassard, sans hésiter Les Titans, de Duccio Tessari.

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    7) Quel est votre film de moines (ou de nonnes) favori ?

     

    Sans hésiter non plus, le splendide Narcisse noir du merveilleux Michael Powell. 

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    8) Parmi les films abordant la religion juive, quel est votre préféré ?

     

    Même si c'est un piètre cinéaste, la veine autobiographique de Claude Berri est plutôt attachante. Dans Mazel Tov, il est à son meilleur, mi-tendre mi-lâche, autant insouciant que sans scrupules. Le mariage religieux des vingt dernières minutes du film, haut en couleurs, vaut le détour.

     

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    9) Même question pour l’islam ?

     

    Le Destin de Chahine. Une autre vision de l'islam que celle véhiculée par les adeptes du choc des civilisations, et de ce fait, une belle claque à la violence sanguinaire des fous d'Allah.

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     10) Quel film a su le mieux traduire l’intensité du monde païen ?

     

    Excalibur, de Boorman, qui représente un monde encore peuplé de monstres et de merveilles, de sortilèges et d'esprits, de troubles et de mystères, avant le règne de la normalisation et de la simplification. Sa Forêt d'émeraude ne dit d'ailleurs pas autre chose.

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    11) Sous les traits de quelle actrice, aimeriez-vous voir une apparition de la Vierge Marie ?

     

    Edith Scob, pour sa beauté dérangeante et manière d'être là tout en étant ailleurs. D'ailleurs Bunuel, dans La Voie lactée, a eu l'idée bien avant moi.

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    12) Dans quelle œuvre avez-vous trouvé dépeint le plus fidèlement un rituel religieux ?

     

     Dans Le Dernier voyage de Tanya, d'Alexei Fedorchenko, les derniers descendants des Mérias, un peuple d'origine finno-ougrienne assimilé par les Slaves, procèdent à des préparatifs de mariage ou à des cérémonies funéraires, de manière simple et bouleversante. Il s'agit bien de leur dernier combat avant l'acculturation et l'oubli.

     

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    13) Un miracle vous permet d’entrer véritablement à l’intérieur d’un film : lequel ?

    Prendre la place de Langue Pendue aux côtés d'Anna, durant la nuit arrachée au temps, située au coeur de Mauvais sang de Léos Carax.

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    14) Quel est votre diable préféré ?

     

    Le plus innocent d'entre eux, le plus redoutable donc : la petite fille au ballon blanc du Toby Dammit de Fellini.

     

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    15) Avez-vous découvert une religion grâce au cinéma ?

     

    Celle de la tribu amérindienne des Invisibles dans La Forêt d'Emeraude de Boorman.

     

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    16) Quel est à vos yeux le plus grand cinéaste chrétien ?

     

    John Ford.

     

    17) Dans la république islamique imaginée par Michel Houellebecq dans son dernier roman, Soumission, quels cinéastes ou quels films auraient, à votre avis, droit de cité ?

     

    Au début aucun, et puis peu à peu chacun y mettrait du sien pour que le cinéma, comme il l'a toujours fait, colle au nouvel air du temps

     

    18) Quel(s) films) vous obligerait-on à revoir sans cesse si vous séjourniez aux Enfers ?

     

    Ceux d'Haneke, Ozon, Klapisch, Emmerich, Besson, Honoré, Lartigau, Boon, Larrieu, Onteniente, Nolan, Masson, Angelopoulos... 

     

    19) Etant entendu que la cinéphilie est pour vous une sorte de religion, quel en est le dieu ? Le (ou les) prophète(s) ? Les rites principaux ?

     

    Comme le bouddhisme, c'est une religion sans dieu, avec une ascèse faite d'au moins un film par jour, par séries sur un acteur, un style, une année, un auteur, un pays etc...

     

    20) Y-a-t-il une scène ou un film qui ait un jour choqué vos convictions, que celles-ci soient de nature religieuse ou non ? 

     

    Non, pas que je sache. 

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  • BOUCLES

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    Science-fiction hollywoodienne. Quels que soient le danger que l'on affronte, la porte que l'on passe, l'étape que l'on franchit, c'est toujours vers une nouvelle instance de soi qu'on se dirige. De la femme ou du dieu qu'enfin on on se donne, auxquels enfin on se soumet, il n'y a pas à attendre compréhension ou sollicitude, seulement un reflet plus approchant.

    Le déjà-vu n'est ni une coïncidence ni un plagiat, simplement une preuve de plus qu'on n'avance qu'en refaisant sans cesse le même parcours, avec la même candeur et la même vanité. La parodie n'existe pas quand tout se rejoint dans l'hyper-Moi.

    En amont de tout voyage, il y a la certitude qu'on en est déjà revenu.

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  • SYSTEMES CLOS

     

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    Rester de marbre en dépit du désastre, s'affoler jusqu'à ne plus reconnaître les siens. La modernité ne nous laisse plus le choix qu'entre ces deux attitudes infécondes, qu'elle promeut alternativement.

    Ne plus être maître de son destin sous prétexte de recul, de distance, de lâcher-prise, mots de passe et d'ordre qui visent à formater sans remous, à contrôler sans risque, qui donnent aux prisonniers des allures de pseudo-Sages, certains de juger à bon escient quand ils ne font que consommer et se taire. Ou bien à l'inverse, s'insurger, se révolter, monter sans cesse de nouvelles barricades, dévaster pour le charme d'un slogan, haïr selon quelques prétextes, devenir cette marionnette citoyenne qu'on indigne à volonté et qui finit par détruire sans même y prendre garde, ce qui pouvait la libérer. 

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  • ÇA TOURNE !

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    Si ça n'arrête pas de tourner, c'est un rêve.

    Si la toupie finit par tomber, le souvenir par s'adoucir, on entre enfin dans la réalité, qui n'est faite que de mouvements épuisés, de peurs et de joies atténuées. Tant que le mouvement perpétuel nous étreint en revanche, tant que l'on suit, en boucle éperdue, le déroulé d'un sourire, d'une démarche, d'une révélation, on navigue à vue en pleine illusion, ivre de rationalisations morbides.

    Le bal des réminiscences est toujours une danse macabre.

    Tout ce qui tourne finit par chavirer, et c'est justement cette chute attendue qui fait la beauté de la danse. Vouloir à toute force contrer cette loi, c'est se condamner à vivre dans le mirage d'un monde illimité, contrôlable à merci.

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  • RETOUR AUX AFFAIRES

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    C'est bien souvent à côté de ce que l'on regarde que le drame se noue. On ne quitte pas des yeux, comme le lait sur le feu, l'objet de toutes nos attentions, et le voilà malgré tout qui s'échappe, attiré par ce que nous avions négligé, ce que nous n'avions pas su voir. On détourne le regard, après bien des regrets, de l'objet de tous nos tourments, et c'est au sein même de ce hors-champ préservé de toute souillure, que naît le danger.

    On croit tout observer, mais on ne sait que se laisser distraire.

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  • ALTERMONDE

     

    western italien, sergio leone, sartana, le jour de la haine, giovanni fago

     

    « J’étais le père du genre et n’ai eu que des enfants tarés », a pu dire Sergio Leone, qui après sa trilogie des dollars, a vu proliférer des films reprenant ses thèmes et ses figures, parfois sans grande finesse ni maîtrise, jusqu’au marasme des Trinita avec Terence Hill. Le jugement est cependant bien sévère car le western italien, profondément anarchisant et très éloigné du monde en noir et blanc d’Hollywood, dérivant parfois vers une sorte de nihilisme aristocratique, avec ses héros-dandys cheminant au milieu des ruines morales d’un Ouest de violence et de corruption,constitue avec ses nombreuses oeuvres de qualité, un genre cinématographique à part entière.

     

    Parmi ceux sortis ces derniers mois chez Artus, deux sont absolument remarquables. Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera (1970) de Giulanio Carmineo, pousse ainsi sa logique désabusée jusqu’aux limites, montrant les uns après les autres, ses personnages emblématiques en cours d’avilissement, tous gagnés par la névrose de l’or, du banquier au shérif, de la belle héritière à l’immigrant chinois, de l’entraineuse de saloon…à Sartana lui-même, vengeur solitaire et manipulateur. Mais le plus beau est sans doute Le Jour de la haine (1968) de Giovanni Fago, crépusculaire duel fratricide sur fond de guerre de Sécession, avec ses villages-fantômes, ses armées en déroute et ses trahisons en tous genres. Ce film qui jamais ne relâche sa tension ni n’allège son atmosphère, condamne sans équivoque un monde ayant perdu jusqu’au respect de la parole donnée.

     

    Avec leur sens du rythme et leur exigence formelle, leur violence graphique toujours ressaisie dans un découpage au cordeau, leurs bouleversants flashbacks sur l’amour enfui ou l’enfance perdue, les gialli, les péplums, les polars et les westerns tournés dans l’Italie des années 60-70, sont tout simplement l’honneur du cinéma populaire.

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  • MALEFICES

     

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    Dans son Fritz Lang paru chez Pardès il y a dix ans, Michel Marmin a la dent plutôt dure sur les films de la période américaine, tout particulièrement ceux qui se piquent de psychologie (souvent sommaire) voire de psychanalyse (à la hussarde), comme La Femme au portrait, La Rue rouge, ou encore Le Secret derrière la porte, dont il n’hésite pas à railler le scénario à la « bêtise insondable ». Nous partageons totalement cet avis, le point faible de ces films (comme de certains Hichtcock de la même veine) étant bien leur psychologisme simplificateur, leurs plongées puériles dans un subconscient de pacotille, qui font aujourd’hui sourire et que Lang lui-même, dans ses entretiens avec Peter Bogdanovich, a par la suite regrettés.

     

    Or, chez Lang, ce n’est jamais le scénario, encore moins les dialogues, qui importent, mais bien les subtiles modifications d'atmosphère d'une séquence à l'autre, et l’émotion qui jaillit du moindre plan, surtout le plus anodin. Lang est le cinéaste des scènes d'exposition attendues et cependant vibrantes, des panoramiques familiers venant soudain troubler. Le maître de l'altération progressive et soignée de principes d'apparence immuable. Ce n’est pas pour rien que ce cinéaste figurait dans le carré d’as des mac-mahoniens aux côtés de Walsh ou Losey : recréer le monde dans une forme (et avec délice en subir l’emprise) plutôt que se borner à enregistrer un réel toujours plus décevant (qui ne sait que vous enserrer sans jamais rien révéler).

     

    Tout l’intérêt alors de ce Secret derrière la porte (1948), sorti récemment chez Carlotta, ce n’est bien entendu pas la relation amoureuse convenue, ni la galerie de personnages caricaturaux, cousant toutes deux de fil blanc un suspense vite émoussé, mais bien la manière remarquable avec laquelle Lang filme les lieux, modifiant par de purs artifices de mise en scène, leur espace et leur climat : l’hacienda de la lune de miel, havre reposant et soudain prison ; la gare, lieu de félicité ou bien d’angoisse ; la demeure familiale, « lieu maléficié » par excellence selon le juste mot de Marmin, dédale chic et intrigant avant de devenir tombeau labyrinthique.

     

    Loin des facéties hollywoodo-freudiennes, ennuyeuses et appliquées, on retrouve là le Lang ensorceleur des Araignées, des Trois Lumières et de M le maudit.

     

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  • DES SEXES ET DES MIROIRS

     

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    Jess Franco, disparu l’an passé, laisse derrière lui près de 200 films où l’on trouve de tout : du fantastique et de l’horreur, des comédies polissonnes et du porno, de l’aventure exotique et de la prison pour femmes, des vampires, des nazis et au moins dix adaptations de Sade… Celui qui assista Welles sur son Fasltaff, et qui n’a cessé depuis 1954 d’enchaîner les tournages, est un monument du cinéma-bis, ayant tourné un grand nombre de navets dont certains recèlent des plans splendides, beaucoup de films de commande sauvés par leurs digressions fascinantes, mais également quelques rares et incontestables chef d’œuvres !

     

    Artus-Films vient ainsi d’éditer trois nouveaux films du maître, dont deux valent absolument le détour. Si Sumuru, la Cité sans hommes (1969), sorte d’OSS 117 lesbo-futuriste tourné à Rio, ne vaut guère que pour la géniale composition de George Sanders, Les inassouvies (1970) et le miroir obscène (1973) ont l’avantage d’initier le spectateur profane à l’inimitable style musical de Franco, fait de zooms marquants, d'audacieux panoramiques enchaînés les uns aux autres, de changements brusques de registre. Le premier, adaptation de La Philosophie dans le boudoir dans la moiteur de paysages insulaires, conte avec un crescendo remarquable le récit d’une dépravation, avec la très belle actrice autrichienne Maria Rohm. Le second, qui suit le parcours d’une jeune femme hantée par un inceste et un suicide, est à voir dans ses deux versions, la française et l'espagnole, car il s’agit de deux œuvres radicalement différentes mais tout aussi cohérentes, hantées à chaque fois par les reflets et les échos, par l'idée du sexe comme gouffre et miroir. Le cinéaste insère une scène ici, supprime une autre là, change l’ordre des plans ou modifie la voix off qui les accompagne, et parvient ainsi, par sa science du montage, à donner à des images presque identiques un sens distinct, toujours empreint d’une grande poésie macabre, à la fois sensuelle et mélancolique.

     

    Peu importe alors les raccords imparfaits, le jeu approximatif, les répétitions et les ellipses également excessives, car ce qui compte ici, c’est bien la manière lyrique avec lesquels Franco fait basculer ses héroïnes du désir coupable à l’effroi (et réciproquement bien sûr), laissant une grande place au rêve, au souvenir, au fantasme, mêlés jusqu’au vertige. L’héritier du Baroque espagnol, c’est lui !

     

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  • AU SEUL NOM D'UNE DEESSE PHENICIENNE

     

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    Un livre de Luc-Olivier d’Algange combine toujours avec bonheur d’indispensables contrefeux poétiques à la laideur du monde moderne. A l’abri des projecteurs qui effacent les nuances comme des cavernes où se forge le ressentiment, il se situe très exactement « entre la lumière d’Homère et l’ombre de Dante », pour reprendre un vers du Luas Vita de D’Annunzio, servant d’ailleurs de titre à l’un des chapitres. Le génie du paganisme, la littérature initiatique de Novalis et de Pessoa, de Dominique de Roux et de Raymond Abellio, la confrontation entre Jünger et Evola, forment les six autres parties de ce brillant essai qui nous enseigne l’art et la manière d’être présent au monde, tout en sachant « se désencombrer de soi-même ».

     

    Si « l’insignifiance est l’horizon que se donne le Moderne », il va de soi que celui-ci passera à côté de la leçon. A quoi bon lire Abellio, contrepoison ultime aux esthètes pointilleux comme aux écrivants de passage, quand on ne jure plus que par le « romancier du singulier qui ratiocine en exacerbant son recours à l’analyse psychologique ou en se perdant en volutes formalistes ». Comment percevoir l’apport essentiel du romantisme allemand, quand l’époque dans laquelle malgré ses dires on exulte, est justement celle qui « débute avec l’occultation de l’Encyclopédie de Novalis et le triomphe de la volonté rationnelle  hégélienne » ? Comment apprécier la hauteur de vues d’un De Roux ou d’un Pessoa, quand on ne sait plus, entre manifs festives et ultimatums ludiques, que « se plaindre de tout, revendiquer contre tout sans jamais se rebeller contre rien » ?

     

    L’essai de Luc-Olivier d’Algange s’oppose radicalement au totalitarisme libéral, à l’avilissement qu’il engendre comme à l’indistinction qu’il programme. A la suite de l’Anarque jüngerien et de l’homme de la Tradition évolien, il identifie celui-ci à une « idéologie de haine », l’uniformité qu’il ne cesse de promouvoir étant bien « la parodie et l’ennemie de l’unité ». Face à la barbarie des fondamentalismes, l'auteur défend le recours à la Tradition. Contre les ravages de la Transparence infligés par des individus toujours plus massifiés, il ne cesse de chanter « l’âme odysséenne » éprise d’inconnu.

     

    C’est un livre pour promeneurs solitaires et rêveurs indociles, un livre pour ‘happy few’, en ce sens qu'il nous insuffle, et ainsi nous réapprend, la joie de résister.

     

    (Luc-Olivier d’Algange, Au seul nom d’une déesse phénicienne, Alexipharmaque, 2014, 113p, 19 euros)

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